Entrevue avec Luc Poirier, entrepreneur

Entrevue avec Luc Poirier, entrepreneur, réalisée par Shanny Croteau, Éliane Desmarais, Makayla Nantel et Charline Pelletier des Comités 12-18 de St-Rémi-de-Tingwick, Lefebvre et St-Félix-de-Kingsey.

Décrivez-nous votre entreprise.

Au fil des années, j’ai eu une cinquantaine d’entreprises dans toutes sortes de domaines. Principalement depuis six ou sept ans, c’est plus du développement de terrains que je fais. Je fais de l’immobilier, mais c’est large comme domaine. J’ai touché un peu à tout, j’ai eu des blocs d’appartements, des bâtiments commerciaux, des bâtiments industriels. J’ai construit de gros édifices à Montréal. J’ai été aussi courtier immobilier. Mais aujourd’hui, je fais que, ou à peu près que, du développement de terrains.

Quels types de métiers peut-on retrouver dans votre entreprise ?

Dans le développement de terrains, on fait à peu près tout à l’externe à part la comptabilité. Ce que ça prend, c’est l’urbaniste, l’arpenteur et le biologiste. Qu’est-ce qu’il y a d’autres aussi ? L’ingénieur pour mettre les rues, les trottoirs et les lampadaires. Les ingénieurs électriques et mécaniques d’Hydro-Québec. Tout se fait à l’externe avec des sous-traitants. Avant, quand je construisais des buildings, j’avais à peu près 180 employés parce qu’on avait de tout : des charpentiers, des menuisiers, des « gars journaliers » comme on les appelle, des chargés de projets, etc. Mais aujourd’hui, comme je fais plus du développement de terrains, c’est beaucoup plus simple. Ce sont les quelques de sous-traitants que j’ai nommés au début et c’est à peu près tout.

Quelles sont les valeurs de votre entreprise ?

C’est bizarre à dire, mais c’est de créer de la valeur. C’est ça le concept. Je prends un terrain que personne veut, sur lequel il y a une industrie qu’il faut que je démolisse ou des problématiques de contamination. Je monte un projet global et je crée de la valeur. Au niveau des valeurs de l’entreprise, c’est la franchise, le dévouement, la persévérance. En fait, je suis reconnu comme un créateur qui a peur de rien. J’achète des terrains contaminés que personne ne veut, dont le terrain juste ici . J’ai payé 23 millions il y a trois ans et ça vaut 400 millions aujourd’hui. Mais personne n’en voulait il y a trois ans, même à 23 millions. Quand j’ai acheté ça, les gens riaient de moi. Les gens me reconnaissent comme quelqu’un qui a peur de rien et qui aime les défis. Je pense que c’est ça, la valeur de l’entreprise. On fonce, on n’a pas peur et on se débrouille parce qu’il n’y a rien de facile, il y a toujours des difficultés. On vit avec et on va jusqu’au bout. On finit ce qu’on a commencé. C’est l’une des valeurs de l’entreprise.

Dans ma vie personnelle, par exemple, j’avais lâché l’université entre ma première et ma deuxième année à cause de mon magasin informatique qui a tellement bien fonctionné et demandé. Je me suis dit que j’allais m’occuper plus tard de mes études et « plus tard » n’est jamais arrivé, sauf dernièrement. Donc aujourd’hui, je finis mon université parce que je finis toujours ce que je fais. C’est une valeur personnelle, mais aussi celle de ma compagnie. Aller jusqu’au bout et tout faire pour y arriver.

Quelles qualités de base recherchez-vous chez vos employés quand vous les embauchez ?

Qu’ils soient différents des autres. Quand je travaillais au magasin informatique, tous les gens qui venaient avec des CV et qui venaient de finir l’université (avec un bac en informatique), ils étaient toujours dépassés par les petits jeunes de quinze ans qui étaient des petits « nerds » dans leur sous‑sol. Ils mangeaient de l’informatique du matin au soir. Moi, c’était les petits jeunes de quinze ans que j’engageais et qui aujourd’hui sont les meilleurs au monde. Ils travaillent pour Microsoft pour 1 million par année. Ils n’ont pas été à l’université ou fait beaucoup d’études, mais ils sont brillants et différents des autres.

J’essaie de trouver la perle rare qui va se démarquer, être différent, penser autrement. Là, j’ai de moins en moins d’employés parce que je veux une qualité de vie et gérer les employés, ce n’est pas toujours évident. J’ai décidé de m’occuper des terrains pour avoir moins d’employés que les 180 que j’avais avant. Surtout que dans le monde de la construction, c’est un monde où il y a beaucoup de boissons et de drogues. Ça se vole entre eux les outils, ça se bat, il y a beaucoup de testostérone. Il se passe toutes sortes d’affaires.

Donc ce que je recherche, c’est quelqu’un de différent et de franc. Parfois, l’employé, ça lui ne tente pas de rentrer. J’aime mieux qu’il le dise au lieu de raconter toutes sortes d’histoires. Être honnête, c’est la base. Après ça, j’aime engager des employés qui sont de belles personnes d’abord et avant tout parce que tout peut s’apprendre. Mais ça ne sert à rien d’engager quelqu’un qui connaît tout, mais qui n’est pas capable d’être avec d’autres gens. Il y en a qui sont antisociaux. Moi, je préfère quelqu’un qui est une belle personne, bien élevé, respectueux envers les autres et à qui tu peux montrer le job plutôt qu’une personne qui connaît tout, mais qui n’est pas fin ou menteur.

Y a-t-il des réalisations ou des projets de votre entreprise dont vous êtes particulièrement fier ?

Il y en a plusieurs. On me connaît beaucoup pour l’histoire de l’île Charron. C’est un terrain que j’ai acheté et sur lequel le gouvernement, pendant quatre ans et demi, a mis une réserve. Je ne pouvais rien faire avec. J’avais tout mis mon argent dans ce terrain-là et j’avais un prêteur privé avec un gros taux d’intérêt à 14 %. Donc chaque mois, ça me coûtait à peu près 50 000 $ d’intérêts. J’avais plus d’argent. Pendant quatre ans et demi, je me suis débrouillé pour créer 50 000 $ par mois de revenus avec 0 $. Le gouvernement a vu que j’étais comme une coquerelle impossible à tuer et ils m’ont donné 15 millions. Ça, c’était en 2012. J’avais payé 6 millions et ils m’ont donné 15. Moins l’impôt et tout ça, il me restait 8 millions avec les prêts. C’est avec ça que je suis réellement parti en affaires et que ça a bien été.

Selon vous, quels sont les avantages à travailler en région ?

Oh, il y en a plein, la qualité de vie d’abord et avant tout. Pas de trafic. L’air pur, plus de nature. Les gens sont plus calmes. J’ai des chalets à Bromont et au Lac-Brome et les gens sont relax. Ce n’est pas la même clientèle à Montréal ou en ville. Il y a un paquet d’avantages. Pendant la COVID, tout le monde est parti en région avec le télétravail. On pense même, nous, déménager peut-être un jour pas si lointain à Bromont, justement parce que la qualité de vie est incroyable comparée à celle de Montréal. Oui, il y a plein d’avantages. L’un d’eux, c’est que quand tu es employeur, pour trouver de la main-d’œuvre, tu grossis, tu grossis, c’est difficile, il y en a moins. Tu as des avantages et des désavantages aussi, tu as les deux. C’est certain que ce n’est pas pour rien que moi, je ne suis pas à Montréal. Je ne veux rien savoir du centre-ville. Avant, le trafic, c’était démentiel et là, ça va recommencer quand le monde va revenir au bureau. Plus tu es loin… en tout cas (rires).

Comment se passe une journée de travail pour vous?

Une journée typique, je rentre le matin vers 7 h 45 et 8 h. Je fais de la paperasse, c’est beaucoup de travail de bureau, je ne travaille pas de mes mains réellement. Des fois, j’ai des dîners d’affaires. L’après-midi, c’est encore de la paperasse et je suis tout le temps à la maison pour le souper. Je soupe avec ma famille, mes enfants. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé de ne plus construire. La construction commençait à 6 h le matin et je ne pouvais pas déjeuner avec les cocos. Le soir, ça finissait vers 6 ou 7 h et le temps d’arriver chez moi… Mes journées, ce n’est pas le « jet-set ». Je rentre, je fais du travail de bureau, je retourne des appels, je réponds à plein de courriels, je fais des rapports, je travaille avec la comptable qui est là.

Mais je travaille de moins en moins, je prends quatre mois de vacances par année et des fois, je prends des après-midis de congé. Ce n’était pas le cas voilà cinq ou dix ans. Mais de plus en plus, je peux me le permettre avec le développement de terrains. Tandis qu’avec une compagnie de construction, je ne pouvais pas. Avant, j’avais des compagnies d’étau-ébéniste, au détail et d’informatique. Tu as des employés, mais si tu n’es pas là, ça ne marche pas autant. Tout le monde veut voir le boss. Toutes les problématiques, c’est toi qui les règles. Même si tu as des bons gérants, c’est toi qui dois être là. J’ai laissé tomber l’étau-ébéniste, j’en veux plus. Le terrain, si je ne rentre pas demain matin, ce n’est pas la fin du monde à moins que j’aie des rendez-vous planifiés. Au pire, je les annule et les déplace. C’est pas du tout pareil.

Il ne faut pas être esclave de notre travail dans le meilleur des mondes. Les jeunes de votre génération, c’est un peu ça. Ils ne veulent pas de poste. Ils arrivent dans une entrevue d’emploi et ils veulent deux mois de vacances en partant. Ça change les choses, votre génération.

Quelle est la partie de votre travail que vous préférez?

Tous les jours sont différents et posent de nouveaux défis. Quand j’achète des terrains, celui que j’ai acheté n’est pas le même que celui que j’ai acheté avant et l’autre d’avant. C’est plaisant parce que ce n’est jamais pareil. Je ne serais pas capable de travailler dans une usine d’automobiles et de mettre une pièce là, puis une pièce là et de faire ça 8 heures par jour. Ce que j’aime de mon travail, c’est que ce n’est jamais pareil et qu’il y a toujours de nouveaux défis. C’est toujours compliqué. Quand tu développes des terrains, tu te bats avec la ville, le ministère de l’environnement, les citoyens qui sont alentour du projet. Toujours, sans arrêt et j’aime ça, me battre. (rires)

Jusqu’où rêvez-vous d’amener votre entreprise ?

En ce moment, je suis en mode stabilisation. Je n’ai pas 50 projets, j’ai 10 projets et ils sont tous là derrière. Je n’en veux pas 50. Je veux acheter un ou deux terrains par année, c’est tout. Les projets, retenez ça c’est bien important : C’est qu’il y en a beaucoup qui se pètent les bretelles en disant par exemple : « J’ai 300 portes de logement ». Mais si tu as 300 portes de logement à Shawinigan, ce n’est pas la même chose qu’avoir 300 portes de logement à Westmount (Montréal). L’important, quand on est en affaires, c’est la ligne du bas, la ligne des profits. Les épiceries, par exemple, ils ont beaucoup de chiffres d’affaires. Ils vendent beaucoup, mais il leur reste 3 % de marge de profits. Mais moi, les terrains, quand je les achète à 300 millions et que je les revends à 400 millions quelques années plus tard, la marge de profits est énorme. Je n’ai pas besoin de faire 150 terrains si j’en ai un qui me rapporte beaucoup plus que les autres. J’ai décidé avec le temps et l’expérience de choisir seulement les gros terrains avec beaucoup de possibilités de profits. Je fais moins de projets, mais ceux que je fais sont plus intéressants et profitables pour moi.

Pour quelles raisons devrait-on travailler pour votre entreprise ?

Il n’y a pas beaucoup de postes disponibles. On est trois. (rires) En fait, on est quatre. Il y a la comptable qui est là et j’ai deux employés qui s’occupent de mes bébelles (bateaux, motoneiges, motos, autos). J’ai une employée réellement, je n’engage plus. Il y a plein de monde qui aimerait ça venir et travailler de six mois à un an, gratuitement, parce qu’ils veulent apprendre. Ce que je fais, ça ne prend pas beaucoup de connaissances. Ça se vit. Il y a un paquet de non-dits et de non-écrits qui s’acquièrent pour savoir si un terrain est bon ou pas bon. Les gens veulent avoir cette connaissance. Mais… non, je n’engage plus, j’en veux plus. (rires)

Qu’est-ce qui vous inspire dans la vie ?

Ma famille bien évidemment. C’est ma priorité. Les défis et la liberté également. Dans mon livre « Voir grand : leçons d’affaires, de vie et de liberté », quand je voulais ajouter le sous-titre « leçons de vie et liberté » et que je voulais absolument écrire « liberté », l’éditeur et mon coauteur trouvaient que le titre était trop long. Je leur ai dit que pour moi, c’est le mot le plus important. J’ai travaillé fort tout mon début de vie adulte, mais le but, c’était d’être libre. Je ne pensais jamais être capable d’acheter des Ferrari et tout ça. Je voulais juste avoir assez d’argent pour être libre. Mettons que je suis au restaurant et que j’hésite entre deux plats, je peux prendre les deux et piger entre les deux. J’ai acheté des valises en fin de semaine parce que les miennes étaient rendues vieilles. Mais le sac à dos vient avec, puis un autre truc vient avec, puis un autre parce que c’est un kit. Ce qui fait que je finis par avoir tout le kit au complet. Ça te permet d’avoir une liberté. On mange bien, on essaie de bien manger biologique et tout ça, mais ça coûte cher. On va en Floride au « Whole Foods », ce n’est pas le même prix que de manger de la cochonnerie. Ça te permet d’être libre et de choisir, c’est ça qui est important. Moi, je suis attaché à aucun bien matériel. Si je vendais toutes mes autos, ça ne me dérangerait pas. Mais perdre ma liberté, ça, ça me dérangerait.

La liberté, c’est de pouvoir aller à n’importe quel magasin quand tu as besoin de quelque chose et de ne pas avoir à attendre le rabais ou les petits coupons ou peu importe. Ça a une valeur. Ma mère, quand on allait à l’épicerie, elle apportait ses coupons et on faisait trois épiceries. Le lait était moins cher à une place et les céréales, à une autre. On se promenait pour sauver des sous, on perdait du temps. Elle était sur l’aide sociale ma mère. Elle avait du temps en masse. (rires)

La liberté, c’est aussi quand mes enfants étaient malades, on allait aux États-Unis les faire soigner. Ce n’est pas si cher que ça. Tu traverses la frontière, qui est à 45 minutes d’ici, tu t’en vas à Plattsburgh et ça coûte 150 $. Ce n’est pas 50 000 $. Tu as un médecin tout de suite, tandis qu’ici à l’urgence, c’est quoi ? Quinze heures, vingt heures d’attente ? Des fois, on allait les faire soigner en Floride. Ma fille était tout le temps malade, tout le temps des otites. Mettons qu’elle était malade le matin, on prenait l’avion (il y a des avions qui partent chaque heure durant l’hiver) et on allait en Floride. Là-bas, juste avec l’air salin et l’humidité, l’otite partait le lendemain. Puis on revenait et tout était correct. Ce sont ces petits plaisirs de la vie qui font toute une différence.

Pour vous, la persévérance scolaire, c’est quoi ?

Tu vois, moi je n’avais pas fini l’université et j’y suis retourné parce que je voulais absolument finir. Je dis à mes enfants que c’est super important l’école et de se rendre le plus loin possible, au moins d’avoir un bac idéalement. Peut-être pas une maîtrise, ce n’est pas une nécessité. J’en ai une et je n’ai pas besoin d’avoir ça. Je veux faire un doctorat en business (EMBA[1]) et j’attends qu’ils sortent leur demande d’admission chaque année pour le faire. Je n’en ai pas besoin, ça ne change rien dans ma vie, j’aurai pas un meilleur poste ou plus d’argent. Mais j’aime apprendre. Puis c’est intéressant, je vais avoir un titre et un diplôme. Pour moi, c’est super important, l’école.

C’est drôle parce que je viens d’une famille pour qui l’école, ce n’était vraiment pas important. Moi, si je ne me levais pas le matin, ma mère ne disait rien. J’étais très bon à l’école, mais on n’était pas obligés d’y aller. En plus, vu que j’étais doué, je m’ennuyais. J’ai un TDA accoté solide, ça n’allait pas assez vite pour moi et j’étais tanné. Pour passer le temps, je faisais des niaiseries et j’en ai tellement fait que je me suis fait mettre dehors de deux écoles. Il n’y en avait plus aucune qui voulait m’accepter. Heureusement, il y a une loi au Québec qui m’a sauvé la vie. C’est la loi qui dit que si tu as 16 ans et moins, tu n’es pas obligé d’aller à l’école. Donc ils ont été obligés de me prendre, mais sans cette loi, j’aurais été un gars à part de l’école. Donc pour moi, c’est super important.

Mon fils de 19 ans a commencé à faire de l’immobilier à 16 ans. Il pourrait faire ça, il vaut facilement un demi-million après deux ans et demi. Il est bien parti s’il continue comme ça, pas besoin d’aller à l’école. Mais je veux absolument qu’il aille à l’école, qu’il finisse son cégep et qu’il ait un bac. Encore là, c’est lui qui va décider, mais je n’arrête pas de lui dire que c’est important. Je pense que c’est un plus dans ta vie. En fait, ce qu’on veut donner à nos enfants, ce sont des outils. On leur donne le maximum d’outils. Mes deux enfants sont bilingues, complètement. Moi, je ne le suis pas parce qu’à l’époque, il y avait pas de Netflix et d’ordinateurs. Aujourd’hui, tout se passe en anglais sur le Web. Avec des séries sur Netflix, les jeunes apprennent plus l’anglais que nous. Ça m’a bloqué toute ma vie de ne pas être bilingue. C’est super important pour moi qu’ils le soient. Là, ils apprennent l’espagnol et ma fille apprend le mandarin. Ma fille est malentendante. Elle n’est pas supposée être capable de parler français comme il faut. Ils lui ont dit qu’elle ne serait jamais capable d’apprendre une autre langue. Et là, elle est presque trilingue. Ils sont partis dans un camp de vacances en Ontario. À la fin de leur secondaire 5, ils vont être trilingues.

C’est tous ces petits outils qui font que tant mieux si tu te rends le plus loin possible. Ce n’est pas compliqué : plus tu as de scolarité, meilleure est ta vie en général. Tu as des meilleurs salaires, des meilleures conditions de travail et des promotions plus rapides. Le gouvernement n’encourage pas les jeunes à apprendre l’anglais. J’ai essayé d’envoyer mes enfants à l’école anglaise et ils ne voulaient pas. Mais en même temps, ils savent très bien que les gens bilingues gagnent beaucoup plus cher que les gens unilingues francophones. On se prive d’une qualité de gens qui serait supérieure et des salaires supérieurs, donc des impôts supérieurs. C’est nono de tout faire pour que les jeunes n’apprennent pas l’anglais. La loi est faite comme ça pour que les gens n’apprennent pas l’anglais. C’est plate parce que plus tu as d’outils, mieux que c’est. L’école, c’est important.

Quel message voulez-vous lancer aux jeunes de notre région ?

Que tout est possible. Dans la région, il y a plein d’entrepreneurs qui réussissent et dont on entend parler. La génération avant la mienne, ils naissaient et vivaient au Québec jusqu’à leur mort. Maintenant, c’est mondial. Le village est mondial. On est plus restreints à Drummondville ou peu importe. D’ailleurs, ma femme a peur que nos plus jeunes aillent étudier à Boston ou ailleurs. Peur qu’ils se fassent des blondes et des chums et qu’on ne les revoie plus parce qu’ils vont déménager. C’est ça la réalité d’aujourd’hui. On n’est pas restreints. Les possibilités sont tellement faciles, le monde appartient à tout le monde. Il n’y a plus de limites d’espace. Autrefois, mettons que tu naissais dans une famille de mécaniciens, tu devenais mécanicien si tu étais un homme. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. La citation d’Iron Man, c’est : « Anything is possible ». Je dirais la même chose.

Que pensez-vous des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité ?

Je pense que ça fait grandir. Ma mère était sur l’aide sociale, mais elle nous amenait faire du bénévolat avec elle. Elle en faisait énormément. Ça fait grandir la personne, pas juste ceux qui reçoivent les services. Je pense que c’est important et que ça fait partie d’une bonne éducation. Ça donne des outils pour plus tard. Pour te donner un exemple concret, quand je me suis fait mettre dehors des deux écoles et qu’il n’y en avait aucune qui voulait me prendre, ma mère a demandé une rencontre avec la ministre de l’Éducation, Mme Pauline Marois, qu’elle connaissait. C’est donc grâce à ma mère qui faisait du bénévolat dans des communautés que Pauline Marois s’est arrangée pour que je revienne à l’école. Le bénévolat apporte plein de choses que tu ne vois pas sur le coup, mais sur le long terme, c’est super bon. Ça en prend des bénévoles.

Quelle importance doit-on accorder à l’activité physique?

C’est très important. Depuis un an, je m’entraîne et le pourquoi, c’est que je vois trop de gens qui tombent à la retraite à 65 ans et qui sont tout croches. Ils sont malades, ils ont de la misère à marcher, ils se promènent en triporteur. Ça a aucun sens. C’est ennuyant  à dire, mais à cause de notre nutrition, 65 % des américains sont « overweight ». Ça donne du diabète, ça donne d’autres complications. On dit toujours « un esprit sain dans un corps sain », mais c’est important. Vieillir quand tu es mal en point, que tu es malade et que tu as mal partout, ce n’est pas plaisant. C’est super important de bouger. Ça peut être juste de marcher. J’ai ma belle-mère qui fout rien, elle a de la misère à bouger dans une maison. On lui dit : « Pourquoi tu ne vas pas marcher ? » Je connais des personnes âgées qui ont 70 ans qui font juste marcher. Ils ne font rien de spécial, mais ils font des marches tous les jours, des fois avec leurs chiens. Ça fait toute la différence. Ça fait partie d’un équilibre de vie. Il y en a qui font juste travailler. Ils n’ont pas de vie de famille parce qu’ils perdent leur femme et tout ça. Ce n’est pas bon, ça prend un équilibre dans tout. Le travail, c’est un équilibre. La famille, les amis, le foyer, ça te prend un cadre de vie qui te ramène aux valeurs. Bouger, c’est important, c’est un tout.

Que pensez-vous de la relation entre les jeunes et la cigarette et/ou la vapoteuse ?

Heureusement qu’il y a de moins en moins de jeunes qui fument, mais il y en a de plus en plus qui vapotent. Mon plus vieux vapotait, je ne sais pas s’il vapote encore. C’est problématique. Au moins, ils ont enlevé les saveurs ou ils vont le faire. C’est bien parce que pour les jeunes, c’est attirant, ça a un bon goût. Déjà, s’ils enlèvent les saveurs, ça va aider, mais c’est la pire affaire. Mon frère a fumé toute sa vie, il a voulu bien faire. Il jouait au hockey avec moi et même s’il avait moins de souffle que moi, il était capable. Il a commencé à vapoter et il a développé une maladie pulmonaire obstructive chronique. Maintenant, il ne peut plus jouer au hockey. Il ne peut plus rien faire. Il n’y a pas assez de trucs scientifiques encore, c’est récent. Il y en a qui disent que ça va être pire que la cigarette. Je ne sais pas si c’est vrai, mais dans les deux cas, ce n’est pas bon. C’est nocif. Ma mère est morte du cancer du poumon parce qu’elle fumait.

Souvent, la cigarette est associée aux gens plus pauvres, c’est comme la boisson. On était pauvres, alors tout le monde fumait dans ma famille. Moi, je n’ai jamais fumé, je n’ai jamais essayé. Je faisais de l’asthme quand j’étais plus jeune parce que mes parents fumaient. Aussitôt que je suis parti tout seul dans ma maison, l’asthme est parti. Mes poumons se sont régénérés. Avant, ils fumaient dans l’auto et ils n’ouvraient même pas les vitres. Il y avait tout le temps de la boucane. On habitait dans des petits appartements, des 5 ½  à 800 pieds carrés, c’était petit. Quand ça fumait, tout l’appartement sentait la cigarette. On n’avait ni air climatisé ni changeur d’air. On fumait la fumée secondaire. Moi je suis contre la cigarette, totalement. La société ne l’encourage pas, mais c’est tout comme. Ils pourraient dire que c’est illégal et dans une couple d’années, ce serait terminé. Mais ils ne le font pas. Ils font des taxes. Avec un paquet de cigarettes à 14 $, ils se font 10 $ de taxes et ils le remettent dans le système de santé après. C’est un vase communicant. Ils vont chercher de l’argent, mais c’est pour soigner des gens comme ma mère qui avait le cancer.


Entrevue avec Les p'tits Monty, jeunes entrepreneurs de la région.

Entrevue avec Camille, Étienne, Marybelle et Antoine Monty, jeunes entrepreneurs, réalisée par Geneviève Duclos et Charles Bilodeau du Comité 12-18 d’Inverness.

Décrivez-nous votre entreprise.

On est des jeunes entrepreneurs. On fait beaucoup de pâtisseries. La plupart de nos produits sont faits sans lactose, donc pas de lait.

Quel type de tâches peut-on retrouver dans votre entreprise ?

Planifier et acheter les ingrédients et les emballages. Cuisiner, déguster et emballer les produits. Faire de la comptabilité.

Quelles sont les valeurs de votre entreprise ?

L’égalité, l’entraide, le travail d’équipe, la qualité des produits et le service client.

Il y a quelques années, pensiez-vous avoir votre propre entreprise, étant si jeunes ?

Non, pas du tout. C’était inattendu, mais c’est le « fun ». Ça fait un revenu de plus.

C’est quoi qui vous a poussés à démarrer une entreprise ?

Étienne a commencé à faire des biscuits. On les trouvait bons. Notre mère nous a parlé d’une jeune entrepreneure qui vendait des cactus. Ça nous a encore plus motivé. Sinon, notre mère nous a dit qu’il y avait du prêt-à-manger à faire au Marché public d’Inverness.

Y a-t-il des réalisations ou des projets de votre entreprise dont vous êtes particulièrement fiers ?

C’est l’ensemble du projet pour cette première année. On a beaucoup vendu et on ne s’attendait pas à ça.

Selon vous, c’est quoi les avantages à travailler en région ?

C’est qu’on connaît plus de monde parce que ça reste autour de notre maison. On a des relations avec du monde. C’est bien aussi qu’il y ait un marché à Inverness. Ça fait qu’on peut socialiser aussi.

Comment se passe une journée de travail pour vous ?

On divise les tâches. Après ça, on organise le travail. On fait l’inventaire et on planifie les quantités.

C’est quoi la partie du travail que vous aimez le plus ?

La dégustation. Je pense pour tout le monde aussi (rires). Sinon, il y a la vente parce que comme ça, on peut offrir ce qu’on veut et on voit nos produits partir.

Jusqu’où rêvez-vous d’amener votre entreprise ?

On aimerait que ça fonctionne à l’année.

De quelle manière votre entreprise se différencie des autres ?

On fait du sans lactose. Il n’y a pas beaucoup d’entreprises qui font ça. Nos produits sont authentiques aussi.

Qu’est-ce qui vous inspire dans la vie ?

La musique. L’art. La réussite.

Camille, la persévérance scolaire pour toi, c’est…

Essayer, même si on n’est pas capable.

Antoine, quel message voulez-vous lancer aux jeunes de votre région ?

Même si on est jeunes, quasiment tout est possible. Si vous voulez, vous pouvez.

Marybelle, qu’est-ce que tu penses des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité ?

Inspirer la communauté et aider à créer des événements, comme le Festival du boeuf.

Étienne, quelle importance doit-on accorder à l’activité physique ?

Une grande importance parce que c’est meilleur pour la santé physique et mentale.

Antoine, que pensez-vous de la relation entre les jeunes et la vapoteuse et/ou la cigarette ?

Je trouve qu’en gros, c’est comme payer pour s’abîmer les poumons.


Entrevue avec Francis Lacharité, propriétaire des Marchés Tradition – Claude et Jean Lacharité inc.

Entrevue avec Francis Lacharité, propriétaire des Marchés Tradition – Claude et Jean Lacharité inc., réalisée par Carolanne Lacharité et Gabrielle Bibeau du Comité 12-18 de St-Albert.

Décrivez-nous votre entreprise.

Ce n’est pas compliqué, c’est un marché d’alimentation (une épicerie). Avec le temps, on a ajouté un fumoir additionnel artisanal, puis une station d’essence. Donc, c’est aussi un peu un dépanneur.

Quel type de métiers peut-on retrouver dans votre entreprise ?

On a des bouchers, un gérant d’épicerie et d’entrepôt, des comptables, des commis généralistes, des caissiers et caissières et un gérant de prêt-à-manger.

Quelles sont les valeurs de votre entreprise ?

Je pense que comme n’importe quelle entreprise, ce serait l’honnêteté, la politesse et l’intégrité.

Quelles qualités de base recherchez vous chez vos employés quand vous les embauchez ?

Qu’ils soient vaillants et polis avec les gens. J’aime quand ils sont curieux et qu’ils cherchent à aller plus loin.

Y a-t-il des réalisations ou des projets de votre entreprise dont vous êtes particulièrement fier ?

Comme je l’ai dit dans l’introduction, c’est sûr qu’intégrer une station d’essence à une épicerie, ça a été un gros projet. On en retrouve de plus en plus aujourd’hui, surtout dans les municipalités comme les nôtres. Quand on l’a fait il y a huit ans, ce n’était pas quelque chose de commun. Je suis fier également de la progression constante du magasin depuis sa création. On réinvestit sans cesse dans la compagnie pour la garder au goût du jour, pour la garder intéressante pour les gens. De ce fait, on est toujours à l’affût des nouvelles tendances. Une autre de mes fiertés, c’est qu’on soit resté dans la municipalité. J’espère qu’on sera encore là longtemps.

Selon vous, quels sont les avantages à travailler en région ?

La proximité avec les gens, c’est un gros avantage. On se connaît. Souvent, en région, les entreprises sont plus petites, alors c’est bien rare que les employés soient des numéros. On se connaît personnellement et on s’appelle par notre nom. La connaissance du milieu en général et le sentiment d’appartenance, ce sont d’autres avantages à travailler en région.

Comment se passe une journée de travail pour vous ?

La mienne commence vers 5 h 30. Je commence avec les inventaires et les commandes. Je fais ma préparation de produits de base pour ma production. Ensuite, pendant la journée en général, je m’occupe de la mise en marché des produits. Je réponds aux clients, évidemment, et discute avec les fournisseurs pour les livraisons. D’habitude, je quitte vers 17 h 15 et 17 h 30. Avec mon équipe, on revient en soirée pour ce qui est de la fermeture du magasin. On compte les chiffres et on prépare le début de la journée suivante.

Quelle est la partie de votre travail que vous préférez ?

Je pense que l’interaction avec les gens, c’est toujours intéressant. On n’est pas juste devant une machine à faire nos petites choses. C’est sûr que cette interaction amène des défis; il faut toujours rester sur le qui-vive.

Jusqu’où rêvez vous d’amener votre entreprise ?

Le but ultime dans ma tête, ce serait un nouveau bâtiment de type 3 en 1 : une section épicerie, une station d’essence plus développée (un « truck stop ») et un restaurant. On en ferait vraiment un gros centre, un pôle d’attraction majeur à St-Albert. Je pense que ce serait très avantageux parce qu’il y a beaucoup de véhicules qui passent sur nos axes routiers.

Pour quelles raisons devrait on travailler pour votre entreprise ?

Quand tu travailles chez nous, tu fais partie de la famille. On est quand même proches de notre monde. Ceux qui n’ont pas ce sentiment, souvent on les voit un peu à l’écart. Une autre raison : tu as la possibilité de faire plusieurs postes différents, comme le développement ou carrément être à un seul poste, mais qui pourrait servir de tremplin pour devenir assistant-gérant, par exemple.

Qu’est-ce qui vous inspire dans la vie ?

Je carbure aux défis. Aucune de mes journées ne se ressemble. Oui, je suis propriétaire, mais je suis aussi le gérant de plancher et je fais la maintenance. À tout moment, ma journée peut exploser et on passe en mode : « Go, go, go! On s’en va à la guerre et on règle nos problèmes ».

Pour vous, la persévérance scolaire, c’est quoi ?

Celle-là est embêtante pour moi un peu. Je ne suis pas quelqu’un qui a été très scolarisé. Oui, j’ai mon secondaire 5. Oui, j’ai fait un DEP, mais ce n’est pas les études qui m’intéressaient dans la vie. Moi, j’ai toujours dit que j’allais travailler, peu importe c’était dans quoi. Effectivement, je travaille beaucoup. Mais je pense que c’est important d’avoir une éducation de base. Le secondaire 5, c’est le minimum. Au-delà de ça, je pense que chaque personne doit trouver sa voie, que ce soit d’entrer dans une usine, faire un DEP ou faire des hautes études (le cégep et l’université). Tout est valide. Pousser les gens à faire quelque chose, je ne pense pas que c’est une bonne idée non plus. C’est vraiment de trouver sa voie qui est le plus important.

Quel message voulez-vous lancer aux jeunes de notre région ?

Ça fait un peu référence à la question précédente. C’est juste de trouver sa passion et de foncer. Il ne faut pas se laisser influencer ou rabaisser par les autres. Si tu as de l’intérêt dans ce qui te passionne, tu vas réussir.

Que pensez-vous des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité ?

C’est super. C’est une belle façon de s’accomplir à d’autres niveaux. Le travail et les études, c’est bien beau, mais ceux qui s’impliquent en faisant du bénévolat ont plein d’opportunités. Ça t’amène à rencontrer de nouvelles personnes et faire des choses différentes. Ça te permet aussi de développer d’autres aspects de ta personnalité.

Quelle importance doit-on accorder à l’activité physique ?

Je pense que c’est quand même important d’être en santé. De là à faire de l’activité physique extrême, je ne pense pas non plus que ce soit nécessaire. En faire un minimum pour se garder éveillé, c’est bien.

Que pensez-vous de la relation entre les jeunes et la cigarette et/ou la vapoteuse ?

Avec toutes les études qu’on a faites sur le sujet, on sait que le monde meurt à cause de la cigarette et/ou la vapoteuse. Je ne comprends pas pourquoi on aurait envie de fumer. Il y a l’aspect « cool », mais je ne pense pas que ce soit suffisant. On le sait que ce n’est pas bon. Le problème, c’est que c’est très accessible. Même si on n’a pas 18 ans, il y a plein de moyens d’en avoir.


Entrevue avec Andrée-Anne Barbeau, journaliste sportive (RDS)

Entrevue avec Andrée-Anne Barbeau, journaliste sportive (RDS), réalisée par Tristan Lyonnais et Félix Lemay des Comité 12-18 de Ste-Séraphine et Daveluyville.

Quel a été votre premier travail comme adolescente ?

Pour ma première « job » d’été, je vendais les toutous à La Ronde, ceux que tu peux gagner en jouant à des jeux. Je ne peux pas dire que j’ai beaucoup aimé ça, mais c’était une première expérience dans le public. Il fallait crier tout le long de notre quart de travail et essayer d’attirer les gens pour qu’ils dépensent de l’argent pour gagner des toutous. En passant, il n’y avait rien qui était arrangé comme peuvent penser les gens. Dans mon temps du moins, ce ne l’était pas.

Est-ce qu’il y a une personne qui vous a inspirée pour devenir journaliste ?

Je dirais que ce sont surtout les athlètes qui m’ont inspirée. Je ne viens pas d’une famille de sportifs. Je suis la seule qui aimait le sport et qui suivait ça quand j’étais jeune. Je suivais les Canadiens de Montréal. Mon idole de jeunesse, c’était Pierre Turgeon, un ancien capitaine de l’équipe. Il n’a pas été ici si longtemps, mais il a beaucoup marqué mon enfance. D’autres m’ont attiré vers le sport, comme Vincent Damphousse, Benoît Brunet, Vincent Lacroix et Jocelyn Thibault. Je les regardais jouer à l’époque et c’est drôle, maintenant je travaille avec plusieurs d’entre eux. Sinon, j’ai beaucoup côtoyé les joueurs de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, dont les Remparts de Québec et l’équipe de Sherbrooke. Je couvrais leurs matchs. Au niveau du journalisme en tant que tel, ça s’est plus décidé à l’université. J’ai croisé de bonnes personnes très expérimentées sur mon chemin. Elles m’ont guidée.

Quelles ont été vos motivations pour devenir journaliste ?

Je suis entrée au cégep et je voulais devenir criminologue. J’ai changé d’idée en chemin. Le journalisme m’a toujours beaucoup intéressée parce que chez moi, on regardait le téléjournal à Radio-Canada en soupant à tous les soirs. On recevait La Presse à tous les jours. Les nouvelles et l’actualité, c’était très important chez moi. J’ai jumelé ça avec ma passion du sport. Je pense que j’ai toujours baigné dans ce besoin de savoir et de comprendre ce qui se passe un peu partout. Après ça, j’ai changé d’idée, je suis allée étudier en journalisme. Quand j’ai commencé à faire mes stages à la télévision et à la radio, j’ai vraiment eu la piqûre et j’ai su que c’est ça que je voulais faire. Ça s’est fait naturellement.

Comment avez-vous débuté votre carrière à RDS ?

Ça fait six ans maintenant que je suis à RDS, mais dix-sept ans que je suis journaliste sportive. Je me suis pas mal promenée. En 2018, j’ai quitté la famille de Québecor pour aller dans la famille de Bell Média. J’étais journaliste à la radio au départ à Énergie et à Rouge. Nos bureaux sont littéralement l’un en face de l’autre, alors ça n’a pas été très long pour que RDS me confie de belles responsabilités. Je venais de TVA Sports, donc j’avais un bon passé de journaliste sportive à la télévision. J’ai commencé en faisant des résumés des autres matchs dans la LNH et en animant des matchs des Sénateurs. Au fil des années, mes responsabilités se sont accrues. Depuis deux années maintenant, je suis permanente chez RDS. Je travaille à temps plein, plus que plein (rires), pour différentes émissions. Ça s’est fait graduellement dans les six dernières années, mais j’avais déjà onze ans de journalisme sportif dans le corps avant d’arriver là.

Comment se déroule une journée de travail pour vous ?

Ça dépend. Je suis chanceuse, je fais beaucoup de choses et je n’ai pas de routine. Il y a les journées avec les Canadiens. Par exemple demain je vais aller à Brossard pour couvrir l’entraînement et le vestiaire. Je vais aussi parler avec Martin St-Louis, l’entraîneur. Puis, je vais retourner à RDS pour préparer et faire les directs en studio. Ça, ça va être une journée d’entraînement.

Si c’est une journée de match, tout se passe au Centre Bell du matin au soir. Il y a l’entraînement matinal avec les échos de vestiaire et Martin St-Louis. Le match, puis les directs d’après-match. Il y a aussi des soirs où j’anime les matchs des Sénateurs. Je vais arriver à RDS juste en fin de journée pour animer leurs matchs. Il y a beaucoup de préparation qui se fait avant ça. Je vais travailler de la maison pour préparer le match. Si les Sénateurs affrontent les Washington Capitals par exemple, je vais m’assurer de connaître les deux équipes. Évidemment, je connais tous les Sénateurs, je fais une trentaine de leurs matchs par année. Je couvre aussi le hockey féminin. C’est un peu la même chose. Je me prépare pendant la journée, j’arrive à RDS en fin de journée et j’anime le match.

Quand on fait l’Antichambre, surtout les vendredis et samedis, il y a un peu moins de préparation en amont parce qu’on parle des Canadiens et qu’on suit ça au jour le jour. Les sujets sont déterminés d’avance, mais évidemment, on peut y déroger et aller complètement ailleurs si les panélistes le décident. On a un meeting à 16 h l’après-midi par Zoom. Habituellement après ça, je m’en vais à RDS.

Il y a les journées où je peux faire deux choses. Je peux faire un entraînement des Canadiens toute la journée, puis en soirée animer un match des Sénateurs. Mon horaire change continuellement.

Quels sont vos projets futurs ou vos objectifs professionnels ?

J’aimerais finir ma carrière à RDS. J’ai fait plusieurs places et je suis bien avec l’équipe de RDS. Nous avons beaucoup de plaisirs.

Quel joueur de la LNH est le plus amusant à interviewer ?

Le joueur le plus divertissant est Marc-André Fleury, très drôle et sympathique. Il se souvient d’où il vient. Dans l’équipe du Canadiens, il y a Arber Xhekaj et Jordan Harris qui sont très gentils.

Que pensez-vous des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité ?

Le bénévolat, c’est très bien de redonner au suivant. Comme moi ce soir avec vous, je redonne. J’aurais aimé avoir cette opportunité lorsque j’étais jeune, de rencontrer des journalistes.

Quelle importance doit-on accorder à l’activité physique ?

L’activité physique, tout le monde devrait en faire. C’est primordial pour la santé. Ça enlève le stress. Si tous les gens en faisaient, le monde se porterait mieux.

Que pensez-vous de la relation entre les jeunes et la cigarette/la vapoteuse?

La cigarette, c’est tout le contraire de l’activité physique. J’ai essayé de prendre une « puff » de cigarette lorsque j’étais jeune et j’ai trouvé ça dégueulasse. C’est prouvé que c’est mauvais pour la santé, autant la cigarette que la vapoteuse. Ça ne devrait même pas exister.


Entrevue avec Christian G. Pageau, fondateur de l’entreprise Lavxel

Entrevue avec Christian G. Pageau, fondateur de l’entreprise Lavxel, réalisée par Laurence Picard, Maëlie Turcotte et Malyck Jacques du Comité 12-18 de St-Rémi-de-Tingwick.

Décrivez-nous votre entreprise.

Je vais commencer par vous raconter une anecdote. J’ai vécu à St-Rémi-de-Tingwick, dans la maison rouge en avant du presbytère, à peu près de dix à quinze ans. Après ça, j’ai déménagé dans un appartement à Victoriaville. Je connais un peu le coin, mais ça a changé pas mal. En avant de la maison de mes parents, il y avait deux gros sapins. Aujourd’hui, il n’y a plus de sapins. Ça, c’était une école, c’est rendu un musée. C’est passé par plein d’affaires. Ici, c’était une caserne de pompiers. À côté, c’est rendu la salle communautaire, mais avant c’était un garage autos. Il y a eu un dépanneur en bas de la côte. Il y avait un restaurant aussi. Bref, il y a eu plein de choses ici. Il y a une autre chose aussi que vous ne savez peut-être pas. J’ai déjà habité pendant un an chez Philippe. Quand tu démarres dans la vie, tu as parfois des difficultés et moi, je n’avais pas nécessairement la chance d’avoir des parents qui étaient là pour moi. Donc, il m’a accueilli avec sa famille. Sa mère me faisait à manger. Elle faisait mon lavage aussi (rires). J’avais peut-être quinze, seize ou dix-sept ans. Je voulais vous raconter ça parce que je suis un humain comme les autres.

Pour répondre à votre question, mon entreprise existe depuis douze ans. On est distributeur d’équipements de buanderie (laveuses et sécheuses) commerciale industrielle. Il y a bien des choses qui sont plus « sexy » que ça, mais ce qu’il faut comprendre, c’est que mon entreprise, c’est juste un véhicule. Peu importe ce que tu vends, ça te permet de créer une entreprise. Moi, j’ai eu la chance de travailler dans une buanderie. Je n’avais aucune scolarité. Je lavais du linge. À un moment donné, je me suis dit qu’il allait bien falloir que je fasse quelque chose de ma vie. J’ai décidé de retourner à l’école. J’ai fait mon école de soir. Je travaillais de 7 h le matin jusqu’à 3 h l’après-midi. Puis, de 3 h 30 l’après-midi jusqu’à 10 h 30 le soir, je faisais mon DEP en électromécanique. Tout ça pour vous dire que peu importe le chemin, vous allez arriver à quelque chose. Si on en vient à mon entreprise, c’est pour ça que je m’en suis allé en buanderie. J’avais une certaine connaissance dans le domaine. On a un entrepôt à Drummondville et un bureau à Laval. En grande primeur, je vous apprends qu’on va aussi avoir un bureau à Trois-Rivières, mais en ce moment, il n’y a personne qui le sait. Moi-même, je l’ai su aujourd’hui et là je vous le dis, mais ne le dites pas à personne (rires). On devrait l’annoncer à notre équipe d’ici un mois et demi. Lavxel dessert le marché de Québec et avec notre bureau à Laval et des partenaires, on vend partout au Canada, notamment en Ontario et dans les Maritimes.

Quel type de métier peut-on retrouver dans votre entreprise ?

C’est assez diversifié. On peut avoir des électromécaniciens, des mécaniciens industriels, des commis d’entrepôts, des gens à la comptabilité, des vendeurs et des gens de soutien technique. On peut aussi avoir des gens qui vont s’occuper des pièces et services, donc des commis aux pièces. Dans la nouvelle branche qu’on va ouvrir bientôt, consacrée à la technologie, on va avoir des programmeurs Web, des analystes et des gens au « marketing ». Notre objectif sera de vendre des applications et de la connectivité, autrement dit des appareils qu’on va mettre dans nos laveuses. Donc par exemple, si vous allez dans un camping, au lieu de mettre de l’argent dans une machine, vous allez pouvoir payer avec votre cellulaire grâce à un code QR. Je voulais rendre ça le « fun » et innovateur.

Quelles sont les valeurs de votre entreprise ?

L’engagement, la collaboration et l’authenticité. Pourquoi ? Parce que ça définit tous les employés qui viennent travailler chez nous. S’ils ne cadrent pas dans nos valeurs, malheureusement ils quittent. Nous, on veut des gens engagés qui vont travailler vers la réussite de l’entreprise. On veut des gens authentiques. C’est correct de faire des erreurs, mais on veut le savoir, trouver une solution et avancer. Puis, l’authenticité est importante parce qu’on travaille tous ensemble. On ne travaille pas juste de notre côté pour faire notre « job », non, on travaille en équipe. On demande la même chose de nos fournisseurs et de nos clients. Quand on a une décision importante à prendre, on se pose trois questions. Est-ce que ça engage le client ? Est-ce qu’on collabore avec le client ? Est-ce qu’on est authentiques dans nos décisions ? Ce sont nos valeurs. La mission de l’entreprise, c’est de conquérir le monde une buanderie à la fois. Ce que ça dit, c’est qu’on ne se donne pas de limites, mais on prend le temps de faire les choses tout en conquérant les gens. Parce que conquérir le monde, c’est conquérir les gens.

Quelles qualités de base recherchez-vous chez vos employés quand vous les embauchez ?

De respecter les valeurs qu’on vient juste de dire : l’engagement, la collaboration et l’authenticité. Ça fait douze ans que je suis en affaires et « by the way », quand j’ai démarré mon entreprise, je n’avais aucune idée de ce que je faisais. Je ne suis pas un entrepreneur, ma famille non plus. Je me suis juste dit : « Si je vais faire quelque chose, je vais le faire moi-même, on verra ce que ça donne ». C’est ce que j’ai fait. Mais au fil du temps, j’ai appris de mes erreurs et je suis allé suivre des formations à l’école. On va en parler peut-être plus tard, mais je pense que l’école, ça te montre comment apprendre des choses et après tu t’en sers dans le monde du travail. Pour en revenir aux qualités de nos employés, on veut des gens qui respectent nos valeurs et qui sont des humains avant tout. Ils vont avoir à cœur le développement de l’entreprise, mais qui vont aussi vouloir se réaliser et être ouverts. L’ouverture, ça va vous amener n’importe où dans le monde. Si vous restez toujours fermés à n’importe quoi, vous allez toujours être fermés. Si vous êtes ouverts, ça va vous ouvrir des opportunités. Nous, on demande à nos gens d’être ouverts à tous les problèmes et de trouver des solutions en discutant et en étant collaboratifs. De discuter et d’être collaboratifs.

Y a-t-il des réalisations ou des projets de votre entreprise dont vous êtes particulièrement fier ?

Je suis fier d’avoir des employés, c’est quand même « cool » (rires). Bâtir une entreprise, c’est bien, mais quand tu réussis à avoir des employés, c’est le « fun ». C’est une belle réalisation je trouve. Ensuite, d’avoir ouvert un bureau à Montréal. Et maintenant, on distribue tous nos équipements partout au Canada. Ça aussi c’est le « fun ». Enfin, comme je l’ai dit, on va développer des applications technologiques pour faire en sorte que nos équipements de buanderie soient connectés les uns aux autres. Si vous avez un téléphone cellulaire ou un ordinateur portable, vous pouvez géolocaliser vos appareils. Eh bien, on va pouvoir faire ça avec nos équipements de buanderie. On va aussi avoir des bornes de paiement avec des cartes à réutiliser comme on utilise dans les jeux d’arcade, celles que tu recharges. On veut innover dans le domaine et j’en suis assez fier. Et je suis papa d’un petit garçon, je suis fier de ça aussi (rires).

Selon vous, quels sont les avantages à travailler en région ?

J’ai ouvert un bureau à Laval et j’ai grandi en région. Ce que j’ai remarqué, c’est qu’en région, on sent plus de proximité. On se sent plus proche des gens. À Laval, c’est grand, mais on a l’impression que tout est loin. J’ai un bureau à Drummondville et éventuellement un autre à Trois-Rivières (j’y ai vécu pendant huit ans). J’ai l’impression qu’en région, les ressources sont plus accessibles. Il y a plus de programmes et de services pour les entreprises. Il y a moins de monde et c’est plus facile, c’est ça la différence. Si par exemple, il y a un concours d’entreprenariat, il y a peut-être 1500 candidatures. Mais s’il y a la même chose à disons Victoriaville, il y en a peut-être 80. Tu as pas mal plus de chances de gagner.

Comment se passe une journée de travail pour vous ?

Ça a changé beaucoup. Quand j’ai démarré mon entreprise, je faisais de la réparation d’équipements de buanderie. Je partais avec mon camion pour réparer les machines et les installer. Entre-temps, je recevais un appel d’un client qui avait besoin d’une laveuse. Je lui faisais une soumission. Je faisais tout. Au départ, j’étais un touche-à-tout. Maintenant, mon rôle a beaucoup changé. J’ai une équipe. Mon rôle, c’est de développer l’entreprise et de m’assurer que tout fonctionne bien. Mais ma priorité, c’est que les gens soient heureux. Et moi aussi, il faut que je sois heureux. Être entrepreneur, des fois ce n’est pas facile. Mais il y a des moyens d’être heureux là-dedans quand même. Il faut juste s’écouter.

Quelle est la partie de votre travail que vous préférez ?

Innover, développer et trouver de nouvelles idées. Développer l’entreprise, c’était une idée en soi. Ce que je trouve intéressant dans mon entreprise, c’est que ça me permet d’avoir des idées et de les concrétiser. C’est ce que j’aime le plus. Je suis une personne qui aime les idées, la nouveauté, la technologie, les nouvelles choses, apprendre. Ce que j’aime de mon travail, c’est d’être ouvert. Mettons que je suis en vacances dans un chalet ou que j’assiste à une « game » de hockey. Je vois une affaire et ça me donne une idée. Des fois, ça m’empêche de dormir la nuit. Quand je reviens au bureau, je propose de faire ça, ça ou ça. Toutes mes nouvelles idées d’entreprise, je les trouve bien souvent dans un cadre autre que le travail.

Jusqu’où rêvez-vous d’amener votre entreprise ?

J’ai toujours rêvé qu’un jour, je partirais en vacances quelque part et que je verrais un logo de ma compagnie. Ça me ferait « capoter ». Je n’ai pas de limites. Quand on se met des limites, on se met des barrières et on s’empêche d’avancer. Je pense que dans la vie, tu ne peux pas t’arrêter d’avancer. Si tu n’avances plus, tu meurs. Je ne me mets aucune limite, j’avance. S’il y a des gens qui veulent avancer, je vais avancer avec eux. Ce que j’aime, c’est qu’il y a des gens dans mon entreprise qui sont rendus meilleurs que moi. C’est le « fun ».

Pour quelles raisons devrait-on travailler pour votre entreprise ?

Je pense qu’avant tout, c’est une entreprise qui est humaine. On comprend qu’à la fin de la journée, on a notre famille à aller voir. Je suis beaucoup à l’écoute de mes employés. Je n’ai pas toujours été comme ça honnêtement. En bâtissant mon entreprise, j’avais encore le vieil adage qui dit que je suis le « boss » et c’est moi qui décide, « that’s it ». Mais ça ne marche pas comme ça quand tu fais affaire avec des gens, surtout avec la nouvelle génération. Vous avez des besoins différents et on doit être à l’écoute des changements qui s’opèrent dans la société. Encore là, je parle d’ouverture depuis tantôt, il faut rester ouvert, allumé et à l’écoute. Je pense que notre grande force chez Lavxel, c’est d’être à l’écoute de nos employés et de nos fournisseurs.

Qu’est-ce qui vous inspire dans la vie?

C’est une drôle de question parce que c’est la plus dure. Je lisais les questions avant l’entrevue et je me demandais ce que j’allais répondre. Je n’ai jamais eu d’idoles ou de personnes que je trouvais vraiment « hot ». Alors ce qui m’inspire dans la vie, ce sont des entrepreneurs de renom. Avant je lisais beaucoup et j’ai arrêté parce que je n’avais plus le temps. Maintenant, j’écoute des podcasts et des livres audios. Quand je m’en venais ici, j’écoutais l’histoire de Steve Jobs, le cofondateur d’Apple. Je m’inspire beaucoup de ces gens-là. Elon Musk est un autre exemple. Je prends le meilleur d’eux et je le transpose dans ma vie avec mes valeurs à moi. Ce qui m’inspire aussi, c’est qu’il n’y a pas de limites. La seule limite, c’est celle que vous vous donnez. Je me suis rendu compte de ça assez tard. Mais c’est vrai.

Pour vous, la persévérance scolaire, c’est quoi ?

C’est de ne pas lâcher. Moi, j’ai lâché l’école quatre fois (rires). J’ai redoublé mon anglais de secondaire 1. En secondaire 4, j’ai lâché l’école. Je suis revenu, je suis allé faire un DEP en électromécanique, j’ai lâché. Je suis retourné à l’école pour adultes, j’ai lâché. Pour vous mettre en contexte, j’avais quinze ans. Je suis allé en appartement, je faisais des « jobs » un peu partout. J’ai travaillé dans des « shops ». À tous les trois mois, je changeais de « job ». Je vous raconte ça parce que c’est important. Un jour, en-dedans de moi, il y a quelque chose qui s’est dit que ça n’avait pas d’allure. Il fallait que je fasse quelque chose. Je me suis dit : « Si je ne le fais pas là, je vais continuer comme ça toute ma vie ». Ce n’est pas ça que je voulais. Je savais en-dedans de moi que j’allais réaliser quelque chose. Ça n’avait pas de sens que je fasse juste ça de ma vie. À un moment, je travaillais à un endroit où pour la première fois de ma vie quelqu’un me faisait confiance et me donnait des responsabilités. Ça m’a donné le goût de retourner à l’école. C’est quand je travaillais à la buanderie en fait. Je suis retourné à l’école, je travaillais le soir. Après deux ans, j’ai eu mon diplôme. C’était la première fois de ma vie que je réalisais quelque chose. Il ne faut pas oublier que j’avais vingt-trois ans à ce moment-là.

Pour moi, la persévérance scolaire, c’est de ne jamais abandonner. Dites-vous que c’est juste une question de confiance. Ayez confiance en vous. Vous allez le comprendre un jour, mais vous êtes jeunes, vous avez la vie devant vous. J’ai quarante ans, vous avez quinze et quatorze ans. Ce qui va vous aider, c’est d’avoir confiance en vous. Mais la première chose, c’est que quelqu’un ait confiance en vous. Je suis convaincu que Philippe a confiance en vous. Ça va vous aider beaucoup. Ce sont les gens qui vont tourner autour de vous qui vont faire en sorte que vous allez avancer. Entourez-vous de gens qui croient en vous et qui veulent vous aider pour que vous n’abandonniez pas. Il n’y en aura pas de limites.

Quel message voulez-vous lancer aux jeunes de notre région ?

Je vous dirais que c’est un bel apprentissage. Quand j’étais jeune, je jouais dehors et mes seuls jeux, c’était de lancer des pommes et des roches (rires). On jouait à la cachette à travers le village au complet. En région, il y a quelque chose de spécial. Ça permet d’avoir une vision unique de la vie. En ville, les gens vivent parmi le brouhaha. En région, on vit autre chose. Quand vous arrivez ailleurs, ça vous permet d’amener votre propre perspective. Vous avez grandi dans une autre réalité. Vous allez vous démarquer des autres.

Que pensez-vous des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité ?

C’est merveilleux. Quelqu’un étant jeune qui s’implique bénévolement dans sa communauté va sans doute le faire quand il va être vieux. Si vous vous impliquez là, présentement, vous allez aussi vous impliquer plus tard dans tout ce que vous allez faire dans votre vie. Donc, tout va être une réussite parce que vous êtes habitués de travailler pour atteindre vos objectifs. J’aurais aimé ça être comme vous quand j’étais jeune. Je ne l’étais pas, je ne faisais que m’amuser. Vous êtes « hot », vous vous impliquez quand vous êtes jeunes, imaginez ça va être quoi quand vous allez être plus vieux. Ça va être malade.

Quelle importance doit-on accorder à l’activité physique ?

C’est très bien, c’est important. Mais une chose plus importante encore, c’est l’alimentation. Tu vas ressembler à ce que tu manges. Je m’en suis rendu compte il n’y a pas si longtemps. Je bois trois litres d’eau par jour. Je ne mange plus de « fast-food ». Je mange mes fruits et légumes ainsi que mes protéines. Je ne mange pas de grosses portions. Je ne bois pas d’alcool régulièrement. Pourquoi ? Parce que ça garde ton esprit vif et alimenté par une énergie qui est toujours présente. On a avancé l’heure dernièrement. Pour moi, ça n’a rien fait du tout. Je me suis levé et c’est comme s’il n’y avait aucun problème. Le sommeil, c’est aussi important. Dormir au moins huit heures par nuit, ça fait toute une différence. C’est comme une batterie. Si tu ne recharges pas ton cellulaire, il devient mort. C’est la même chose pour l’être humain. Pour en revenir à l’activité physique, c’est sûr que j’aimerais en faire beaucoup plus. Malheureusement, je ne suis pas un exemple. Mais je sais que c’est bien et je m’engage dans les prochaines années à avoir une meilleure activité physique. Pourquoi ? J’ai un petit garçon de quatre ans. Un jour, il va vouloir s’amuser un peu plus et il va falloir que je sois en forme pour le suivre. L’activité physique, l’alimentation et le sommeil, ce sont trois éléments clés pour être bien dans sa peau.

Que pensez-vous de la relation entre les jeunes et la cigarette et/ou la vapoteuse ?

Ce n’est pas une bonne idée de fumer. Je l’ai déjà essayée quand j’étais jeune. Je suis chanceux de ne pas avoir aimé ça. Si tu veux détruire ta santé, très bien. Mais si tu veux mener à bien tes projets, il faut que tu sois en santé. Et je ne pense pas que fumer fasse partie des conditions pour être en santé.


Entrevue avec François Legault, Premier ministre du Québec.

Entrevue avec François Legault, Premier ministre du Québec, réalisée par Noémie Boutin, Juliette Léveillée, Marie-Pierre Beaudet, Ève Rioux et Éléonore Guévin-Roy des Comités 12-18 de Ste-Sophie d’Halifax, L’Avenir et Tingwick.

Quelle personne vous inspire dans la vie ?

Dans ma jeunesse, il y avait un politicien inspirant, aimé de tout le monde et proche du monde. C’était René Lévesque. En politique, c’est lui qui m’inspire. Dans le monde des affaires, je dirais Bernard Lemaire, il est décédé dernièrement. C’était vraiment un entrepreneur. Les frères Lemaire ont lancé une entreprise (Cascades) et ça m’a donné le goût de faire comme eux. J’ai lancé une compagnie aérienne qui s’appelle Air Transat.

Pourquoi vouliez-vous devenir Premier ministre ?

Il y a toujours eu deux sujets qui sont importants pour moi et à la base de mon implication politique. En tant qu’homme d’affaires, l’économie, c’est essentiel. Quand on compare la richesse du Québec avec celles du Canada et des États-Unis, on est moins riches qu’eux pour toutes sortes de raisons. Les francophones, pendant longtemps, n’aimaient pas les affaires. On était encore en rattrapage et maintenant ce qu’on essaie de faire entre autres, c’est de développer de nouveaux créneaux. Comme dans votre coin à Bécancour, avec la filière batterie. On voudrait attirer davantage d’investissements en offrant de l’électricité, de l’énergie verte.

Le deuxième point que je trouve important, c’est l’identité québécoise qui passe par la protection de la langue française. Je suis fier d’être Québécois. J’ai toujours été nationaliste, j’ai même été souverainiste. On oublie des fois (c’est peut-être encore plus vrai pour vous autres) que le français sera toujours fragile en Amérique du Nord. On est quelques millions entourés de centaines de millions d’anglophones. Moi, je viens de l’Ouest-de l’Île, donc j’étais vraiment entouré d’anglophones à Montréal. Il y a un déclin du français et pour arrêter ce déclin, il faut qu’on commence à augmenter le nombre de francophones. Ce n’est pas facile avec vous autres, les jeunes, parce qu’il y a Internet où presque tout est en anglais (Netflix, Spotify, etc.). C’est vraiment un gros défi. Être aussi riche que nos voisins, ce n’est pas une fin en soi. Mais ça donnerait les moyens de se payer de bons programmes sociaux et d’inverser le déclin du français pour qu’on soit encore plus fiers d’être Québécois.

Comment aimeriez-vous que les gens se souviennent de vous comme Premier ministre ?

Ça c’est facile. J’aimerais qu’ils disent : « François Legault, il a réussi à créer de la richesse et à réduire notre écart de richesse avec nos voisins. Il a aussi réussi à arrêter le déclin du français et maintenant, on est encore plus fiers d’être Québécois ». Mes deux plus grandes raisons d’être en politique sont les mêmes pour lesquelles j’aimerais qu’on se souvienne de moi.

Avec le recul d’aujourd’hui sur la situation de la COVID, qu’est-ce que vous auriez voulu changer ? Les mesures mises en place par le gouvernement ?

D’abord, je dois dire que de façon générale, je suis fier de ce qu’on a fait. On a été sévères, beaucoup plus qu’ailleurs en Amérique du Nord. Je vous donne juste quelques chiffres. Au Québec, pendant toute la pandémie, il y a eu 11 000 morts. Mais si on avait eu le même taux de surmortalité que dans le reste du Canada, on aurait eu 21 000 morts. Si on avait eu le même taux qu’aux États‑Unis, on aurait eu 31 000 morts. Ça veut dire qu’on a sauvé entre 10 000 et 20 000 vies. Il reste que ça a été très dur dans ce qu’on appelle les CHSLD (les résidences pour personnes âgées). On avait l’idée, avant la pandémie d’augmenter les salaires des préposés et finalement on l’a fait au début de la première vague. Si c’était à refaire, je l’aurais fait avant ça.

Quelle est la chose la plus difficile à faire quand on est Premier ministre ?

Répondre aux questions des journalistes comme vous autres. (rires) Je ne sais pas ce que vous allez faire avec ça dans les journaux, mais des fois, on prend un petit bout et on me fait dire des choses que je n’ai pas dites. En ce moment, je vous parle et si vous n’êtes pas d’accord, on peut s’obstiner et échanger. Quand c’est en première page du journal, c’est trop tard. Je me dis que ce n’était peut-être pas une bonne idée d’avoir dit ça. C’est ça qui est le plus dur.

Quelle situation pendant la pandémie fut la plus difficile pour vous ?

Je dirais que c’est par rapport à vous autres, les jeunes. J’ai des neveux et j’ai deux gars, je sais que ça a été difficile pour vous. Ne pas pouvoir aller dans les gyms alors qu’il y a bien du monde qui aime ça. Ne pas pouvoir voir vos amis. Ne pas pouvoir faire de party le vendredi soir. On disait : « Mettez des masques pour aller à l’école et quand l’école est finie, allez-vous-en chez vous ». Je me souviens quand j’avais treize ans, c’était important de voir mes amis. Je me mettais à votre place et comme le disaient les experts, vous n’étiez pas le plus à risque. Mais vous pouviez transmettre le virus à vos parents et encore plus à vos grands-parents. Eux, ils peuvent mourir. Dans le fond, je vous ai demandé de faire des sacrifices pour sauver des vies, mais ça me déchirait le cœur de le savoir.

Comment le conflit israélo-palestinien affecte votre travail depuis les récents événements ?

Qu’est-ce que vous en pensez, vous ? (rires) Je pense que ça s’ajoute à toute la morosité qu’on a. Avec l’inflation, le coût de la vie a beaucoup augmenté, donc l’épicerie coûte plus cher, le loyer coûte plus cher, etc. Maintenant, en plus de tout ça, ils ouvrent la télévision et voient des enfants qui se font tuer. On a beau se dire que c’est loin, ce sont des vrais enfants qui sont tués. C’est dur pour le moral. Évidemment, on souhaite tous que ça se termine. C’est un conflit qui existe depuis longtemps et qui ne sera jamais facile à régler. Ça ajoute à la lourdeur.

Quel impact apporte la grève dans votre travail ?

Oh, boy ! J’ai été trois ans Ministre de l’Éducation, j’ai passé beaucoup de temps dans des écoles. Je sais que la grève, ce n’est pas bon pour les jeunes. Quand tu manques une semaine, puis deux, puis trois, c’est difficile après de rattraper ton retard. Ça, je trouve ça dur. Évidemment, on essaie avec l’argent qu’on a de s’entendre avec les enseignants sur leurs salaires et leurs conditions de travail. Je voudrais que ça aille plus vite. Ça a un impact sur la scolarité des enfants et moi, c’est ce qui m’achale le plus.

Trouvez-vous que la question de la pluralité des genres est pertinente et quelle est votre opinion sur le sujet ?

C’est un nouvel enjeu partout dans le monde. Avec Suzanne Roy, la Ministre de la Famille, on a nommé un comité des « sages ». Ce sont des gens qui connaissent la sociologie et qui vont regarder ce qui se fait ailleurs. C’est un nouvel enjeu de se dire qu’il y a des personnes qui ne sont ni des hommes ni des femmes et qui se demandent : « C’est quoi ma place ? Est-ce que je peux avoir un X sur mon certificat de naissance ? Est-ce que je devrais avoir accès à des lieux, des toilettes et des services de façon différente ? » Il y a plein de questions qui se posent. Il faut y réfléchir. Ce n’est pas évident. Il y a des parents qui trouvent ça dur. Par exemple, vous avez treize ans, vous voulez changer de sexe, vos parents ne veulent pas, qu’est-ce qu’on fait ? Ce sont des questions fondamentales qu’on ne se posait pas quand moi j’avais treize ans, mais on doit se les poser actuellement. Il y a des experts qui vont se pencher là-dessus. Comme c’est un enjeu qui se passe partout dans le monde, ils vont regarder ce qui se fait ailleurs. Ils vont nous revenir avec des recommandations.

Avec les derniers résultats des sondages électoraux, comment envisagez-vous l’avenir du parti ?

Les sondages, ça monte et ça descend. Six mois, en politique, c’est une éternité. Il reste trois ans avant la prochaine élection, ça veut dire qu’il reste six éternités. Ça va continuer de monter et de baisser, mais j’essaie de ne pas trop regarder les sondages, même quand ils sont en ma faveur. Ce qui est important, c’est de faire les changements qu’on veut faire et obtenir des résultats. Nous, on a cinq priorités : l’éducation, la santé, l’économie, l’environnement et l’identité québécoise. J’essaie de regarder comment ça avance dans ces dossiers plus que comment ça avance dans les sondages.

Comment conseilleriez-vous quelqu’un qui veut se lancer en politique ? Quelles études doit-il/elle faire ?

Je pense que c’est important, avant de se lancer en politique, d’avoir une expérience de vie, d’avoir eu au moins un autre job avant. En politique, tu représentes tes concitoyens. Il faut que tu connaisses les enjeux sociaux et ça ne s’apprend pas juste à l’école, mais aussi par les expériences professionnelles.

Pour vous, la persévérance scolaire, c’est quoi ?

Pour tout le monde, moi le premier, il y a des moments quand on est à l’école que ça ne va pas bien. Tu as des mauvais résultats, tu te fais écœurer (dans la vraie vie ou sur les médias sociaux), tu te retrouves avec d’autres problèmes et tu as le goût de tout sacrer ça là. Il faut résister. Aujourd’hui, on est dans une société du savoir. Si on veut avoir un job stimulant intellectuellement, il faut avoir fait un minimum d’études. C’est long, travailler. Ça se peut que vous travailliez jusqu’à 70 ans si vous êtes en forme. Ça vaut la peine d’étudier, d’aller jusqu’au bout et de passer à travers les moments les plus durs. En somme, de persévérer.

Quel message voulez-vous lancer aux jeunes de notre région ?

On travaille fort dans votre région. Je me souviens qu’il y a vingt ans, c’était dur au Centre-du-Québec et en Mauricie. Quand je comparais le revenu moyen, c’était plus bas que la moyenne du Québec pour toutes sortes de raisons. Il y a eu longtemps des industries dans le secteur du papier à Trois-Rivières et en Mauricie et, avec le temps, elles ont disparu. Même chose pour les compagnies à Shawinigan. Il fallait arriver avec quelque chose de nouveau dans la région. Ce qu’on a fait, entre autres avec la filière batterie, c’est d’amener des jobs : fabriquer des batteries pour des véhicules électriques. Ça va être long de passer des véhicules à essence aux véhicules électriques. Ce n’est pas rien de recevoir à Bécancour des grosses compagnies comme General Motors (GM) et Ford. On avait un parc industriel. Je me souviens l’avoir visité il y a vingt ans. On disait : « C’est le plus grand parc industriel au Canada à Bécancour ». C’est sur le bord de l’eau en plus, c’est bien situé pour le transport des marchandises par bateau. Le parc était vide à l’époque. Maintenant, il est plein. Même que l’inquiétude des entreprises, c’est : va-t-on trouver assez d’employés ? Ce sont de beaux problèmes. Il va falloir qu’on mette en place des formations. Mais je pense que c’est une bonne nouvelle pour le Centre-du-Québec et la Mauricie.

Que pensez-vous des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité ?

C’est super! J’adore ça. La solidarité, ce n’est pas juste Québec Solidaire. La solidarité, c’est à la base d’une société. Il faut s’aider les uns les autres. Dans la vie, il y en a qui ont plus de talent que d’autres, il y en a qui sont plus choyés que d’autres. Quand tu es plus choyé, il faut que tu t’occupes de ceux qui le sont moins. Il faut que tu penses à eux, pas juste à toi. Ça commence tôt. Ça commence dans les organismes et les municipalités. Éventuellement, grâce au bénévolat, il y en a qui vont faire de la politique.

Quelle importance doit-on accorder à l’activité physique?

J’aime ça, je suis un passionné de sport. J’ai deux gars aujourd’hui qui ont 30 et 31 ans. Dès qu’ils ont été capables de marcher, ils n’avaient pas le choix, ils jouaient au tennis parce que je suis un maniaque de tennis. Je leur ai en plus appris le ski. Il y en a un qui me critique parce que j’aurais dû lui apprendre le hockey. Mais c’est une autre affaire. Le principe de dire que le sport aide à la réussite scolaire, moi j’y crois. En plus, ça déstresse. Pour moi, c’est bien important.

Que pensez-vous de la relation entre les jeunes et la cigarette et/ou la vapoteuse ?

Je n’aime pas ça. C’est pour ça qu’on a enlevé les saveurs dans le vapotage. Il y en a qui n’ont pas aimé ça. Il faut tout faire pour éviter de tomber là-dedans. Ce n’est pas bon pour la santé.


Entrevue avec Marie-Claude Demers, sculpteure de bronze.

Entrevue avec Marie-Claude Demers, sculpteure de bronze, réalisée par Geneviève Duclos du Comité 12-18 d’Inverness.

Décrivez-nous votre entreprise.

Je suis sculpteure de bronze. J’ai envie de mettre une parenthèse, on dit « sculpteure de bronze », mais si j’ai envie d’être plus vraie, je suis modeleuse. Moi, dans le fond, je fais de la plasticine, au début de la sculpture. Mais oui, le résultat final est en bronze, donc on dit pour que les gens comprennent, « sculpteure de bronze ».

Quel type de métier peut-on retrouver dans votre entreprise ?

Dans mon entreprise, je suis toute seule ici, dans l’atelier, à faire le modelage. Je fais la sculpture. Mais quand j’ai terminé, je l’amène dans une des deux fonderies au village et puis là, plusieurs départements s’occupent de transformer ma sculpture.

De un, le fondeur avec qui je fais la soumission. On regarde le format et tout et il me dit le prix que ça va me coûter. Ensuite de ça, la sculpture va rentrer au moulage. On a ceux qui vont faire les moules. Après ça, il va y avoir d’autres personnes, une fois le premier moule fini, qui vont couler la sculpture en cire. Ensuite, quand la cire va être prête et corrigée, on va avoir d’autres personnes qui vont faire le moule en céramique par-dessus. Quand la céramique est terminée, on fait fondre la cire et on coule en bronze. Donc, il y a les équipes qui coulent le bronze. Quand le bronze est terminé, on a le bufflage, donc on a les équipes qui font la soudure, le bufflage, tout assembler ça. Puis, il y a les patines. En ce moment, ce n’est que des filles, ça adonne comme ça. Ce sont les couleurs qu’on voit sur le bronze. Donc, ce sont des oxydes qu’on applique sur le bronze pour que la torche vienne se fixer sur le métal et ça donne l’effet que tu vois là, au niveau des couleurs. Donc, il y a aussi les filles des patines.

Dans mon travail, il y a tout ce monde-là, mais moi, de mon côté, mis à part que je fais l’argile, je porte plusieurs autres chapeaux aussi. On peut m’appeler la secrétaire, la réceptionniste, la livreuse, la vendeuse… On en oublie. Je porte plusieurs autres chapeaux que juste faire de la sculpture. Les gens m’imaginent juste en train de faire de la sculpture, mais il y a beaucoup d’autres choses que ça comprend.

Quelles sont les valeurs de votre entreprise ?

Les bases, il y en a beaucoup, c’est clair que c’est l’honnêteté, la confiance et la transparence. Je pense que ça, c’est super important envers moi, mes clients et les gens avec qui je travaille aussi parce que tout part de là. Surtout que ce sont des œuvres qui sont quand même dispendieuses. Donc, je pense que les gens ont besoin de sentir qu’ils sont en train de faire un bon investissement, d’être à la bonne place. Ils investissent sur une œuvre, mais ils vont acheter une partie de l’artiste aussi. Donc, c’est sûr qu’il faut que tu aimes l’artiste. Si tu n’aimes pas l’artiste, tu iras pas acheter une œuvre. Donc, ça c’est les principales valeurs, mais je pourrais t’en mettre plein d’autres qui tournent autour de ça.

Quelles qualités de base recherchez-vous chez vos employés quand vous les embauchez ?

Comme je disais, les gens des fonderies, ce ne sont pas mes employés, mais côté qualité, je pense qu’on est pas loin de ce que j’avais dit. C’est sûr que quand je jase avec les gens, que je suis avec eux autres, c’est clair que j’ai envie qu’il y ait de la transparence, de l’honnêteté, de la confiance aussi dans ce qu’ils me disent. Moi, je transige avec mes clients, mais si eux me disent qu’ils vont me donner une sculpture mais qu’ils ne sont pas prêts et que mon client s’en vient… Il faut vraiment s’entendre. Je repars sur les mêmes valeurs de base.

Y a-t-il des réalisations ou des projets de votre entreprise dont vous êtes particulièrement fière ?

C’est sûr qu’il y a des sculptures que j’aime plus que d’autres. Mais le défi de sculpter est grand en lui-même parce que de un, c’est de longue haleine. Ce qui est difficile, c’est de pas perdre l’intérêt quand ça nous prend plus d’un an pour finir une sculpture à temps partiel. Des fois, je peux même la laisser de côté un mois, deux mois, trois mois. De pas perdre l’intérêt, c’est important, mais des fois, ça peut arriver que tu aies moins le goût, tout simplement. Mais j’ai mis tellement de temps, on a investi tellement d’heures que ce serait triste de laisser tomber. Il y a la question d’argent aussi. C’est long à ramasser, tout l’argent pour couler ça. Donc, c’est une fierté de tenir bon jusqu’au bout pour la faire et d’avancer là-dedans, en ayant complètement confiance en l’univers. Moi j’avance sans savoir si je vais la vendre ma sculpture. C’est une fierté de dire : « Oh my god, je l’ai fait, je suis allée jusqu’au bout ». Il faut être fou un peu, mais ça aide, c’est une belle folie.

Selon vous, quels sont les avantages à travailler en région ?

Je ne suis pas une fille de ville. Ici, j’ai un univers absolument parfait, pour moi, que j’aime. Dans mon village, j’ai les deux fonderies. Il y a rien de plus merveilleux que d’être à cinq minutes des fonderies quand j’ai besoin d’y aller. Je n’ai pas besoin d’y aller tous les jours. Je connais beaucoup d’artistes qui restent à Montréal et à Québec qui font du bronze. Ils doivent venir jusqu’ici. Ce sont des heures et des heures. Des fois, le projet est sur quelques jours et ça leur prend une place à coucher. Tout est plus compliqué. Alors que moi je reviens à la maison, je fais mon petit dîner et si j’ai besoin d’y retourner dans l’après-midi, c’est pas grave. Des fois, en plus, on a besoin d’aller à la fonderie, mais on a besoin d’être là juste cinq, dix ou quinze minutes. Si u es à Montréal, tu fais quatre heures d’auto, peut-être plus, alors que tu as besoin d’être là vingt minutes. C’est dommage un peu. Alors moi, je me trouve dans un paradis. (rires)

Comment se passe une journée de travail pour vous ?

Comme je te disais tantôt, j’ai plusieurs autres chapeaux. Si je suis secrétaire, je suis en train de faire de la paperasse et de la comptabilité. Si je suis sur la livraison, je dois monter à l’extérieur livrer des sculptures. Mais la majorité de mes journées, je déjeune et après je vais marcher jusqu’au pont s’il fait beau. Je reviens. Et là, je rentre dans l’atelier et je vais faire de l’atelier pas mal tout l’avant-midi. Mais des fois, je peux prendre une pause au milieu de l’avant-midi pour aller dans le jardin et chercher des petits légumes. Et là, je reviens dans l’atelier et je suis déjà en train de penser à mon petit dîner qui est très créatif parce que j’adore cuisiner. C’est un bel art aussi.

L’après-midi, je reviens dans l’atelier. Mes pauses servent davantage à des trucs maison, désherber un peu. C’est sûr qu’entre ça, il peut y avoir des appels avec les fondeurs. Ça arrive qu’ils m’écrivent pour me dire que telle chose est prête. Dès qu’ils m’écrivent et qu’ils ont besoin de moi, tout de suite j’y vais. J’essaie de pas retarder les équipes parce que s’ils attendent mon approbation, tout le monde attend. Ils peuvent faire autre chose en attendant, mais je bloque tout le monde dans l’avancement de ma pièce. Je lâche tout ce que je fais. Je peux y aller trois ou quatre fois par semaine, sauf quand j’ai beaucoup de stock en route dans les fonderies. Là, ça arrive que j’y aille même trois fois par jour, pas longtemps, c’est presque un aller-retour. Mais je dois aller approuver pour qu’ils puissent continuer leurs trucs. Ça, c’est ce qui vient couper mes heures d’atelier. Grosso modo, ça ressemble à ça.

La création, mine de rien, ça demande quand même une certaine énergie. Comme je me connais, je sais quelle partie va être la plus demandante niveau créativité. Quand je suis plus fatiguée, je la mets de côté et je fais mon bonhomme en argile parce que ça demande pas vraiment de créativité. Je me garde des tâches pour quand je suis plus fatiguée. Je vais continuer de travailler, mais pas au niveau créatif. Je peux faire de la comptabilité, mon bureau est dans la maison. J’essaie d’alterner. En tant que travailleuse autonome, tu ne veux jamais perdre ton temps. J’essaie de changer de tâche pour pas rien faire.

Quelle est la partie de votre travail que vous préférez?

C’est faire de la création avec la plasticine. Je n’en fais pas assez. Les gens m’imaginent toujours comme je disais en train de faire de la sculpture, mais le reste prend beaucoup de place malgré tout. J’étais en symposium ces dernières semaines. Le avant est demandant parce qu’on « pack » le stock, on se prépare et tout. Le pendant aussi. Le après parce qu’il y a beaucoup de clients avec qui je prends contact, on parle, on planifie des affaires, on téléphone à la fonderie pour savoir si on va avoir des sculptures. Pendant cette période-là, je ne fais presque pas de sculptures.

Jusqu’où rêvez-vous d’amener votre entreprise ?

Je suis une fille qui est constamment choyée et qui a constamment des rêves. Je te dirais qu’il faut prendre le temps, mais je les atteins tous. Je construis ça au fur et à mesure. Je suis tellement heureuse que j’avance et je les fais tous. Faire des grandes sculptures, je te dirais que ce sont des beaux rêves, mais on fait tout ça en temps et lieu. Je ne sais pas si c’est parce que je vieillis, mais le bonheur est aussi dans des petites choses. Souvent, on imagine qu’il faut que ce soit incroyable. Oui, des grandes sculptures, c’est magnifique, mais crime, de réaliser ce que je fais là, je fais : « Ayoye ». Si la vie me donne la chance de continuer ce que je fais là, je suis déjà dans ce qu’il y a de plus merveilleux.

Pour quelles raisons devrait-on travailler pour votre entreprise ?

Oh, si tu as envie d’être heureux dans la vie, c’est la première chose que tu devrais choisir, il n’y a rien de plus merveilleux. (rires) Pourquoi on devrait faire cette job-là ? Tout est tellement personnel d’une personne à l’autre. Je ramènerais ça à faire quelque chose qui te passionne. Pourquoi ? Parce que c’est du bonheur à chaque jour. Tu trippes. Qui ne voudrait pas du bonheur chaque jour ? Je sais que cette job-là conviendrait pas à tout le monde. Si les gens pouvaient trouver ce qui les rend heureux et travailler dans ce qui les rend heureux… C’est ça le but de la vie à mon avis.

Qu’est-ce qui vous inspire dans la vie ?

C’est une grande question. Je reviens encore à ce que je viens de te répondre. Je crois que ce sont les choses simples de la vie, que ce soit mettre des fleurs dans un beau jardin, faire un beau plat qui te fait tripper ou parler avec des gens avec qui tu t’entends bien. Quand tout le monde est en santé, que personne a mal nulle part, juste des choses de base de nos jours. Moi, je trouve ça merveilleux. Un beau coucher de soleil, des beaux nuages. C’est simple, mais mon dieu tout est là. Les gens des fois imaginent tellement des choses immenses pour que ce soit trippant et incroyable. Je pense que le bonheur est dans les petits plaisirs.

Qu’est-ce qui vous a inspirée à sculpter avec du bronze ?

Si je t’explique mon cheminement, avant j’étais peintre. J’aimais ça. Ce n’est pas que j’aime plus ça, mais quand je suis déménagée ici à Inverness, il y avait deux fonderies d’art. Ça me faisait tripper parce que j’étais petite et je faisais déjà des sculptures. Pas en bronze, évidemment, mais en argile. C’était déjà en moi. J’étais déjà une petite artiste. Je dessinais, je faisais de la peinture, je faisais de la sculpture et tout. J’avais entendu dire qu’à Inverness, il y avait des fonderies d’art. Je n’avais jamais eu personne dans mon entourage qui avait pu m’en parler ou qui connaissait ça. Quand je suis arrivée ici, mon voisin travaillait dans une des fonderies. Il y avait un artiste pour lequel j’avais de l’admiration, il peignait et faisait de la sculpture de bronze. Mon voisin m’a dit que cet artiste allait être là cette semaine, telle journée et que si ça me tentait de venir voir, il serait là. Je suis allée voir ça. Quand je suis entrée dans les fonderies, j’ai fait : « Oh my god, ça me parle ». Tout de suite, j’ai commencé à faire des sculptures et tout de suite j’ai voulu la couler. Et là, je suis devenue une fille « heavy metal. » (rires) Je suis tombée dans la potion magique et j’ai fait : « Oh, c’est mon médium ».

Je trouve que le bronze, c’est noble, c’est chic, ça passe les siècles. Écoute, si tu passes au feu, c’est la seule affaire qui te reste. Ça va perdurer dans le temps. C’est plaisant de faire quelque chose que tu sens qui va rester. Je me trouve choyée. Ce qui est plaisant aussi, c’est que ce sont des séries. Ça me permet de prendre plus le temps sur chacune, contrairement à un tableau. Je t’explique, quand j’étais peintre et que je vendais plusieurs tableaux, vite, ça pressait, il fallait que j’en fasse d’autres. Mais les tableaux étaient longs à faire quand même et je voulais qu’ils soient beaux. Ça prenait du temps. Mais la sculpture, je peux prendre plus mon temps parce que comme ce sont des séries, ils m’en font une autre. Si j’en vends, je ne suis pas pressée, ils vont m’en refaire une autre. Moi, quand j’en fais une, je peux être deux ou trois mois sur un modèle. Je veux la rendre magnifique jusqu’au bout. Mais je suis moins pressée parce que je sais que je ne manquerai pas de stock pour le prochain événement ou la prochaine galerie. Ça me permet d’être plus posée et d’aller plus loin dans mon travail sans être stressée.

Est-ce qu’il y a certaines de vos sculptures qui sont exposées dans le village qu’on peut voir ?

Oui, au village en face du dépanneur, il y a la sculpture de deux personnages à moto, le gars et la fille. À l’entrée du musée, c’est la même mais reproduite en plus grand et avec plus de détails. Parce que dans le fond, j’ai recommencé le même modèle, mais on reprend le même concept. J’y ai caché deux souris et deux mouches, il va falloir les chercher quand vous allez les voir. (rires) À la boutique du musée, il y a toujours des petites œuvres de moi aussi en permanence.

Il y en a juste une dans le village ? Parce que je sais que ça fait longtemps, six ou sept ans, mais il y avait des sculptures qui avaient été brisées dans le village par on ne sait pas qui.

Oui, il y avait eu des sculptures volées, arrachées.

Et la vôtre ?

La mienne a pas été touchée.

Qu’est-ce que ça vous a fait de voir celles des autres défaites ?

C’est triste parce que dans le fond, ce qu’on observe c’est que ces gens-là se sont imaginé que ça valait cher. C’est ce qu’on entend dire. Mais ce n’est pas le bronze qui vaut cher, c’est la main-d’œuvre et le temps qu’on a pris pour faire la sculpture. Parce que pour le bronze comme tel, le métal, il vaut plus ou moins cher. C’est juste que toutes les étapes que je t’expliquais tantôt, ce sont des mois de travail. C’est ça qui coûte cher dans une œuvre. Alors que la personne qui a décidé de voler, on s’entend qu’au niveau de la réflexion, on est limité. Et on est deux fois plus limité parce que le bronze, il ne connaissait pas ça. Lui, il brisait les sculptures pour aller vendre du métal. Ce n’était même pas pour l’œuvre d’art qu’il la volait parce qu’il la coupait et il partait. Du métal qui vaut absolument presque rien. Et l’autre chose qu’il sait pas non plus, c’est que toutes les œuvres d’art sont numérotées. Tu ne peux pas aller revendre ça comme ça si facilement sans te faire attraper.

Donc ces gens-là sont limités j’ai envie de dire dans leur réflexion parce que s’ils étaient un peu plus connaissants, ils auraient jamais fait ça. C’est triste parce qu’ils brisent le travail des artistes et les fonderies ont investi là-dedans, c’était un « package ». C’est dommage parce qu’on essaie de construire des choses belles alentour, d’embellir, on met de l’énergie et du temps. Ça manque de réflexion en arrière de ça, mais… ça arrive.

Pour vous, la persévérance scolaire, c’est quoi ?

Je le vois vraiment comme travailler plus fort que certains qui l’ont peut-être plus facile. C’est vouloir faire plus pour aller plus loin, se dépasser personnellement, vouloir aller jusqu’au bout, dépasser ses limites. Je le vois comme ça.

Quel message voulez-vous lancer aux jeunes de la région?

De un, de rêver. De deux, de croire en ses rêves. De pas lâcher le morceau. Il y a des étapes, du temps. Tout n’arrive pas d’un seul coup. Mais quand tu as un rêve, tu le gardes, tu le construis étape par étape. Tu réfléchis à ce qui peut te mener vers tes rêves et aux actions que tu peux poser constamment pour t’en rapprocher. Ça prend du temps et de l’énergie, mais tout peut arriver, tout est réalisable. J’y crois profondément parce que ma vie n’est que ça. J’ai réussi parce que j’y ai cru profondément. Tu sais, l’expression « Aide-toi et le ciel t’aidera » ? Ça marche. Mais il faut y croire profondément. Il faut faire attention aux influences alentour aussi. Dans le sens où c’est correct des fois que les gens peuvent t’apporter leur avis et c’est important aussi, mais il faut construire avec tout ça. Ce n’est pas mauvais des fois quand les gens te disent : « Oh, mais ça, fais attention à ça » parce qu’ils veulent nous protéger. C’est correct. Il faut juste prendre ce qu’ils disent, réfléchir à comment je balance ça pour aller vers mes rêves. Toujours garder le cap vers les rêves. Ça se peut aussi que les rêves changent en cours de route parce qu’il y a d’autres choses qu’on apprend et qu’on découvre et hop, tu découvres quelque chose d’encore plus trippant. C’est ben correct, on est ici pour avancer, découvrir et changer. Mais mon dieu, rêvez et réalisez vos rêves. C’est possible.

Qu’est-ce que vous pensez des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité ?

J’ai beaucoup d’admiration. (rires) Je trouve ça « cute » et je trouve que ça leur permet d’apprendre énormément. Tout ce qu’ils côtoient, les expériences, les gens, je crois que ça fait grandir.

Quelle importance doit-on accorder aux activités physiques ?

Je trouve ça important de bouger, de faire des choses, ça aide l’équilibre dans ta tête, dans ton cœur, dans ton corps. Ça prend de l’exercice et une bonne alimentation. J’insiste parce que l’alimentation et l’exercice, pour moi, ce sont deux choses qui doivent être là. Ce que je trouve, c’est qu’aujourd’hui, c’est tellement plus facile. Je retourne quand j’étais à ton âge, la différence, c’est fou avec Internet. Vous posez une question sur un aliment ou un exercice et vous avez tout sous la main. Vous n’avez pas besoin d’engager un entraîneur ou une diététiste pour apprendre. Vous avez tout pour apprendre entre les mains. Alors dès que vous vous posez des questions, allez chercher. Quel muscle renforcir ? Quel aliment choisir ?

Il y a plein d’applications pratiques. Yuka, c’est une application sur ton cellulaire. Tu es à l’épicerie, des fois c’est long lire tous les ingrédients. Amuse-toi à scanner les codes-barres de ce que tu as dans ta maison. Tes chips, tes petits gâteaux, tes pâtes alimentaires, l’autre sorte de pâtes… À l’épicerie, tu es pressé, tu n’as pas envie de vérifier les ingrédients de chaque truc que tu achètes. Des fois, on fait : « Telle marque ou telle marque ? C’est le même prix pour chacune, je vais choisir laquelle ? » Avec l’application, ça va te dire que celle-là, c’est mauvais parce qu’il y a tel, tel et tel ingrédient. Celle-là, elle passe à temps. Tant qu’à choisir quelque chose, pourquoi on ne choisirait pas quelque chose qui est bon pour nous ? Je ne vais pas faire un cours de nutrition aujourd’hui, mais ça me tente. (rires) C’est plaisant, ils le font aussi pour les produits quotidiens. Nous autres, les filles, on aime ça, tant qu’à choisir un petit truc pour le visage. Lui, lui, lui, Yuka fait : « Mauvais ! Mauvais ! Mauvais ! Zéro ! Pas prendre ! »

Que pensez-vous de la relation entre les jeunes et la cigarette et/ou la vapoteuse ?

Tu me parles de ça et je trouve ça triste. Ce que j’aimerais dire, c’est que si chacun était capable d’arrêter et de se dire : « Ça m’apporte quoi, ça ? Et si j’arrêtais, ça m’apporterait quoi ? » Parce qu’on a des réflexes dans la vie qui s’installent et puis à un moment donné, ça devient une compensation, etc. On en a tous, on est des humains, on n’est pas parfaits. Mais vous êtes jeunes, c’est le temps de se poser des questions et de casser les mauvaises habitudes tout de suite. Comme je disais, vous avez tellement de ressources maintenant. Vous avez toute la force avec vous. Utilisez-la, la force. Je me questionne, je peux faire des petites recherches Internet pour m’aider si j’ai envie d’arrêter. Puisque je tends vers un côté santé, j’aurais envie de dire que vous êtes jeunes, c’est le temps de casser les mauvaises habitudes avant d’être un peu plus vieux, de trouver ça encore plus difficile et d’avoir déjà abîmé une partie de votre corps.


Entrevue avec Bernard Drainville, ministre de l'éducation.

Entrevue avec Bernard Drainville, ministre de l’Éducation, réalisée par Corine Bradette, Noémie Boutin, Shanny Croteau, Antonin Arès et Étienne Monty des Comités 12-18 de Notre-Dame-de-Lourdes, Ste-Sophie d’Halifax, St-Rémi-de-Tingwick, Tingwick et Inverness.

Comment étiez vous à l’adolescence ?

J’ai été élevé sur une ferme laitière. Je n’ai pas eu une adolescence très « olé olé », mais plutôt très sérieuse parce qu’on travaillait tout le temps. J’étais dans un pensionnat en semaine et les fins de semaine, on retournait à la maison et on travaillait sur la ferme. L’été, c’était aussi du travail sur la ferme, mais pratiquement sept jours sur sept. Il fallait traire les vaches soir et matin. Je ne suis pas beaucoup sorti pendant que j’étais adolescent. Mais il faut vous dire que le collège où j’allais, c’étaient juste des gars jusqu’en secondaire 4. Après ça, ça devenait un collège mixte. Et puis là, j’avais hâte d’avoir une première amoureuse et c’est fini par arriver en secondaire 5. Elle s’appelait Nathalie, elle était en secondaire 4.

Au collège, je faisais beaucoup de sport et un peu aussi les fins de semaine. L’été, je faisais du ski nautique parce que j’ai été élevé sur , entre Berthierville et Sorel-Tracy. Les moments de détente, c’était avec mon ami Luc. Lui, c’était un gars de la ville. Il avait un chalet sur l’île et son père avait un yatch. À un moment donné, je me suis tanné parce que tout le monde prenait des vacances sauf moi. J’avais une tante qui habitait à Montréal, elle s’appelait Isola. Je lui ai demandé de me prendre chez elle pendant quelques jours. Alors je quittais la ferme et j’allais à Montréal où je passais quelques jours. Pas plus parce que c’était tout ce qui était permis par mes parents. Je me promenais en métro sur l’île de Montréal, j’allais voir des matchs de baseball. C’étaient mes vacances d’été.

Dans quel milieu familial avez-vous grandi ?

J’étais l’aîné d’une famille de six. Trois gars, trois filles, nés à peu près à un an d’intervalle chacun. Moi, Martin, Caroline, Hélène et les deux derniers étaient des jumeaux. On était une famille tissée serrée. Le sens de la famille, c’est très important, plus que de se réaliser professionnellement et de laisser une trace de son passage sur Terre. Je pense que c’est même ce qui est le plus important pour moi dans la vie. À la fin, c’est tout ce qui reste à mon sens. Moi, j’ai trois enfants avec Martine. Deux enfants biologiques et on a adopté Mathis, le troisième, de Corée du Sud. Ce sont trois enfants formidables et en santé, on est très chanceux et heureux.

Quel est votre parcours scolaire ?

Il n’y avait pas d’école dans mon village, donc je suis allé à l’école primaire à Berthierville, juste à côté de l’île d’où je viens. Après ça, mes parents m’ont envoyé au collège, dans un pensionnat. C’était bien correct, j’ai aimé ça. Après ça, le cégep. Je suis allé à l’Université d’Ottawa en sciences politiques et communication. Puis, j’ai fait une maîtrise au London School of Economics and Political Science à Londres en études stratégiques et relations internationales.

Quel a été votre premier emploi payant ?

Vendre du blé d’Inde de chez nous. Quand tu travailles sur la ferme, il n’y a pas de salaire. Dans la logique de mes parents et je dirais du monde agricole, tu n’es pas supposé être payé pour travailler sur la ferme familiale. Mais en arrivant à l’adolescence, tu as quand même des petites dépenses. Tu as le goût d’acheter des espadrilles. Moi, je suis chasseur de canards, je voulais m’acheter un fusil de calibre 12, mais je n’avais pas d’argent. Alors Papa nous avait dit, à moi et mon frère : « Je vous donne un terrain, une petite terre, et vous faites ce que vous voulez avec ». Nous autres, on avait décidé de semer du blé d’Inde. C’est ce qu’on a fait et on a vendu le maïs. On s’est fait des sous avec ça. L’autre chose aussi que j’ai faite, c’était de ramasser les bouteilles quand le printemps arrivait et que la neige fondait. On allait les vendre, ça nous faisait des sous également. Ça a été mes premières sources de revenus.

Mais mon premier vrai emploi, ça a été d’être guide touristique à Berthierville, le même endroit où j’ai fait mes études du primaire. Il y a une chapelle protestante là-bas : la Chapelle des Cuthbert, un lieu touristique et historique. J’ai travaillé là pendant quatre étés d’affilée. Les gens s’arrêtaient pour visiter la chapelle. C’était moi qui leur racontais son histoire, leur expliquais que c’était la première chapelle protestante du Bas-Canada, etc. C’était la femme du Seigneur Cuthbert, madame Catherine, qui avait fait construire la chapelle et elle était enterrée en dessous. Moi, j’étais tout seul la plupart du temps en attendant que les visiteurs viennent me voir. J’étais donc tout seul avec la morte qui était enterrée sous le jubé. (rires) Mais je vous assure qu’elle était très tranquille, elle n’a jamais fait d’apparitions surprises. Elle ne m’a jamais hanté dans mes rêves ou autrement.

Je vous en parle et je réalise que j’ai travaillé dans la communication très tôt, dès quatorze ou quinze ans. Parce que faire visiter la chapelle à des touristes, c’est un exercice de communication orale. Il faut que tu rendes ça intéressant et que tu racontes une histoire. Alors le fait que je sois allé dans le journalisme par la suite, je pense que ça vient de là. J’ai développé ce potentiel et j’ai peut-être aussi découvert que j’aimais ça. Ça peut expliquer que par la suite, je me suis inscrit en communication à l’Université d’Ottawa, comme je vous l’ai dit, puis que j’ai décidé de pratiquer le métier de journaliste. Je pense qu’il y a probablement un lien. Il n’y a pas juste ça qui l’explique, mais je pense que ça l’explique en partie.

Qu’est-ce qui vous a inspiré à faire de la politique ?

Mon père était très impliqué dans le syndicalisme agricole (l’UPA[1]) et aussi dans le mouvement coopératif (les coopératives comme il y en a encore). Ma mère s’impliquait pour sa part dans le Cercle de Fermières du Québec et l’AFEAS[2]. J’ai un oncle qui a été maire de l’île Dupas. J’ai un arrière-grand-père qui était un organisateur politique. Il n’a jamais perdu une élection apparemment. Bref, ça coulait un peu dans les veines de la famille de s’engager dans la communauté et de faire sa part pour sa société. L’idée de servir et d’améliorer le sort de nos concitoyens, c’était une valeur importante pour nous.

Moi, je me suis intéressé très tôt à la politique et à l’actualité. Je lisais les journaux. J’étais précoce là-dessus, les élèves au collège me voyaient me promener avec un journal et me trouvaient vraiment bizarre. Je découpais les articles, j’en avais une collection. J’avais treize ans quand René Lévesque est devenu premier ministre en 1976. C’est un homme que j’ai trouvé et que je trouve encore très inspirant. Lévesque, pour moi, c’est un modèle d’engagement politique par sa très grande intégrité. Tu sentais qu’il était là pour le peuple et passionné par son peuple. Il voulait l’amélioration de son Québec, de nous comme Québécois. J’ai trouvé ce personnage tellement inspirant. Il m’a inspiré à m’engager en politique.

Ça aurait pu être une femme, mais il n’y en avait pas beaucoup dans ce temps-là. Même très peu. Lise Payette était ministre dans le premier gouvernement de René Lévesque. Puis, il y a eu Thérèse Casgrain, ministre dans les années 60, suivie de Lise Bacon dans les années 70. Pauline Marois est devenue ministre pendant le deuxième mandat de René Lévesque. Il y avait quelques femmes en politique, mais vraiment pas beaucoup.

Y a-t-il des réalisations ou des projets de votre parcours dont vous êtes particulièrement fier ?

Vous êtes du Centre-du-Québec, vous avez dû en entendre parler. On est en train de devenir un leader mondial dans la fabrication des batteries électriques qui vont servir aux véhicules électriques. Comme on le sait, il faut adopter de plus en plus la voiture électrique si on veut diminuer les gaz à effet de serre et lutter contre les changements climatiques. Donc, on va contribuer à créer de bons emplois parce qu’il en faut notamment pour votre génération. Puis, ça va permettre au Québec de contribuer à la lutte contre les changements climatiques. Je suis très fier de ça. Mais si vous me permettez, je vais élargir la question. C’est mon deuxième passage en politique. J’ai fait de la politique en 2007 à 2016 avec le Parti québécois. J’ai quitté pour revenir à mes premiers amours dans les médias. Puis, je suis revenu avec la CAQ. Pendant mon premier passage, j’ai fait adopter un certain nombre de lois dont je suis très fier. Si vous me le permettez, je vais me péter les bretelles un peu. (rires) Quand j’étais ministre des Institutions démocratiques, j’ai mené un grand débat sur la laïcité qui n’a malheureusement pas mené à l’adoption d’une loi, mais j’ai fait avancer le débat. Je suis très fier de ça également.

J’ai aussi fait voter trois lois à l’unanimité du Parlement. La première, pour limiter les dons à 100 $ aux partis politiques, pour faire en sorte que ce ne soit pas juste les personnes qui ont beaucoup d’argent qui contribuent aux partis politiques Le financement des partis politiques est donc plus démocratique. La deuxième loi, pour instaurer les élections à date fixe, ce qui fait que depuis ce temps, on sait d’avance quand les élections ont lieu. La date est déjà inscrite sur le calendrier, impossible ainsi pour le parti politique au pouvoir de s’en servir pour ses propres intérêts politiques. C’est une façon d’égaliser les chances. Enfin, la troisième loi que j’ai fait voter permet aux étudiants inscrits au cégep et à l’université de voter sur les lieux de leur institution scolaire. Auparavant, ce n’était pas permis, il fallait que tu te déplaces comme tout le monde dans le même bureau de vote. Mais depuis que j’ai fait voter cette loi, quand il y a une élection, les étudiants de 18 ans et plus (qui ont le droit de vote) peuvent voter sur les lieux de leur institution scolaire. Ça veut dire que si vous devez sortir de votre région pour aller étudier dans une autre région, vous pouvez non seulement voter tout court, mais aussi voter pour des candidats de votre région d’origine. L’idée, c’était de permettre aux étudiants de rester enracinés dans leur milieu. En effet, tu ne connais pas forcément les enjeux du milieu où tu vas étudier, mais tu connais très bien ceux d’où tu viens. C’est là que tu as été élevé et ta famille y est encore. Dans la loi que j’ai fait voter à l’unanimité de tous les députés, c’est possible pour vous de voter pour un ou une candidate du comté où vous avez résidé. Je sais que je ne réponds pas à votre question, mais je voulais vous dire que j’étais fier de ça aussi.

Quel est le plus gros risque que vous avez pris dans votre carrière ?

Le risque réputationnel. Quand tu t’engages en politique, tu prends le risque de sortir magané. Moi, je dis toujours que la vie est un combat. Et la vie politique est un combat extrême. Tu peux perdre ton nom. Les médias sont féroces, encore plus maintenant avec les réseaux sociaux. Ils sont devenus un média en soi et font même de la compétition avec les médias traditionnels. Ça crée une espèce de surenchère qui fait en sorte que les médias sont affamés d’informations et de primeurs. Si tu fais une erreur en tant que politicien, tu vas payer cher. Ça n’a pas beaucoup de pardon.

L’été passé, en 2022, j’étais dans les médias. Ça allait bien, j’avais de bonnes cotes d’écoute. Je venais de signer le plus beau contrat de toute ma carrière comme animateur. Je pense que c’était un contrat de 1,3 million pour trois ans, sans compter les bonus. (Je les aurais eus, en plus, parce que l’émission que j’animais était numéro un dans les cotes d’écoute.) J’ai décidé de renoncer à ça parce que je trouvais que ça avait du sens de revenir en politique. La raison première pour laquelle je fais de la politique, c’est que je trouve que ça donne du sens à la vie. Tu te sens utile, tu peux participer à des changements, tu peux faire une contribution à ta société, tu peux changer les choses pour le mieux. Parfois, c’est pour le pire malheureusement, mais tu essaies de faire des changements pour le mieux. De cette façon, tu peux te réaliser comme personne. Moi, c’est ça ma conception de la politique. Je trouvais que ça allait bien dans les médias, j’avais de bonnes cotes d’écoute, mais quand je sortais des ondes après trois heures à la radio, je me demandais : « Qu’est-ce qui reste du trois heures que je viens de faire? » Je trouvais des fois qu’il ne restait pas grand-chose. Il restait de l’éducation populaire, des débats et des idées qu’on avait brassées pendant les trois heures. Ça ne servait pas à rien, mais quand je comparais ça aux lois que j’avais fait voter (celles que je vous ai décrites tout à l’heure), je me disais que ça ne durerait pas dans le temps. Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils retenaient ou apprenaient de l’émission, je ne suis pas sûr qu’ils auraient su quoi me répondre spécifiquement.

Alors, j’ai quitté cette fonction d’animateur où ça allait bien pour retourner dans une arène de combat. Je dis « combat », car tu as quelqu’un en face de toi qui veux gagner comme toi tu veux gagner. Et parfois, le combat est très féroce. S’il faut parfois te tuer politiquement ou te blesser mortellement, ton adversaire va le faire. Il va utiliser tous les arguments possibles pour t’abattre. Moi, j’avais de bonnes cotes d’écoute, le monde m’aimait. Aujourd’hui, si vous faisiez un sondage, il y aurait pas mal moins de monde qui m’aime. Le sondage des personnalités politiques de Léger de la dernière fois a démontré que j’ai pris une descente incroyable. J’ai perdu beaucoup d’appuis dans la population. Il y a beaucoup de gens qui m’aimaient qui ne m’aiment plus aujourd’hui. Mais c’est ça la vie politique. C’est un combat. Parfois, pour faire avancer des idées, il faut mener des combats qui sont assez féroces. Parfois, tu gagnes et parfois, tu perds. Et quand tu perds, tu peux perdre plus que le combat. Tu peux perdre ta réputation, ton nom, ta crédibilité. Le risque que tu prends quand tu fais de la politique, c’est de te faire mal et de te faire du mal.

Est-ce que vous pensez que la population vous soutient moins maintenant parce que vous êtes présentement avec la CAQ ? 

Oui, c’est lié à ça, mais c’est surtout lié au fait que j’ai fait des erreurs pendant mes premiers six mois en tant que ministre de l’Éducation. Ça a donné la possibilité aux médias de me critiquer très férocement, à juste titre jusqu’à un certain point. Ça a beaucoup influencé, je pense, le jugement de la population. Alors, le risque que tu prends, c’est de perdre des plumes, d’être moins aimé qu’auparavant. Mais je reste quand même très heureux de la décision que j’ai prise. Je n’ai aucun regret, je referais le même parcours. Je reprendrais la même décision, même en sachant ce qui s’est passé, parce que justement, ça a du sens ce que je fais. J’ai la conviction que si je continue à bien travailler avec mon équipe, éventuellement les changements que nous allons faire vont s’avérer positifs et les gens qui actuellement me jugent sévèrement vont peut-être, avec le recul et le temps, dire que j’ai fait de bons changements et que j’ai été un bon ministre. C’est comme ça que je vois ça.

Quelle est la partie de votre travail que vous préférez?

Changer les choses. Pour y parvenir, avec ce que je suis en tant que personne (les outils à ma disposition, mes forces et mes faiblesses), c’est par mon engagement politique. Il y en a pour qui ce serait fonder une entreprise, écrire, produire un film, enseigner, etc. Il y a toutes sortes de moyens de changer la société. Mais moi, ce qui me correspond le mieux, c’est la politique. C’est grâce à ça que je peux faire des changements positifs pour la société dans laquelle je vis et que j’aime profondément. Moi, j’aime beaucoup le Québec. Je suis en amour. Je trouve qu’on a une nation extraordinaire et qu’on a une très belle histoire. On est chanceux d’être des Québécois. Je voulais faire ma part pour améliorer notre province et faire en sorte qu’elle soit encore plus belle qu’elle ne l’est déjà.

Le contact avec les gens, j’aime beaucoup ça aussi. La politique nous donne la possibilité de faire beaucoup de rencontres. Chaque personne a une histoire, chaque personne peut nous apprendre des choses si on prend la peine de l’écouter. Chaque personne est un trésor. C’est un peu quétaine ou cliché de dire ça, mais c’est vrai. Tu prends la peine de t’asseoir avec quelqu’un et passées les premières minutes de « small talk », tu te mets à t’intéresser à son parcours, tu vas finir par trouver quelque chose de fascinant. On n’a pas toujours le temps malheureusement de s’asseoir et de discuter, mais moi j’essaie de le faire assez systématiquement. Je fais des rencontres extraordinaires et très inspirantes.

Si vous étiez premier ministre, qu’est-ce que vous changeriez ?

J’ai déjà rêvé d’être premier ministre. Je me suis présenté à la course au leadership du Parti québécois. Finalement, j’ai dû renoncer parce que je m’en allais clairement vers une défaite. Je me suis rallié à celui qui a gagné la course, monsieur Péladeau, qui n’a jamais été premier ministre. Moi, je ne suis pas revenu en politique pour être premier ministre. Je l’ai essayé, mais j’ai trouvé ça difficile d’être dans un esprit de compétition. Ça m’est passé et je ne crois pas que ça me reviendra parce que je suis très comblé par le défi que j’ai à l’Éducation.

Par ailleurs, je trouve que monsieur Legault est un très bon premier ministre, même si actuellement, c’est un peu difficile. Je ne suis pas sûr que je serais revenu en politique si ce n’avait pas été lui. On s’est connus du temps où on était tous les deux députés du Parti québécois. C’est quelqu’un que je connaissais quand même. Quand il m’a demandé de revenir, j’ai accepté au-delà des raisons que je vous ai dites parce que je le connaissais. Je savais qui il était et j’avais le goût de travailler avec lui. Je pense qu’actuellement, on fait de très belles choses. Je vous ai parlé de la filière batterie. Je pense que les projets de loi sur la laïcité et sur la langue que monsieur Legault a fait voter, ce sont de très bons projets de loi. Quand il dit que l’éducation, c’est sa priorité, c’est vrai. On met beaucoup de moyens en éducation actuellement. On a beaucoup augmenté les budgets. Est-ce qu’on devrait les augmenter encore plus ? Sans doute. Mais on a quand même fait beaucoup d’investissements en éducation et je suis fier de ça. Son attachement au Québec est sincère. Alors non, je ne rêve pas de devenir premier ministre. J’ai déjà rêvé à ça. Mais là, je travaille avec un premier ministre que j’aime beaucoup, puis ça me convient. J’ai assez d’ouvrage de même. (rires)

Trouvez vous que la question sur la pluralité des genres est pertinente ? Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Bien sûr qu’elle est pertinente. C’est quoi la pluralité des genres, dans le fond ? C’est vaste. Il faut toujours se rappeler qu’on naît avec un genre, garçon ou fille, mais assez rapidement il y a des garçons et des filles qui ne se sentent pas bien dans leurs corps. Ils ne se sentent pas gars, elles ne se sentent pas filles. Alors on se retrouve dans ce qu’on appelle la dysphorie de genre. Donc, ces personnes ne sont pas d’une certaine manière dans le bon corps, même si c’est le corps avec lequel ils sont nés à la naissance. Ils se retrouvent dans un corps qui les rend malheureux et qui les fait souffrir. Il faut permettre à ces garçons et ces filles de changer de genre. Il faut leur donner la possibilité de le faire. On a des garçons qui décident d’amorcer une transition vers une autre identité de genre. Inversement, on a des filles qui amorcent une transition vers une autre identité de genre. Il faut que la société les accompagne là-dedans. Le système de santé le fait. Il faut accepter d’en discuter, comme on le fait présentement.

Il y a un nouveau cours qui va être introduit dans toutes les écoles du Québec l’année prochaine qui s’appelle « Culture et citoyenneté québécoise ». Dans ce cours, ces enjeux d’identité de genre seront abordés ouvertement. Maintenant, il faut le faire au bon moment. Ce sont des enjeux qui sont très délicats. Il faut toujours y aller avec mesure. Il y a un âge pour discuter de différents enjeux. Je pense que cette discussion, il faut l’étaler dans le temps. Il faut l’aborder au moment où l’élève est prêt à l’aborder. Il ne faut pas lui imposer une discussion qu’il n’est pas prête à avoir. C’est très important. Il faut que les adultes respectent le rythme auquel nos jeunes sont prêts à discuter de ces enjeux. Il faut se garder comme adultes d’imposer des valeurs ou une idéologie sur ces questions. Il faut le faire, mais de façon responsable.

Concernant les dernières grèves et celles qui s’en viennent, comment espérez-vous que la situation se règle ?

J’espère que ça va se régler avec une entente. Honnêtement, j’espère qu’on va éviter la grève, même si au jour où on se parle, ça semble plus probable qu’il y ait grève qu’il y ait entente. Mais écoutez, je n’ai pas le choix d’être optimiste et d’avoir l’espoir qu’on peut éviter ça. Une grève, au bout de ligne, tout le monde en sort perdant. J’espère qu’on va trouver un terrain d’entente avec les syndicats. Pour le moment, c’est difficile. Mais il ne faut jamais perdre de vue que tout le monde (c’est-à-dire moi comme ministre, le gouvernement, les syndicats, les enseignants et enseignantes ainsi que le personnel scolaire) travaille pour une chose. C’est que vous ayez la meilleure éducation possible et que vous puissiez réussir votre parcours scolaire. On ne s’entend pas nécessairement sur les moyens d’y arriver, mais on a le même objectif. Si on garde en tête le bien et la réussite de l’enfant, je ne peux pas croire qu’en bout de ligne, on ne puisse pas trouver un moyen de s’entendre. C’est l’espoir que j’ai.

Que pensez-vous de l’urgent besoin de personnel pour les besoins à adopter dans les écoles ?

On en a besoin, mais le problème, c’est qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre. Actuellement, il me manque des bras et des têtes. Il me manque des enseignants, des professionnels en éducation, d’éducatrices, de techniciens spécialisés… Il me manque de tout. Alors j’ai des besoins. Les budgets ont beaucoup augmenté. Il y a cinq ans, ils étaient de 15 milliards par année. Aujourd’hui, ils sont de 20 milliards. Ça veut dire qu’en cinq ans, le budget de l’éducation a augmenté en moyenne d’un milliard par année. C’est considérable. Malgré ça, il me manque encore des personnes pour donner des services. Alors ce qu’il faut, c’est qu’on trouve collectivement une façon de convaincre plus de jeunes comme vous de se diriger vers l’enseignement, la psychoéducation et l’orthophonie. J’ai tellement besoin d’aide dans les écoles présentement. J’ai besoin que les jeunes choisissent la carrière de l’éducation. Malheureusement, il y en a beaucoup qui ne la choisissent pas, peut-être notamment parce que tout ce qu’ils entendent sur l’éducation est négatif.

C’est une chose que j’essaie de changer dans les rencontres que j’ai avec les professeurs quand je visite des écoles. J’ai visité à peu près 55 écoles depuis que je suis ministre. Ça fait une par semaine. Un des messages que je porte, quand je rencontre les enseignants et le personnel scolaire, c’est de dire : « Écoutez, il y a toutes sortes de griefs et de problèmes que vous vivez et moi je veux vous aider comme ministre de l’Éducation, mais est-ce qu’on peut dire de temps en temps qu’il se fait de très belles choses dans les écoles ? » Il y a beaucoup plus de positif dans les salles de classe que de négatif. Ça, il faut le dire. Je le dis au syndicat. « Que vous chialez contre ce qui va mal, OK, je respecte, c’est votre job. C’est tout à fait légitime. Mais une fois de temps en temps, « time out ». Arrêtez. Dites que malgré tout, on a des professeurs dévoués et du personnel incroyable qui accompagnent les enfants. Ils leur permettent d’apprendre, leur donnent confiance, les font sourire, les consolent ou les rassurent ». À tous les jours, dans toutes les écoles du Québec, il y a du beau. On n’en entend jamais parler. À un moment donné, il va falloir commencer à parler en beau et en bien du monde de l’éducation si on veut convaincre des jeunes comme vous d’y faire carrière. Si on réussit à le faire, éventuellement je vais avoir les orthophonistes, audiologistes, psychologues, ergothérapeutes et orthopédagogues. Tous ceux dont j’ai besoin pour répondre aux besoins des élèves à besoins particuliers. Mais actuellement, il manque de personnel, je vis une pénurie comme beaucoup d’autres domaines dans la société québécoise.

Le problème de la pénurie est vécu partout dans le monde. Partout. J’étais avec le maire de Helsinki (la capitale de la Finlande) la semaine passée. Il y a des gens en éducation qui me disent que le modèle finlandais en matière de système d’éducation est le meilleur sur la planète. J’avais avec moi le maire de Helsinki, lui-même issu du monde de l’éducation. Je lui demandais comment ça allait, de ce côté. Il me parlait de pénurie de main-d’œuvre. Il manquait lui aussi de personnel scolaire. Alors, c’est une crise que l’on vit partout sur la planète. Évidemment, je n’ai pas de solution miracle à ça, mais je travaille très fort pour essayer de revaloriser le monde de l’éducation. Je pense que l’une des façons de le faire, c’est de recommencer effectivement à parler positivement de ce qu’il s’y fait. On ne peut pas juste parler de ce qui va mal. À un moment donné, il faut parler de ce qui va bien si on veut attirer de nouvelles recrues.

Pour vous, la persévérance scolaire, c’est quoi ?

De ne jamais lâcher. En fait, c’est ma définition générale du mot, pas juste pour la persévérance scolaire. La vie est un combat, comme je le disais. C’est sûr que tu fais face à des difficultés. Tu vas toujours faire face à des difficultés. Il ne faut pas abandonner, il faut aller au bout de son potentiel. C’est ça, la persévérance. Chaque être humain a un potentiel. Il n’y a aucune exception à cette règle. La responsabilité du système d’éducation, c’est de vous donner les outils pour aller au bout de votre potentiel. Malheureusement, parfois on n’y arrive pas pour toutes sortes de raisons, dont la pénurie. Mais la raison première pour laquelle un système scolaire existe, c’est pour donner aux jeunes que vous êtes des outils pour aller au bout de votre potentiel. Pour aller aussi loin que vous le voulez et que vous pouvez aller. C’est ça, la persévérance.

Quel message voulez-vous lancer aux jeunes de notre région ?

Ce n’est pas juste un message aux jeunes de votre région, que j’aime par ailleurs, mais à tous les jeunes. Croyez en vous. Ne cessez pas de rêver. Ne vous laissez pas décourager par les circonstances du monde d’aujourd’hui. Chaque génération a eu ses défis. Les vôtres sont considérables. Les changements climatiques, c’est immense. Ça vient nous toucher dans notre existence comme êtres humains et ça remet en question carrément la vie sur Terre. C’est assez fondamental. Je peux comprendre que ça crée de l’anxiété chez certains d’entre vous, mais ce n’est pas une raison pour abandonner. Croyez en vous et dites vous qu’il y a peut-être chez l’un d’entre vous ou l’une d’entre vous la solution qui va nous permettre de surmonter ce défi et passer à travers cette crise climatique. Vous devez croire en vous et continuer de rêver. Ce n’est pas parce que le défi est grand que vous allez vous laisser décourager. Il faut que vous vous battiez. La vie est un combat, elle n’est pas toujours sympathique. Mais elle vaut la peine d’être vécue et elle est foncièrement belle.

J’ai vécu en Amérique latine, en Ontario, en Europe et à plein d’endroits et j’ai aussi voyagé beaucoup, notamment grâce à mon métier de journaliste. Je vais vous dire une chose : la vie qu’on a au Québec est formidable. On a une très belle société. On est chanceux d’être Québécois et de vivre ici. On a un bel environnement, de beaux emplois, de l’énergie propre, une démocratie forte et un système scolaire qui n’est pas parfait, mais quand même très bon. Quand on compare les résultats scolaires de partout dans le monde, on se rend compte que les élèves québécois sont parmi les meilleurs. Alors on doit faire quelque chose de bon, hein ? Je vous parle des résultats PISA[3] qui comparent les résultats scolaires de tous les élèves du monde aux mêmes examens (mathématiques, langue d’enseignement, sciences). Les élèves québécois performent très bien dans ces examens. C’est la preuve que notre système d’éducation, malgré tout, a encore beaucoup de forces.

On est chanceux d’être Québécois. Vous êtes chanceux d’être Québécois. Ça, on ne le réalise pas suffisamment parce qu’on est un peuple un peu chialeux par moments. On est très critiques. C’est correct d’être critique, mais il faut aussi s’arrêter et parler un peu du positif. Après avoir dit tout ce qui allait mal, parlons de ce qui va bien. Il faut trouver un équilibre là-dedans. Malgré tous nos grands défis, on a quand même entre les mains une société qui peut nous permettre de faire avancer les choses et d’améliorer notre sort. Croyez-en vous. Dites-vous que vous êtes l’avenir. Moi, en termes d’années, je n’en ai pas mal plus en arrière que j’en ai en avant. Vous, vous en avez beaucoup en avant. C’est incroyable. Pensez-y. Vous avez littéralement la vie devant vous. C’est à vous de décider ce que vous allez en faire. Mais s’il vous plaît, pas de déprime. Oui, c’est triste par moments. Oui, c’est dur. Mais « hey, let’s go ». On se serre les coudes, on avance. Mettez vous en gang et avancez. Ça vous appartient. Je dis ça à mes enfants. Ou plutôt je leur disais ça parce que maintenant, ils sont plutôt grands, ils sont dans la vingtaine. Mais quand ils étaient petits, ils me faisaient une crise. Et ça se finissait parfois en disant : « Écoute, tu es maître de ton destin, tu décides de ce que tu veux. C’est toi qui vas décider de ta vie ». Ça se peut que je fasse un peu pépère ou quétaine, mais ce n’est pas grave.

Que pensez-vous des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité ?

Je trouve ça formidable. Je vais vous dire, le bénévolat est tellement une belle école de vie. J’ai aimé l’école, mais j’aimais plus ce qui se passait à l’extérieur de la classe que ce qu’il y avait dans la classe. J’ai appris beaucoup plus par le parascolaire et en m’engageant dans toutes sortes de « patentes ». Il faut que je fasse attention, je suis le ministre de l’Éducation quand même. (rires) Mais je vais le dire comme ça : on peut apprendre autant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la classe. Quand tu décides de t’engager dans une cause, ce que tu donnes de toi-même est tellement enrichissant. Vous allez apprendre et sortir de là grandis, peu importe la cause pour laquelle vous allez vous engager. Le bénévolat, c’est fantastique. Tu te sens bien. Tu as redonné, tu as aidé, tu vois la différence que tu as fait. Alors le bénévolat, je vous encourage à en faire le plus possible. Vous allez être de meilleures personnes. J’ai beaucoup de défauts, mais je suis devenu une meilleure personne grâce au bénévolat. J’en suis convaincu.

Quelle importance doit-on accorder à l’activité physique?

Si tu veux avoir de l’énergie et la santé pour réaliser tes rêves, il faut quand même que tu fasses un peu d’activité physique. Le corps, c’est ton outil. C’est ce qui va te permettre de réaliser tes ambitions. Tu as beau avoir toute la volonté du monde, si ton corps est malade, tu ne pourras pas aller au bout de toi-même. Ça sert à quoi d’avoir des rêves si tu n’as pas l’énergie ou la capacité physique de les réaliser ? Alors l’activité physique, c’est très important. Je prétends qu’un peu comme le bénévolat, le sport est une école de vie. Quand tu fais du sport, tu apprends ce que c’est que de travailler en équipe. Ça reste un concept très important pour réussir dans la vie. Très souvent, tu vas avoir besoin de quelqu’un pour réussir. Cette personne va avoir besoin de toi également. On apprend ça dans le sport. On apprend à s’entraider, travailler en équipe et profiter des forces des uns et des autres pour constituer une seule force. Tu arrives donc à un résultat collectif par l’addition des forces individuelles.

On pourrait me répondre qu’en pratiquant un sport individuel, on n’est pas en équipe. C’est vrai. Mais tu apprends à te mesurer à l’autre et à te dépasser. À gagner et à perdre. C’est plus le fun de gagner, c’est le but du jeu, mais pas à tout prix. Parfois, tu apprends plus par le chemin que tu empruntes que par la victoire ou la défaite. Le sport peut t’apprendre tout ça. Je crois en ça. Tu as de la peine après une défaite, c’est normal. J’ai perdu, moi, c’est arrivé souvent. La vie, c’est aussi ça. Tu perds, tu tombes. Mais tu te relèves. Tu apprends dans la défaite. Pourquoi j’ai perdu ? Pas assez de préparation ? Pas assez en forme ? Pas assez travaillé avant ? Mauvaise stratégie ? Je n’ai pas respecté l’autre ? Finalement, l’adversaire était mieux préparé que moi ? OK, mais la prochaine fois, je vais l’avoir. Alors le sport, c’est nécessaire et très important. Ça fait partie d’un équilibre de vie.

Vous avez dit : « Ça sert à quoi d’avoir des rêves quand on n’a pas l’énergie de les réaliser ? » Je voudrais apporter un sous-point : pour les personnes et surtout les jeunes avec des handicaps ou des maladies chroniques, pour vous ce serait… ?

D’abord, il faut les aider. Mais c’est vrai que si tu es une personne handicapée, tu es très limitée, c’est certain, dans le sens où tu ne peux pas te donner les mêmes objectifs qu’une personne sans handicap. Mais les objectifs que tu vas te donner, propres au monde dans lequel tu vis, vont être à la mesure de tes capacités. On ne peut pas mesurer deux succès de la même façon, surtout si un handicap entre en jeu. Mais ce qui est sûr, c’est que la réussite d’une personne handicapée n’est pas moins grande ou moins valorisante. Voir quelqu’un réussir à atteindre des objectifs qui a priori paraissaient inatteignables à cause d’un handicap, ça peut être incroyablement inspirant. Ça peut donner de l’espoir à la société.

Quels sont les impacts positifs de la légalisation du cannabis et les effets négatifs de la légalisation de cette substance ?

Moi, j’ai fumé. À un moment, j’ai décidé d’arrêter parce que je nuisais à ma propre santé et je prenais le risque de ne plus avoir les capacités physiques de pouvoir réaliser mes rêves. Le jour où tu réalises ça, tu arrêtes de fumer. Même chose pour la vapoteuse. Je ne juge pas ceux qui fument ou vapotent parce que je suis passé par là. Mais je pense que si tu réfléchis aux conséquences, tu vas te rendre compte qu’au-delà du plaisir immédiat que tu as, tu risques de te priver de moyens pour te permettre de vivre tes rêves et d’aller au bout de ton potentiel. Tu réalises que le plaisir à court terme ne vaut pas les dommages que tu crées sur le moyen et long terme. Ce temps est précieux, c’est parce que tu l’as que tu peux réaliser tes rêves et vivre des moments de bonheur et d’accomplissement. Mais ça vient avec le temps. Il y a des choses que tu ne vois pas quand tu es plus jeune et avec le temps tu t’en rends compte. C’est pour ça qu’il y a des gens qui fument et qui à un moment donné finissent par arrêter.

[1] Union des producteurs agricoles.

[2] Association féministe d’éducation et d’action sociale.

[3] Programme international pour le suivi des acquis des élèves.


Entrevue avec Valérie Bédard, directrice générale chez Orapé

Entrevue avec Valérie Bédard, directrice générale chez ORAPÉ, réalisée par Anabelle Comtois, Noémie Boutin et Anaîs Guévin des Comités 12-18 de Lyster, Ste-Sophie d’Halifax et Villeroy.

Pour commencer, j’aimerais que vous me décriviez votre entreprise.

ORAPÉ est l’organisme de récupération anti-pauvreté de l’Érable. C’est un grand nom, c’est pour ça qu’on utilise ORAPÉ tout court. C’est un organisme sans but lucratif. On a 3 volets différents dans l’organisation, c’est-à-dire que la mission de base, c’est d’offrir des services de soutien pour les gens qui sont à faible revenu, donc des gens qui viennent chercher de l’aide alimentaire quand ils n’ont pas beaucoup de sous à la fin du mois. On a aussi des gens qui viennent ici en programme d’emploi, c’est-à-dire qu’ils ont besoin d’un petit coup de pouce pour retourner sur le marché du travail, donc ils viennent faire un passage chez nous. J’aurais le goût de dire qu’on est un peu un tremplin à ce moment-là. Puis, on a aussi tout le volet ressourcerie. La ressourcerie, c’est quoi ? C’est tout le volet marchand par lequel vous êtes passés tantôt. Ce volet-là plus particulièrement est axé sur la préservation de l’environnement. On récupère des articles que les gens veulent bien nous donner, puis on les recycle, on les revalorise ou on les remet en vente selon les composantes. Mine de rien, l’année passée, c’est quand même 625 tonnes de matières qui ont été récupérées sur le territoire de la MRC de l’Érable. Donc c’est vraiment un beau travail au niveau de l’environnement.

Quel type de métier peut-on retrouver dans votre entreprise ?

En fait, il y en a plusieurs parce qu’on est vraiment diversifiés. C’est sûr qu’il y a les métiers de base, comme moi qui suis gestionnaire ici. J’aurais le goût de dire que mon travail, c’est comme être une petite pieuvre avec beaucoup de pattes. Donc, je m’occupe des finances, des ressources humaines, de la mise en marché etc. Mais on a aussi un ou une réceptionniste selon les besoins. On a des gens qui vont être au démontage, qui est toute la partie où on reçoit le matériel qui n’est pas toujours bon. À ce moment-là, il faut le défaire et le recycler. On a aussi des gens qui vont travailler fort en cuisine, c’est-à-dire des cuisinières (pour le moment, ce sont des femmes qui sont là) et des aides en cuisine. Sinon, je dirais qu’il y a beaucoup de bénévoles aussi. J’aurais le goût de dire que c’est quasiment un métier. Vous en faites du bénévolat, donc vous savez que c’est demandant. Mais c’est tellement un beau milieu de travail ici que ça en est intéressant.

Quelles sont les valeurs de votre entreprise ?

En fait, chez ORAPÉ, on a plusieurs valeurs différentes, mais je te dirais que la valeur majeure, c’est l’entraide d’abord et avant tout. L’entraide envers les gens, l’environnement et la communauté. On a aussi la valeur du respect qui est très importante pour nous. On côtoie une clientèle variée, c’est-à-dire que les gens qui viennent magasiner ici, c’est monsieur et madame Tout-le-Monde. Si vous avez le goût de magasiner ici, vous avez le droit. Il y a aussi les gens qui viennent pour nos services d’aide, à ce moment-là, il faut avoir un souci particulier pour ces gens-là. Donc, vraiment, l’équipe est sensibilisée au respect. Sinon, l’honnêteté, la responsabilité, la solidarité aussi. Et il y a aussi une valeur qui est super importante pour moi, c’est la transparence. Qu’est-ce que ça veut dire, la transparence ? C’est qu’on a rien à cacher. Quand on a des choses qu’on fait, des bonnes et des moins bonnes, on en parle. On essaie de trouver des solutions en lien avec ça quand ce sont des moins bonnes choses.

Quelles qualités de base recherchez-vous chez vos employés quand vous les embauchez ?

J’aurais le goût de dire que la principale qualité pour un employé qui vient travailler avec nous (parce que ORAPÉ, c’est quand même 19 employés, il y en a qui sont à temps partiel et d’autres à temps plein), c’est la bonne humeur d’abord et avant tout. Je pense que si on n’a pas de plaisir à travailler, à ce moment-là, ça vaut pas la peine de le faire. C’est la principale qualité qu’on recherche. Puis, sinon, évidemment les qualités de base, comme être assidu (être là, être présent quand on en a besoin), la ponctualité et le respect comme on en a parlé tout à l’heure, qui est une qualité super importante pour nous de la part de nos employés. J’aurais le goût de finir en disant qu’on l’oublie des fois, mais la polyvalence, c’est une super qualité qui est nécessaire, surtout ici. Quand tu viens travailler chez ORAPÉ, ce n’est pas comme venir travailler dans un milieu de travail où tu fais exactement la même chose à tous les jours comme sur une chaîne de montage. Si aujourd’hui on a besoin de toi dans le kit de chargement parce qu’il y a un gros arrivage, il faut que tu sois en mesure de venir donner un coup de main. Être polyvalent, c’est d’être capable de faire plusieurs choses en même temps.

Y a-t-il des réalisations ou des projets de votre entreprise dont vous êtes particulièrement fière ?

Ça fait 20 ans que je suis chez ORAPÉ, c’est la moitié de ma vie mine de rien. (rires) Mais le développement d’ORAPÉ en général me rend hyper fière. Quand je suis arrivée chez ORAPÉ, on était 3 employés. On était situé au centre-ville de Plessisville aussi et on est passés au feu en 2007. Ce qu’il faut savoir, c’est que quand il y a un nouveau service qui se met en place chez ORAPÉ, c’est toujours parce que les gens ont émis un besoin. Ce sont des gens à faible revenu qui viennent chercher de l’aide. Au début, ORAPÉ, c’était juste de la distribution alimentaire, puis au fil du temps, les gens ont dit : « Si je n’ai pas de poêle, si j’ai pas de frigidaire, je fais quoi ? Si je ne sais pas comment faire à manger, je fais quoi ? » Tous les services ont commencé tranquillement comme ça. Sinon, c’est sûr que toute la reconnaissance que ORAPÉ a été capable d’aller chercher au fil du temps, que ce soit auprès de la population ou des décideurs publics (les députés, par exemple), c’est quelque chose de super important. Puis sinon, c’est sûr qu’il y a toujours une super fierté quand on réussit à se démarquer. Par exemple la dernière fois, c’était l’obtention du Prix Développement durable au concours Gala Nova. On est hyper fiers de ça. Je dirais que c’est une reconnaissance à tous les jours.

Selon vous, quels sont les avantages à travailler en région ?

Le principal avantage, c’est qu’il n’y a pas de trafic. (rires) En fait, travailler en région, j’aurais le goût de dire que ça n’aurait pas pu être autrement pour moi. Je suis allée à l’école à Sherbrooke, j’ai tenté les grandes villes et tout ça, mais je dirais que le fait de travailler en région, ça permet de faire partie de sa communauté. C’est peut-être moins facile, quand on est dans les grandes villes, de faire partie de projets au-delà de son travail. Les gens qui viennent magasiner ici assez régulièrement, on est presque capables de les appeler par leur nom. Quand on travaille en région, c’est plus facile de développer son réseau. Je dirais que c’est ça, les avantages. Puis évidemment, de partir du travail et d’être rendus chez vous en 5 minutes, ça aussi, c’est plaisant.

Comment se passe une journée de travail pour vous?

Il n’y a rien de pareil. J’aimerais pouvoir te dire que j’ai une journée type, mais je n’en ai pas. J’essaie de planifier ma journée, mais en fait, ça ne fonctionne pas. C’est-à-dire que souvent, je vais commencer par de la paperasse, puis finalement, je suis appelée à aller aider par exemple au déchargement, en cuisine ou sur le plancher. Je dirais que c’est un beau défi, travailler chez ORAPÉ, mais c’est tellement plaisant parce que c’est tout le temps différent.

Quelle est la partie de votre travail que vous préférez?

J’aurais le goût de dire que la partie de mon travail que j’aime le plus, qui me fait venir à tous les jours et qui m’aide à toujours avoir la flamme de travailler chez ORAPÉ, c’est les gens d’abord et avant tout. Côtoyer des gens qui ont des besoins, qui arrivent ici et qui sont mal pris. Au fil du temps, on apprend à les connaître et ils réussissent à s’en sortir et avoir de belles réalisations. Évidemment, j’aime voir les clients en magasin. Juste de rencontrer des gens comme vous autres, moi ça fait ma journée. C’est ça la partie préférée de mon travail.

Jusqu’où rêvez-vous d’amener votre entreprise ?

J’aurais le goût de dire que j’espère que quelqu’un d’autre après moi va l’amener ailleurs. Ça voudra dire que ORAPÉ aura réussi à continuer à se développer. La seule réponse que j’aurais à te donner, c’est que le développement se poursuive selon les besoins des gens et de la communauté.

Pour quelles raisons devrait-on travailler pour votre entreprise ?

Juste pour faire partie de quelque chose de plus grand que soi, j’aurais envie de dire. Ça fait peut‑être un peu prétentieux, mais je dis souvent que travailler pour ORAPÉ, c’est une mission en soi, une vocation en quelque sorte. Voir quelque chose se développer et avoir la possibilité de faire partie de quelque chose, c’est pas mal la raison pour laquelle on devrait travailler chez nous. Puis sinon, parce qu’on travaille pour l’environnement et les gens et qu’on a beaucoup de plaisir à le faire.

Qu’est-ce qui vous inspire dans la vie ?

Beaucoup de choses et je pourrais vous en parler pendant 1 heure, mais je pense que vous n’avez pas le temps. (rires) En fait, ce qui m’inspire dans la vie, c’est les petits gestes au quotidien que les gens peuvent faire. Vous regardez probablement des TikTok et compagnie, mais des fois on voit des belles patentes, du genre quelqu’un qui va donner un coup de main à quelqu’un qui est tombé ou qui a échappé quelque chose. Des petits gestes comme ça. Ça n’a pas besoin d’être hyper flamboyant. Vraiment quelqu’un qui a la main tendue et qui aide son prochain, je dirais que c’est ça qui m’inspire dans la vie. Sinon, étant une femme, je dirais que toutes les femmes qui ont réussi à se démarquer dans la vie m’inspirent beaucoup aussi. Ici, au Québec, ça peut paraître un peu drôle, mais Monique Leroux, qui était la présidente-directrice générale de Desjardins, a été la première femme à occuper ce poste-là et ça m’a inspiré beaucoup. Sinon, du côté des États-Unis, Michelle Obama m’inspire beaucoup de par la prestance qu’elle a et la femme qu’elle est. Et puis, on ne se le cachera pas, étant une femme d’une autre culture qui a réussi à faire ce qu’elle fait, c’est vraiment hyper inspirant.

Pour vous, la persévérance scolaire, c’est quoi ?

La persévérance scolaire, pour moi, en fait, c’est de garder l’objectif de l’atteinte de son diplôme malgré les difficultés académiques. On sait que ce n’est pas toujours facile d’y arriver. Pour certains, c’est plus facile, pour d’autres, c’est plus difficile. Mais j’aurais le goût de dire que c’est de se surpasser selon ses capacités pour finalement atteindre son objectif final ultime.

Quel message voulez-vous lancer aux jeunes de notre région ?

Le message que j’ai le goût de lancer aux jeunes de la région, c’est de se faire confiance, d’oser et de rêver. En fait, j’aurais aimé ça pouvoir dire à la petite Valérie de 12, 13, 14 ans de se faire confiance et d’oser dans la vie, qu’elle va voir que tout va bien aller. Je pense que j’ai le goût de transmettre le même message. Osez rêver. Faites-vous confiance.

Que pensez-vous des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité ?

Vous êtes tellement une belle richesse et vous en avez pas conscience. En fait, vous êtes les citoyens et citoyennes de demain ! Le fait de vous impliquer bénévolement, ça démontre que vous avez de l’intérêt envers votre communauté et je pense que quelque part, c’est ça qui est important. La communauté, ça le dit, ce n’est pas un individu, c’est une communauté. Donc, je pense que s’impliquer bénévolement, ça démontre qu’on a envie de faire plus quand on va être rendu éventuellement sur le marché du travail et à l’âge adulte.

Quelle importance doit-on accorder à l’activité physique?

J’ai le goût de vous dire que je suis plus dans le mode sédentaire, c’est-à-dire que je ne suis pas quelqu’un de très sportif dans la vie. Je voudrais en faire plus, mais je dirais que le sport que j’ai choisi, si on peut appeler ça un sport, c’est la marche tout simplement. Ça me permet de me ventiler. Je fais ça le matin très tôt. À cinq heures et quart, je suis sur la route à faire ma petite marche. Ça me permet de partir ma journée, de ventiler mes idées, juste faire le vide et prendre le temps de contempler le lever du soleil et d’écouter les oiseaux. Tantôt, tu me demandais ce qui m’inspirait, tout ça m’inspire pour partir ma journée et me dire : « OK, on charge ».

Que pensez-vous de la relation entre les jeunes et la cigarette et/ou la vapoteuse ?

En fait, je ne fume pas et j’ai jamais fumé. C’est sûr que je considère que c’est une relation qui est malsaine à la base. J’aurais le goût de vous dire de prendre votre argent pour faire autre chose, quelque chose pour vous autres et qui va perdurer dans le temps. Parce qu’on s’entend que la cigarette, c’est sur le moment et après ça, tu n’as plus rien qui reste à toi. J’aurais aimé ça que dans la vie, ça n’existe pas, mais bon, c’est comme ça. Je suis un peu radicale, mais voilà.

Quels sont les impacts positifs de la légalisation du cannabis et les effets négatifs de la légalisation de cette substance ?

En fait, pour cette question-là, j’ai fait un peu de recherche parce que c’est sûr qu’il y a 2 côtés à la médaille. C’est positif parce qu’à tout le moins, maintenant, ceux qui s’en procurent dans les SQDC savent exactement ce qu’ils vont consommer. Alors que dans la rue, on le sait pas trop, ça a pu avoir été mixé avec d’autres choses. Donc, au moins, ils savent ce qu’il y a dedans à la SQDC, ça peut être un aspect positif. Compte tenu que c’est légal, je présume aussi que le système de justice est peut-être un peu moins engorgé. Les gens qui avaient été inculpés pour possession ou peu importe ne sont plus dans le système judiciaire. Donc, les personnes qui les défendaient ont probablement le temps de passer à autre chose, peut-être à des causes sur lesquelles ils ne faisaient que passer rapidement autrefois. Sinon, parmi les effets négatifs de la légalisation, c’est que les jeunes peuvent y avoir plus facilement accès. Comme l’alcool, le fait que ce soit légal, j’imagine qu’il y en a qui conduisent sous l’effet du cannabis et ça fait partie des effets négatifs. On ne se le cachera pas, ça les rend dangereux et pour eux et pour les gens autour. On conduit souvent pour les autres, alors si on n’est pas en mesure de conduire de façon adéquate, on peut se blesser et blesser les autres. Je pense que ce n’est pas nécessairement positif.


Entrevue avec Paul St-Pierre Plamondon, Chef du Parti Québécois

Entrevue avec Paul St-Pierre Plamondon, Chef du Parti Québécois, réalisée par Juliette Léveillée, Éléonore Guévin-Roy, Noémie Boutin, Ève Rioux et Marie-Pierre Beaudet des Comités 12-18 de L’Avenir, de Tingwick et de Ste-Sophie d’Halifax

Comment étiez-vous à l’adolescence ?

J’étais un ado sportif et à mon affaire. Je pense que j’étais plus rebelle enfant qu’ado. Je mettais beaucoup de temps à jouer au football, au tennis et au ballon sur glace (qui est moins populaire aujourd’hui). Autrement dit, j’étais assez tranquille.

Dans quel milieu familial avez-vous grandi ?

Mes parents étaient divorcés. J’avais des « quarts » de frères et des « quarts » de sœurs. On appelait ça comme ça parce qu’on était une famille reconstituée et qu’on n’avait pas de parents communs. On se considérait comme des frères et des sœurs, donc on a inventé le concept de « quart de ».

Quel est votre parcours scolaire ?

J’ai étudié un an au Danemark dans l’équivalent d’un cégep où j’ai appris le danois. J’ai fait mon droit à l’Université McGill, puis j’ai fait une maîtrise à l’Université d’Oxford en gestion.

Quel a été votre premier emploi payant ?

J’étais pelleteur de sauce barbecue chez les usines Berthelet de sauces St-Hubert Barbecue.

Qu’est-ce qui vous a inspiré à faire de la politique ?

J’ai commencé par la commenter et par m’intéresser à certains enjeux. Quand j’étais avocat, j’ai lutté contre la corruption tant ici qu’en Bolivie notamment. Plus on s’implique, plus on a envie d’aller à la source des enjeux, là où les décisions se prennent. On a l’espoir de corriger certaines choses et d’améliorer un peu la société. C’est donc en s’impliquant que la politique apparaît comme un choix logique, du moins dans mon cas. Je n’avais pas d’envie pressante d’aller en politique par contre.

Qu’est-ce qui vous a amené à choisir ce parti ?

C’est un parti démocratique qui défend les Québécois en leur laissant la parole sur ce qu’on devrait faire. C’est voté en bonne et due forme, contrairement à d’autres partis qui sont l’œuvre d’une personne ou de quelques personnes qui décident de tout et disent aux autres quoi faire. Cette démocratie amène le Parti Québécois à penser qu’on doit vivre dans une société juste où il y a le moins d’inégalités possibles. On doit vivre dans une société libre où on a notre propre pays et où on peut influencer le reste de la planète positivement.

Y a-t-il des projets ou des réalisations de votre parti dont vous êtes particulièrement fier ?

Il y en a plein. Le Parti Québécois est le parti de plein de réformes. La protection des terres agricoles, la protection de la jeunesse, la protection du consommateur, la protection du français évidemment avec la Loi 101 et bien d’autres. C’est un parti qui a à cœur de rendre la société québécoise plus juste et très différente du reste de l’Amérique du Nord. On s’inscrit dans cette tradition. Par exemple, on a beaucoup contribué plus récemment aux CPE, une invention de notre cru.

Quel est le plus gros risque que vous avez pris dans votre carrière ?

J’en ai tellement pris. (rires) En 2016, j’ai fait une première course à la chefferie du Parti Québécois alors que les intentions de vote n’étaient pas du tout en ma faveur. Les chances pour que je l’emporte oscillaient entre zéro et un. En 2022, j’ai pris part à la course à la chefferie pour une seconde fois. J’ai fini par la gagner, mais au départ, les sondages estimaient que j’étais le candidat le moins populaire. Tout ça pour dire qu’il ne faut pas faire de la politique en fonction de calculs de risque. On est condamné à faire des choses qu’on va regretter. Il faut déterminer ce qui nous motive et ce qu’on pense qui doit être fait, indépendamment des sondages et des probabilités.

Quelle est la partie de votre travail que vous préférez?

La campagne électorale. C’est en campagne électorale que tu proposes à la population des choses. La population t’écoute et se demande : « Est-ce que je prendrais cette proposition ? » Alors qu’au quotidien de la politique, ce sont des tomates qui s’envoient dans toutes les directions. C’est plus difficile d’avoir de l’espace pour amener des nouvelles idées. On réussit des fois à le faire, mais beaucoup moins qu’en campagne où le ton est plus propice à l’écoute et l’échange.

Si vous étiez premier ministre, que changeriez-vous ?

Le Québec deviendrait un pays, ce qui n’est pas mineur. Ça veut dire qu’on arrêterait de donner de l’argent en impôt aux sables bitumineux de l’Alberta. On ferait des choix responsables sur le plan environnemental à même notre propre budget au lieu de se faire imposer un agenda anti-environnemental par Ottawa. Tout ce qui touche à la protection de la jeunesse et à la réduction des inégalités sociales, notamment sur le logement, changerait beaucoup.

Quelle importance accordez-vous à l’environnement ?

Comme je viens de dire, c’est l’une des questions les plus structurantes et les plus urgentes de notre époque. C’est difficile d’avancer sur cette question si tu n’as pas le pouvoir de décider et que la moitié de tes impôts s’en vont à un autre palier de gouvernement qu’on peut qualifier de « pétrogouvernement ». C’est-à-dire que le gouvernement du Canada est tellement infiltré par les lobbies du gaz et du pétrole que quand ils vont à la conférence sur le climat (COP) , les gens qu’ils invitent avec eux sont les gazières et les pétrolières. Je pense qu’on ne devrait absolument pas envoyer notre argent dans ça. On devrait investir dans des énergies renouvelables, vertes. Ça aurait dû être déjà fait il y a dix, quinze, vingt-cinq ans. On est en retard déjà. Ultimement, il faut que les gens votent en conséquence. Des fois, les gens ne veulent pas voir. Ils veulent une partie du résultat, mais ils ne veulent pas faire tous les changements pour être cohérents. C’est ça ma mission dans les prochaines années. Convaincre qu’en devenant un pays, on va cesser de faire des choix stupides sur le plan environnemental. On va se faire confiance et faire des choix responsables qui vont changer la donne tant au Québec qu’ailleurs. Je pense qu’on va devenir des diplomates environnementaux pour influencer tous les pays.

Pour vous, la persévérance scolaire, c’est quoi ?

La persévérance scolaire, c’est la clé d’une société qui va bien. Si les gens ne sont pas scolarisés et ne persévèrent pas, tu as plus de problèmes sociaux et plus de richesse à répartir. Pour un gouvernement, ça devient beaucoup plus difficile. C’est un peu la fondation d’une société, l’éducation. C’est sûr que la pandémie a donné un coup dur à toute une génération qui a été déconnectée et on pourrait même dire désocialisée d’une certaine manière. Il faut y remédier pour être certain que chaque jeune a les outils pour se faire une vie qui est à la hauteur de ses aspirations.

Quel message voulez-vous lancer aux jeunes de notre région ?

Si on ne rêve pas quand on est jeune, on ne rêvera jamais. Mais pour rêver correctement, c’est-à-dire se donner des objectifs qui ont le potentiel d’influencer positivement la société, on ne peut pas s’en remettre aux médias sociaux et à la propagande. La propagande, ce n’est pas de l’information, c’est de la publicité ou des messages mensongers pour influencer l’opinion des gens. Malheureusement, les technologies ont évolué de sorte qu’il y a des gens (de toutes les générations, soit dit en passant) qui se satisfont de ce qu’ils ramassent sur Instagram ou TikTok. Mais ce ne sont pas des sources d’information fiables. C’est donc la responsabilité de chacun de se tenir au courant de ce qui se passe avec une diversité de médias connus, qui offrent des garanties de crédibilité. C’est un devoir essentiel si on veut participer à la société après. La désinformation me semble être un des gros défis qu’on aura dans les prochaines années.

Que pensez-vous des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité ?

Je ne peux pas être contre ça. (rires) Surtout quand on commence entre douze ans et dix-huit ans. Déjà, de vous impliquer pour une cause sociale ou politique, à l’échelle municipale ou provinciale, ça vous distingue de beaucoup d’autres jeunes. Ça vous prépare à des choses intéressantes. Plus on s’implique, plus on apprend. Il n’y a pas que l’école standard pour apprendre dans la vie et progresser. Moi, je suis évidemment en faveur de toutes les implications de cette nature.

Quelle importance doit-on accorder à l’activité physique?

Dans ma vie à moi, si je ne fais pas d’activité physique, je ne dors pas, je prends du poids et mon visage grossit. (rires) Pour faire quelque chose d’exigeant comme les études, on ne peut pas négliger l’équilibre entre son corps et son esprit. Les philosophes grecs disaient ça : « Un esprit sain dans un corps sain ». Ça a toujours existé. On ne peut pas négliger l’exercice et le sport, sans quoi le reste commence à être compliqué. C’est mieux de prendre l’habitude jeune. Moi, j’ai commencé à m’entraîner dès l’âge de dix ans, je jouais au tennis régulièrement. Depuis, je n’ai pas arrêté de faire du sport, sauf si j’étais blessé, et j’ai 46 ans aujourd’hui.

Que pensez-vous de la relation entre les jeunes et/ou la vapoteuse ?

Respecter les différences, c’est aussi respecter les choix des autres. Inutile d’être agressif avec ceux qui vapotent. Mais est-ce que c’est une bonne idée de vapoter ? La réponse est non. Je pense que chacun devrait se demander ce que ça lui donne de vapoter. Si ton gang t’exclut si tu ne fais pas comme eux, qu’est-ce que ça dit sur le lien que vous avez ? En plus, c’est lié à des maladies pulmonaires qu’on ne s’explique pas. Ce n’est pas comme la cigarette, mais il y a certaines maladies assez étranges qui apparaissent après un certain nombre d’années de vapotage. C’est comme n’importe quelle substance inutile et nocive. Quand tu commences, la question à te poser est : pourquoi tu le fais? Donc, ce serait fou de commencer.