Entrevue avec Valérie Bédard, directrice générale chez ORAPÉ, réalisée par Anabelle Comtois, Noémie Boutin et Anaîs Guévin des Comités 12-18 de Lyster, Ste-Sophie d’Halifax et Villeroy.
Pour commencer, j’aimerais que vous me décriviez votre entreprise.
ORAPÉ est l’organisme de récupération anti-pauvreté de l’Érable. C’est un grand nom, c’est pour ça qu’on utilise ORAPÉ tout court. C’est un organisme sans but lucratif. On a 3 volets différents dans l’organisation, c’est-à-dire que la mission de base, c’est d’offrir des services de soutien pour les gens qui sont à faible revenu, donc des gens qui viennent chercher de l’aide alimentaire quand ils n’ont pas beaucoup de sous à la fin du mois. On a aussi des gens qui viennent ici en programme d’emploi, c’est-à-dire qu’ils ont besoin d’un petit coup de pouce pour retourner sur le marché du travail, donc ils viennent faire un passage chez nous. J’aurais le goût de dire qu’on est un peu un tremplin à ce moment-là. Puis, on a aussi tout le volet ressourcerie. La ressourcerie, c’est quoi ? C’est tout le volet marchand par lequel vous êtes passés tantôt. Ce volet-là plus particulièrement est axé sur la préservation de l’environnement. On récupère des articles que les gens veulent bien nous donner, puis on les recycle, on les revalorise ou on les remet en vente selon les composantes. Mine de rien, l’année passée, c’est quand même 625 tonnes de matières qui ont été récupérées sur le territoire de la MRC de l’Érable. Donc c’est vraiment un beau travail au niveau de l’environnement.
Quel type de métier peut-on retrouver dans votre entreprise ?
En fait, il y en a plusieurs parce qu’on est vraiment diversifiés. C’est sûr qu’il y a les métiers de base, comme moi qui suis gestionnaire ici. J’aurais le goût de dire que mon travail, c’est comme être une petite pieuvre avec beaucoup de pattes. Donc, je m’occupe des finances, des ressources humaines, de la mise en marché etc. Mais on a aussi un ou une réceptionniste selon les besoins. On a des gens qui vont être au démontage, qui est toute la partie où on reçoit le matériel qui n’est pas toujours bon. À ce moment-là, il faut le défaire et le recycler. On a aussi des gens qui vont travailler fort en cuisine, c’est-à-dire des cuisinières (pour le moment, ce sont des femmes qui sont là) et des aides en cuisine. Sinon, je dirais qu’il y a beaucoup de bénévoles aussi. J’aurais le goût de dire que c’est quasiment un métier. Vous en faites du bénévolat, donc vous savez que c’est demandant. Mais c’est tellement un beau milieu de travail ici que ça en est intéressant.
Quelles sont les valeurs de votre entreprise ?
En fait, chez ORAPÉ, on a plusieurs valeurs différentes, mais je te dirais que la valeur majeure, c’est l’entraide d’abord et avant tout. L’entraide envers les gens, l’environnement et la communauté. On a aussi la valeur du respect qui est très importante pour nous. On côtoie une clientèle variée, c’est-à-dire que les gens qui viennent magasiner ici, c’est monsieur et madame Tout-le-Monde. Si vous avez le goût de magasiner ici, vous avez le droit. Il y a aussi les gens qui viennent pour nos services d’aide, à ce moment-là, il faut avoir un souci particulier pour ces gens-là. Donc, vraiment, l’équipe est sensibilisée au respect. Sinon, l’honnêteté, la responsabilité, la solidarité aussi. Et il y a aussi une valeur qui est super importante pour moi, c’est la transparence. Qu’est-ce que ça veut dire, la transparence ? C’est qu’on a rien à cacher. Quand on a des choses qu’on fait, des bonnes et des moins bonnes, on en parle. On essaie de trouver des solutions en lien avec ça quand ce sont des moins bonnes choses.
Quelles qualités de base recherchez-vous chez vos employés quand vous les embauchez ?
J’aurais le goût de dire que la principale qualité pour un employé qui vient travailler avec nous (parce que ORAPÉ, c’est quand même 19 employés, il y en a qui sont à temps partiel et d’autres à temps plein), c’est la bonne humeur d’abord et avant tout. Je pense que si on n’a pas de plaisir à travailler, à ce moment-là, ça vaut pas la peine de le faire. C’est la principale qualité qu’on recherche. Puis, sinon, évidemment les qualités de base, comme être assidu (être là, être présent quand on en a besoin), la ponctualité et le respect comme on en a parlé tout à l’heure, qui est une qualité super importante pour nous de la part de nos employés. J’aurais le goût de finir en disant qu’on l’oublie des fois, mais la polyvalence, c’est une super qualité qui est nécessaire, surtout ici. Quand tu viens travailler chez ORAPÉ, ce n’est pas comme venir travailler dans un milieu de travail où tu fais exactement la même chose à tous les jours comme sur une chaîne de montage. Si aujourd’hui on a besoin de toi dans le kit de chargement parce qu’il y a un gros arrivage, il faut que tu sois en mesure de venir donner un coup de main. Être polyvalent, c’est d’être capable de faire plusieurs choses en même temps.
Y a-t-il des réalisations ou des projets de votre entreprise dont vous êtes particulièrement fière ?
Ça fait 20 ans que je suis chez ORAPÉ, c’est la moitié de ma vie mine de rien. (rires) Mais le développement d’ORAPÉ en général me rend hyper fière. Quand je suis arrivée chez ORAPÉ, on était 3 employés. On était situé au centre-ville de Plessisville aussi et on est passés au feu en 2007. Ce qu’il faut savoir, c’est que quand il y a un nouveau service qui se met en place chez ORAPÉ, c’est toujours parce que les gens ont émis un besoin. Ce sont des gens à faible revenu qui viennent chercher de l’aide. Au début, ORAPÉ, c’était juste de la distribution alimentaire, puis au fil du temps, les gens ont dit : « Si je n’ai pas de poêle, si j’ai pas de frigidaire, je fais quoi ? Si je ne sais pas comment faire à manger, je fais quoi ? » Tous les services ont commencé tranquillement comme ça. Sinon, c’est sûr que toute la reconnaissance que ORAPÉ a été capable d’aller chercher au fil du temps, que ce soit auprès de la population ou des décideurs publics (les députés, par exemple), c’est quelque chose de super important. Puis sinon, c’est sûr qu’il y a toujours une super fierté quand on réussit à se démarquer. Par exemple la dernière fois, c’était l’obtention du Prix Développement durable au concours Gala Nova. On est hyper fiers de ça. Je dirais que c’est une reconnaissance à tous les jours.
Selon vous, quels sont les avantages à travailler en région ?
Le principal avantage, c’est qu’il n’y a pas de trafic. (rires) En fait, travailler en région, j’aurais le goût de dire que ça n’aurait pas pu être autrement pour moi. Je suis allée à l’école à Sherbrooke, j’ai tenté les grandes villes et tout ça, mais je dirais que le fait de travailler en région, ça permet de faire partie de sa communauté. C’est peut-être moins facile, quand on est dans les grandes villes, de faire partie de projets au-delà de son travail. Les gens qui viennent magasiner ici assez régulièrement, on est presque capables de les appeler par leur nom. Quand on travaille en région, c’est plus facile de développer son réseau. Je dirais que c’est ça, les avantages. Puis évidemment, de partir du travail et d’être rendus chez vous en 5 minutes, ça aussi, c’est plaisant.
Comment se passe une journée de travail pour vous?
Il n’y a rien de pareil. J’aimerais pouvoir te dire que j’ai une journée type, mais je n’en ai pas. J’essaie de planifier ma journée, mais en fait, ça ne fonctionne pas. C’est-à-dire que souvent, je vais commencer par de la paperasse, puis finalement, je suis appelée à aller aider par exemple au déchargement, en cuisine ou sur le plancher. Je dirais que c’est un beau défi, travailler chez ORAPÉ, mais c’est tellement plaisant parce que c’est tout le temps différent.
Quelle est la partie de votre travail que vous préférez?
J’aurais le goût de dire que la partie de mon travail que j’aime le plus, qui me fait venir à tous les jours et qui m’aide à toujours avoir la flamme de travailler chez ORAPÉ, c’est les gens d’abord et avant tout. Côtoyer des gens qui ont des besoins, qui arrivent ici et qui sont mal pris. Au fil du temps, on apprend à les connaître et ils réussissent à s’en sortir et avoir de belles réalisations. Évidemment, j’aime voir les clients en magasin. Juste de rencontrer des gens comme vous autres, moi ça fait ma journée. C’est ça la partie préférée de mon travail.
Jusqu’où rêvez-vous d’amener votre entreprise ?
J’aurais le goût de dire que j’espère que quelqu’un d’autre après moi va l’amener ailleurs. Ça voudra dire que ORAPÉ aura réussi à continuer à se développer. La seule réponse que j’aurais à te donner, c’est que le développement se poursuive selon les besoins des gens et de la communauté.
Pour quelles raisons devrait-on travailler pour votre entreprise ?
Juste pour faire partie de quelque chose de plus grand que soi, j’aurais envie de dire. Ça fait peut‑être un peu prétentieux, mais je dis souvent que travailler pour ORAPÉ, c’est une mission en soi, une vocation en quelque sorte. Voir quelque chose se développer et avoir la possibilité de faire partie de quelque chose, c’est pas mal la raison pour laquelle on devrait travailler chez nous. Puis sinon, parce qu’on travaille pour l’environnement et les gens et qu’on a beaucoup de plaisir à le faire.
Qu’est-ce qui vous inspire dans la vie ?
Beaucoup de choses et je pourrais vous en parler pendant 1 heure, mais je pense que vous n’avez pas le temps. (rires) En fait, ce qui m’inspire dans la vie, c’est les petits gestes au quotidien que les gens peuvent faire. Vous regardez probablement des TikTok et compagnie, mais des fois on voit des belles patentes, du genre quelqu’un qui va donner un coup de main à quelqu’un qui est tombé ou qui a échappé quelque chose. Des petits gestes comme ça. Ça n’a pas besoin d’être hyper flamboyant. Vraiment quelqu’un qui a la main tendue et qui aide son prochain, je dirais que c’est ça qui m’inspire dans la vie. Sinon, étant une femme, je dirais que toutes les femmes qui ont réussi à se démarquer dans la vie m’inspirent beaucoup aussi. Ici, au Québec, ça peut paraître un peu drôle, mais Monique Leroux, qui était la présidente-directrice générale de Desjardins, a été la première femme à occuper ce poste-là et ça m’a inspiré beaucoup. Sinon, du côté des États-Unis, Michelle Obama m’inspire beaucoup de par la prestance qu’elle a et la femme qu’elle est. Et puis, on ne se le cachera pas, étant une femme d’une autre culture qui a réussi à faire ce qu’elle fait, c’est vraiment hyper inspirant.
Pour vous, la persévérance scolaire, c’est quoi ?
La persévérance scolaire, pour moi, en fait, c’est de garder l’objectif de l’atteinte de son diplôme malgré les difficultés académiques. On sait que ce n’est pas toujours facile d’y arriver. Pour certains, c’est plus facile, pour d’autres, c’est plus difficile. Mais j’aurais le goût de dire que c’est de se surpasser selon ses capacités pour finalement atteindre son objectif final ultime.
Quel message voulez-vous lancer aux jeunes de notre région ?
Le message que j’ai le goût de lancer aux jeunes de la région, c’est de se faire confiance, d’oser et de rêver. En fait, j’aurais aimé ça pouvoir dire à la petite Valérie de 12, 13, 14 ans de se faire confiance et d’oser dans la vie, qu’elle va voir que tout va bien aller. Je pense que j’ai le goût de transmettre le même message. Osez rêver. Faites-vous confiance.
Que pensez-vous des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité ?
Vous êtes tellement une belle richesse et vous en avez pas conscience. En fait, vous êtes les citoyens et citoyennes de demain ! Le fait de vous impliquer bénévolement, ça démontre que vous avez de l’intérêt envers votre communauté et je pense que quelque part, c’est ça qui est important. La communauté, ça le dit, ce n’est pas un individu, c’est une communauté. Donc, je pense que s’impliquer bénévolement, ça démontre qu’on a envie de faire plus quand on va être rendu éventuellement sur le marché du travail et à l’âge adulte.
Quelle importance doit-on accorder à l’activité physique?
J’ai le goût de vous dire que je suis plus dans le mode sédentaire, c’est-à-dire que je ne suis pas quelqu’un de très sportif dans la vie. Je voudrais en faire plus, mais je dirais que le sport que j’ai choisi, si on peut appeler ça un sport, c’est la marche tout simplement. Ça me permet de me ventiler. Je fais ça le matin très tôt. À cinq heures et quart, je suis sur la route à faire ma petite marche. Ça me permet de partir ma journée, de ventiler mes idées, juste faire le vide et prendre le temps de contempler le lever du soleil et d’écouter les oiseaux. Tantôt, tu me demandais ce qui m’inspirait, tout ça m’inspire pour partir ma journée et me dire : « OK, on charge ».
Que pensez-vous de la relation entre les jeunes et la cigarette et/ou la vapoteuse ?
En fait, je ne fume pas et j’ai jamais fumé. C’est sûr que je considère que c’est une relation qui est malsaine à la base. J’aurais le goût de vous dire de prendre votre argent pour faire autre chose, quelque chose pour vous autres et qui va perdurer dans le temps. Parce qu’on s’entend que la cigarette, c’est sur le moment et après ça, tu n’as plus rien qui reste à toi. J’aurais aimé ça que dans la vie, ça n’existe pas, mais bon, c’est comme ça. Je suis un peu radicale, mais voilà.
Quels sont les impacts positifs de la légalisation du cannabis et les effets négatifs de la légalisation de cette substance ?
En fait, pour cette question-là, j’ai fait un peu de recherche parce que c’est sûr qu’il y a 2 côtés à la médaille. C’est positif parce qu’à tout le moins, maintenant, ceux qui s’en procurent dans les SQDC savent exactement ce qu’ils vont consommer. Alors que dans la rue, on le sait pas trop, ça a pu avoir été mixé avec d’autres choses. Donc, au moins, ils savent ce qu’il y a dedans à la SQDC, ça peut être un aspect positif. Compte tenu que c’est légal, je présume aussi que le système de justice est peut-être un peu moins engorgé. Les gens qui avaient été inculpés pour possession ou peu importe ne sont plus dans le système judiciaire. Donc, les personnes qui les défendaient ont probablement le temps de passer à autre chose, peut-être à des causes sur lesquelles ils ne faisaient que passer rapidement autrefois. Sinon, parmi les effets négatifs de la légalisation, c’est que les jeunes peuvent y avoir plus facilement accès. Comme l’alcool, le fait que ce soit légal, j’imagine qu’il y en a qui conduisent sous l’effet du cannabis et ça fait partie des effets négatifs. On ne se le cachera pas, ça les rend dangereux et pour eux et pour les gens autour. On conduit souvent pour les autres, alors si on n’est pas en mesure de conduire de façon adéquate, on peut se blesser et blesser les autres. Je pense que ce n’est pas nécessairement positif.