Entrevue avec Martin Lajeunesse, propriétaire d’AG Gestion Financière, réalisée par Leïla Quirion, Shanny Croteau et Tifanye Carrier des Comités 12-18 de St-Valère, St-Rémi-de-Tingwick et Lyster.
Décrivez-nous votre entreprise.
C’est un cabinet de services financiers dédiés dans l’assurance de personnes principalement et aussi en placements dans les secteurs. Il faut juste différencier que dans le terme assurance, il y a l’assurance de dommages (pour votre auto, maison, responsabilités) qui n’est pas mon secteur. Moi, je couvre tout ce qui est relatif à la personne en tant que telle (assurance-vie, assurance-salaire, assurance-médicaments, assurances-voyage). C’est très différent comme domaine d’intervention. Je connais l’automobile, mais pour assurer mes autos, c’est carrément un autre monde.
Pour faire une histoire courte, les services financiers se sont évolués depuis je te dirais 1992. Il y a une loi qui a été passée au Canada que les institutions financières (caisses ou banques) ont eu le droit de vendre de l’assurance de personne. Par contre, en contrepartie, nous, on a eu le droit de vendre tous les produits bancaires. Donc je fais autant de l’hypothèque, comptes d’épargne, comptes chèques, marges de crédit… En fait, je peux être un conseiller bancaire au même titre qu’un conseiller d’assurances en même temps. C’est ça qui est l’enveloppe du type d’entreprise dans laquelle j’évolue, qui est d’environ 12 000 représentants dans le même secteur que moi au Québec. Il y a beaucoup de relève à y avoir, car la clientèle est vieillissante. Il y a au moins 5000 représentants à remplacer à très court terme, disons en dedans de 5 ans. Beaucoup de monde à remplacer, c’est semblable à d’autres secteurs. Je ne sais pas où on va les prendre. (rires)
C’est à peu près ça, vite de même. C’est du conseil financier avec une fonction conseil. Je dis tout le temps à mes clients : « Peu importe la question que vous avez, emmenez-moi-la et si je n’ai pas la réponse, je vais vous la trouver. Mais avant de prendre une décision majeure, ça ne vous coûte rien de me passer un coup de fil, je vais vous guider à travers la décision que vous avez à prendre. » Avec les années d’expérience, on en sait beaucoup. Même si on ne sait pas tout, on peut aider. J’ai une formation de comptabilité à l’université (administration et sciences comptables). Techniquement, je m’enlignais pour être un comptable, mais je n’ai jamais finalement travaillé dans un bureau comptable. J’ai fait beaucoup d’administration, par contre, il y a plusieurs années, mais ça fait depuis 1984 que je suis dans le secteur financier et dans le type d’entreprise dans laquelle je suis aujourd’hui.
Quels types de métiers peut-on retrouver dans votre entreprise ?
En fait, ici, on fait un peu de tout, par exemple il y a de l’administration, donc normalement une personne dédiée à la comptabilité, l’administration générale, c’est l’un des métiers qu’on retrouve. Au niveau de la vente, moi je fais la vente, la représentation avec la clientèle, les conseils, etc. Et puis, Marilou, vous l’avez vue, elle est adjointe administrative, donc l’aspect clérical, réponses téléphoniques… On n’a pas le choix d’avoir ces trois emplois-là : comptabilité, administration et domaine de la vente.
Par contre, tout ce qui est lié au domaine de la vente, ça a l’obligation d’être régi par l’Autorité des marchés financiers (AMF), donc il faut obtenir un permis, passer des examens, et puis il y a différents types qui peuvent être émis en terme de certificats. Il y a entre autres les planificateurs financiers, que j’aurais pu obtenir, mais finalement j’ai pratiquement la même formation mais sans avoir le titre. Ça m’empêche pas de travailler pareil, mais quand vous entendez le terme « planificateur financier », ce n’est pas tout le monde qui a son titre de planificateur financier. (Intervention d’une femme : Petite parenthèse, pour avoir un permis de l’Autorité des marchés, il ne faut pas de dossier criminel, sinon on est expulsé.) Oui, il faut être blanc comme neige partout, car tout est scruté par l’Autorité des marchés. Tu ne peux pas avoir eu des écarts et c’est correct, parce qu’ils protègent le public. L’Autorité, elle est là pour protéger le public en premier lieu.
Il y a un autre organisme qui est la Chambre de la sécurité financière, qu’on fait partie aussi. Eux, c’est plus pour l’aspect formation. On a l’abréviation UFC (Unité de Formation Continue), comme moi j’ai 40 unités de formation obligatoire basées sur une période de 2 ans. Une unité équivaut à peu près à une heure de cours, grosso modo, mais si tu n’as pas tes unités de cours, ils ne te renouvellent pas ton permis. Ça touche la majorité de tous les secteurs pour lesquels on a des permis de distribution. Donc, plus tu as de permis, plus tu vas avoir d’UFC. Ça fait le tour des métiers de ce secteur.
Certains gros cabinets vont avoir des personnes dédiées seulement à l’investissement et d’autres seulement dédiées à l’assurance. Dans l’assurance, il y en a qui vont faire l’assurance-vie, un autre va faire l’assurance collective. L’assurance collective, c’est lorsque par exemple chez un employeur, il y a… Je ne sais pas, cinquante employés, mais on couvre l’assurance-salaire, l’assurance-vie et l’assurance-médicaments dans un régime qu’on appelle « collectif », parce que c’est souscrit par l’employeur, mais offert à tous les salariés dans l’entreprise. C’est un permis séparé aussi pour l’assurance collective, il y a beaucoup moins de permis en collectif qu’en assurance-vie. Les 12 000 représentants dont je parlais, c’est l’assurance-vie et là-dedans, je te dirais peut-être 2000 ou 3000 ont le collectif, mais les autres ne l’ont pas. Ce sont tous des cours supplémentaires.
Quelles sont les valeurs de votre entreprise ?
Les valeurs, comme disait Julie tantôt, il faut avoir… Comment je dirais ça ? C’est sûr que l’honnêteté en premier lieu, c’est la base. Tu dois être respectueux de l’argent que les clients te confient. Mais le conseil que t’apportes aux clients se fait toujours par ce qu’on appelle l’analyse des besoins (une cueillette de données). Plus j’en connais sur les clients que j’ai à conseiller, mieux va être la pertinence du conseil que j’apporterai. Pour ça, il faut vraiment faire une analyse et discuter avec les gens.
Je comprends que vous pouvez acheter de l’assurance sur Internet. Par contre, jusqu’à quel point le service ou le conseil est complet ? Tu parles avec une machine, tu rentres ta date de naissance, ton statut fumeur ou non-fumeur, tu dis que tu veux 1000 $. Oui, tu vas en avoir, une assurance. Mais c’est peut-être de 2000 $ ou 3000 $ dont t’avais besoin. La machine, elle ne sera pas là peut‑être pour te dire de combien t’as besoin exactement. Ça s’améliore un peu, l’espèce d’intelligence artificielle, mais en tout cas, moi je suis encore du point de vue qu’il faut avoir une intervention humaine, plus particulière avec la clientèle. C’est là que l’expérience entre en ligne de compte. C’est sûr que les nouveaux représentants ont à apprendre ça.
Les valeurs, c’est une chose, les aptitudes… Il faut que tu sois empathique, que tu ailles chercher le fond de la pensée de tes clients. Souvent, je connais des familles, à partir de ce que les parents m’ont dit, j’en connais plus que leurs propres enfants, parce que moi je suis au courant. Je leur pose la question : « As-tu un testament ? » ou « C’est quoi tes volontés en cas de décès ? » Moi, je voudrais ci, moi je voudrais ça. Souvent, les gens nous confient quasiment leurs secrets qu’ils ne vont pas dire à d’autres. Mais ça, pour aller le chercher, c’est la confiance qu’il faut qui s’installe. Ce n’est pas dans une conversation de 2 minutes au téléphone que tu vas régler ça. Ça va se régler selon moi plus facilement face to face.
À partir de là, tes valeurs… Je dis tout le temps à la blague que je ne vendrais pas un produit que j’achèterais pas. Donc, à quelque part, je suis très, très rigoureux dans ma recherche de produits. Sans dénigrer la compétition, ce produit-là, à valeur égale ou à prix égal, celui-là est bien meilleur que lui et voici les raisons pour lesquelles je te dis ça. J’appuie toujours mes recommandations face à ça. Moi, j’entre ça dans l’honnêteté, mais je ne sais pas si vous avez un meilleur mot pour ça. C’est ancré en moi, ce réflexe-là de dire si c’est bon pour moi, c’est bon pour eux. Si je ne l’achèterais pas, je ne le vendrais pas. C’est tout à fait normal.
Vous avez déjà en partie répondu à la question, mais je me demandais si vous aviez d’autres choses à rajouter : quelles qualités de base recherchez-vous chez vos employés lorsque vous les embauchez ?
Mon slogan, ici, pour tout le monde qui a travaillé chez nous, c’est « plaisir et affaires font équipe ». Si t’as pas de plaisir dans le travail que tu fais, viens pas chez nous, parce que tu ne « fitteras » pas dans l’équipe. J’ai l’impression que quand je m’en viens travailler, je ne m’en viens pas à reculons. Je dis « travailler », mais je ne le vois pas comme un travail en tant que tel. C’est sûr qu’à un moment donné, la charge nous pousse tout le temps et on dirait que le tas d’ouvrage est toujours en augmentant, mais c’est pas comme un labeur ou quelque chose pour lequel je fais ça à reculons. Tu peux pas être une patte dedans et une patte à côté. Il faut que tu sois 100 % impliqué dans ton travail et dans tes activités.
L’implication, la prestance, la ponctualité… Tu donnes un rendez-vous à un client, tu lui dis : « Je vais être chez vous à 6 h 30 », eh bien arrive pas à 7 h. Je vais être là quelques minutes avant, je vais être présent à l’heure que j’ai dit que je me présenterais. Si je suis pour être en retard pour des raisons que je connaissais pas, je vais l’aviser. « Excusez-moi, je vais avoir quelques minutes de retard. » La ponctualité, c’est l’une des choses importantes.
La gentillesse. Quand Marylou, elle répond au téléphone, c’est la porte d’entrée chez nous. Si le client appelle et quelqu’un a un air bête au téléphone, oublie ça. Ça donne pas une belle visibilité à l’entreprise. Je suis content des fois d’entendre des clients me dire « J’ai parlé à Marylou, elle est « smatte ». Ça fait partie de mon slogan de dire que si ça te fait plaisir de travailler chez nous, tu y vas avec agrément, eh bien ça se transmet à la clientèle.
Pour le reste, s’éduquer, apprendre de nouvelles choses. L’un des points importants, ce qui est constant dans notre domaine, c’est le changement. Ça change constamment, il faut que tu te gardes à jour tout le temps. Ça touche tous les aspects financiers. Quand on parle d’aspects financiers, on parle des placements, mais on parle aussi de la fiscalité. Les clients parlent de leurs rapports d’impôts, les entreprises me présentent leur état financier, donc je dois toujours être à la page de savoir ce qui se passe. Il y a une nouvelle que le gouvernement sort un nouveau budget, le client appelle : « Qu’est-ce qu’ils ont dit, là ? Ils vont rajouter une taxe et vont nous donner un 400 $, c’est quoi cette affaire-là ? C’est quoi les conditions ? » Je ne peux pas être là à dire : « J’étais pas au courant ». Non, il faut que je sois au courant. Donc, je dois constamment rester à l’affût de tout ce qui se distribue comme nouvelles économiques ou gouvernementales pour pouvoir répondre aux clients. C’est pour ça que je dis que c’est pas routinier, dans le sens qu’il faut tout le temps, par contre, se garder à jour. Si je suis en dehors de l’information, ne serait‑ce que quelques mois, je suis rendu un dinosaure, je suis plus up to date. En placements, mon ordinateur est ouvert sur les marchés boursiers à journée longue. Je jette un coup d’œil, est-ce à la hausse ou est-ce à la baisse ? Il faut que j’aie une idée. Le client m’appelle : « Les marchés baissent. » Eh bien c’est à cause de ça, c’est à cause de ça. « Est-ce que ça va se placer ? » Je pense que oui pour telle raison. Il faut toujours être à l’avant du client pour pouvoir répondre à ses questions. C’est exigeant, ça demande une exigence d’apprendre et de se réinventer quasiment régulièrement. Les qualités, ça en est quelques-unes, sans être ultra précis.
Y a-t-il des réalisations ou des projets de votre entreprise dont vous êtes particulièrement fier ?
En ’84, quand j’ai débuté, j’ai commencé à zéro, zéro, zéro. Aucun client. Donc il faut acquérir, rechercher, convaincre quelqu’un. À l’époque, on appelait ça en anglais des cold call : décrocher le téléphone, quasiment prendre l’annuaire téléphonique et appeler. « Bonsoir, monsieur Cayer, mon nom est Martin Lajeunesse, je suis conseiller, j’aimerais vous rencontrer. » Et on me répond : « Je te connais pas, t’es un autre vendeur d’assurances. » T’as un paquet d’objections que les gens qui te connaissent pas vont t’amener, alors il faut qu’à un moment donné tu réussisses à te faire une carapace, un genre de speech pour les convaincre de te donner un rendez-vous. Il faut que tu te vendes. C’est la qualité première, savoir se vendre, parce que les gens qui rentrent dans l’industrie, sur 5 représentants que j’engagerais aujourd’hui, en dedans d’un an, il va en rester un. Les quatre autres vont avoir déclaré forfait. Pourquoi ? Pas capables de rencontrer du monde. Je vends à qui si je rencontre pas de monde ? Je vends rien. Oui, le « walk-in », je suis dans le secteur centre‑ville, il passe du monde constamment, mais ça ne fait pas la file devant mon bureau. Si j’attends après le monde, oubliez ça, je vais avoir fermé. C’est pas ça, il faut recruter, donc ça c’en est une des qualités nécessaires : être capable de recruter et d’approcher du monde. C’est toute la relation humaine qui rentre en cause. On est des psychologues, des vendeurs. On joue avec les émotions des clients, eux autres nous amènent des émotions. Il arrive un décès, la première personne qu’ils appellent, c’est moi. Je dis toujours à la blague à mes clients : « Le seul qui va amener un chèque, c’est moi, les autres m’ont tous amené des factures. » Ton salon funéraire va te charger, l’impôt va te collecter, tout le monde t’amène des factures. Moi, j’amène le chèque. » Et c’est moi qui ai de la misère à rentrer dans la maison. (rires)
C’est un peu ironique, parce qu’on a déjà eu une mauvaise presse. Il fut un temps où les représentants, c’était : t’arrivais quelque part, quelqu’un te rencontrait et te disait : « Ah, toi tu peux faire de l’assurance ? » Il te donnait une valise, puis go. Moi je les appelle à la blague un peu mes derrières de plomb, parce qu’ils cognent à toutes les portes et comme on dit, ils se font donner des coups de pied dans le derrière, parce qu’ils veulent rien savoir de toi. C’est tough. Moi, personnellement, je l’aurais pas fait. C’est vraiment la partie dure pour eux autres. Le training, ça dit : « Fais les rues, fais les portes. » Oh boy. Ça devrait être théoriquement révolu en 2022, mais ça existe encore. Mais mosus que c’est la partie pas facile. S’ils ont fait ça et s’ils ont « toughé », c’est vraiment des colosses. (rires)
Tout ça pour dire que le degré de réussite de maintien est très, très bas. Donc, très difficile. Alors, quand tu me parles de réalisation, moi ça a été de partir à zéro. Ça a été quoi ? Un, j’ai fait le tour des gens que je connaissais, mais ça, ça a une limite. T’as un cercle de connaissances X, là il faut que tu demandes des recommandations. Si t’as pas de recommandations, la semaine prochaine, tu la remplis avec qui comme prospects ? Ça me prend tout le temps une source d’approvisionnement de noms pour pouvoir aller rencontrer des gens. Donc ça, c’est important, de demander des recommandations. Mais moi, je voulais aller encore plus vite que ça.
Ce que j’ai fait ? Des acquisitions. Comme je le disais tantôt, il y a plusieurs personnes qui vont prendre leur retraite, alors tout de suite dans l’année suivant mon début de carrière, j’ai fait l’acquisition d’un représentant qui connaissait le domaine mais qui avait déjà une clientèle de 1000 clients. Il a fallu que un, j’investisse, j’achète, je demande du financement, mais ça, ça m’a propulsé très, très rapidement, parce qu’au lieu d’avoir à chercher des clients, j’ouvrais le tiroir, j’avais 1000 dossiers. J’y suis allé rigoureusement, un par un, rencontrer un par un ces clients‑là. « Bonjour, je suis votre nouveau représentant, Monsieur Untel. J’ai fait l’acquisition du bureau de votre représentant et je voudrais vous rencontrer, pour qu’on se connaisse. » Ç’a été un tremplin énorme quand j’ai acheté cette première clientèle-là. Mon niveau de vente a monté considérablement.
Au final, aujourd’hui, j’ai fait 19 acquisitions de bureaux et j’ai 600 500 clients alors que je suis parti de zéro. J’ai monté à 8000, j’en ai revendu, mais présentement, on est dans ce range-là. Pour vous dire, la moyenne des représentants font leur carrière à peu près entre 300 à 400 clients. Sans me vanter, je peux me qualifier que je suis l’un des gros cabinets dans la région. Ma clientèle est répartie à travers la province : 1000 clients dans la région de la Beauce et Thetford Mines, 300 à 400 clients dans la région de Montréal, surtout dans le nord de Montréal, et pour ceux pour qui ça peut dire de quoi, à partir de Repentigny, j’ai des clients à toutes les sorties de l’autoroute 640, même de la 15 jusqu’à Saint-Jérôme. J’ai acheté un bureau à Trois-Rivières qui avait 600 clients. J’ai le bassin local du Centre-du-Québec, principalement Victoriaville, Princeville, Plessisville et Davelyuville. (Intervention d’une femme : Il y a eu aussi plusieurs prix Hommage.)
Je suis courtier indépendant, je ne suis employé par aucune compagnie, je suis mon propre entrepreneur, mon propre propriétaire. Mais je signe des ententes de distribution avec 24 compagnies différentes. C’est une relation d’affaires. L’un de mes gros joueurs, aujourd’hui, s’appelle la Canada Vie. Quand j’ai débuté, le premier gros contrat que j’ai eu, c’était Great West Life, une compagnie qui date des années 1800, une très vieille compagnie. J’ai été pendant plusieurs années dans les dix premiers représentants au Canada. J’ai une plaque entre autres sur laquelle il y a 25 petites plaques pour les 25 années consécutives. Après ça, ils n’en ont plus donné, je suis membre à vie. (rires) Pour atteindre ce statut-là, qu’ils appelaient le conseil présidentiel, il fallait que tu fasses 400 % des normes minimales qu’eux autres demandaient d’un représentant. Pendant plusieurs années, ça m’a permis d’être membre de ça avec plusieurs avantages, dans le sens que j’ai participé pendant 6 ans de temps au comité consultatif canadien des représentants. Ça, ça veut dire qu’une semaine par année, on s’assoit avec les dirigeants de la compagnie Great West pour discuter. Eux nous présentent leurs objectifs, qu’est-ce qu’ils veulent faire et nous, à la base, on dit dans tel domaine, il nous manque ça, il faudrait qu’on ait tel produit. Donc, c’est vraiment un échange avec la haute direction pour les orientations que la compagnie va prendre. C’est vraiment un beau mandat. C’est un représentant par province, j’étais donc le représentant du Québec à ce comité-là. Ça m’a permis de connaître à 100 % la haute direction et de rencontrer des gens de partout au Canada. Des confrères de Vancouver, Calgary, Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve. J’ai des connaissances partout et j’ai voyagé partout au Canada, de A à Z. On a eu des congrès d’Halifax jusqu’à Victoria. Juste pour vous donner une idée, je suis allé au moins 15 fois à Calgary. L’Ouest canadien, j’ai tout voyagé ça.
Ça, c’est un aspect parallèle à la carrière qui m’a permis de voyager en même temps que j’allais pour des congrès. Mais un congrès de formation, juste pour vous donner une idée, si le congrès est à Victoria, pour 3 jours de congrès, c’est au moins 5000 $ de dépenses. Il faut que t’investisses dans ton perfectionnement, tout le temps. Il y a des coûts à ça, mais t’as pas le choix, il faut se garder à jour, rencontrer les gestionnaires, voir les gens qui gèrent les placements dans lesquels on place. Ça me prend cette information-là, c’est le cœur du travail que je fais.
Il y a donc eu plusieurs réalisations, oui, que je peux être fier. L’aspect humain a toujours été la base de ça, parce que les confrères que j’ai rencontrés de partout au Canada, c’est des échanges, on est dans le même secteur, mais il y avait beaucoup de partage d’informations, de comment toi t’as fait ça dans ton bureau, comment t’as développé telle affaire, comment ça se passe au Québec alors que nous autres en Ontario, on a tel ou tel défi, etc. Ça amène beaucoup, beaucoup de développement personnel, je dirais, de ce côté-là.
Selon vous, quels sont les avantages de travailler en région ?
Comme je l’ai dit, je travaille un peu partout, même si je suis majoritairement en région. Je dirais que le contact est plus facile en région que dans les grands centres. C’est sûr que si j’étais à Montréal, si j’étais né et aurais vécu là, peut-être que je serais plus habitué, mais c’est sûrement plus compliqué. Beaucoup plus de compétition aussi, plus difficile, beaucoup plus d’ethnies. J’ai rien contre, mais c’est un autre monde. Je suis québécois d’origine, né à Victoriaville, je demeure ici, donc c’est sûr que la région, je trouve ça plus simple de ce côté-là. L’approche va être plus familiale, c’est peut-être plus facile d’approcher les gens. C’est ma façon de voir les choses.
Il reste que j’ai des confrères qui sont dans les grands centres qui réalisent des chiffres d’affaires extraordinaires. C’est sûr que des clients pour des primes d’un million, c’est pas à tous les jours que j’en ai. J’en ai, mais juste pour vous donner une idée, un confrère qui est à Montréal vend 60 contrats environ par année et il n’y a aucun de ces contrats-là qui est en bas d’un million de primes. Ça, ça veut dire qu’à chaque année, le client fait un chèque d’un million pour payer son assurance. Ça vous donne une idée, plusieurs millions d’assurance, mais le dépôt annuel, c’est 1 million. Moi, à date, en carrière, la plus grosse que j’ai vendue, c’est 484 000 $ de prime annuelle. J’ai vendu il y a 6 ou 7 ans un 200 000 $ de prime annuelle pour 4 millions d’assurance que j’ai payés d’ailleurs l’an passé. Ça a probablement été l’un des placements les plus rentables de ce client d’avoir acheté cette assurance-là, même à 200 000 par année. Mais la première présentation que je lui avais faite, c’était 500 000 $ de prime. Là, il a un peu reculé sur sa chaise, pas qu’il n’avait pas les moyens, mais disons qu’on va commencer avec un 200 000. (rires)
Mais c’est quand tu apportes ce genre de contrat-là, ça fait partie d’une planification souvent successorale qu’on transfère l’actif d’une génération à l’autre. Ton père est immensément riche, mais à son décès, il y a beaucoup d’impôts à payer et après ça, l’argent qui reste te revient. Moi, je dis souvent aux gens : « Regarde, il y a 2 façons. Est-ce que l’impôt que tu as à payer au gouvernement, t’aimerais mieux la donner à tes enfants ? » La réponse, je la sais, normalement c’est oui. « Astheure, si je te trouve un moyen de faire ça sans que ça te coûte trop cher, t’es-tu intéressé ? » S’il me dit oui, je vais amener une approche d’assurance qui fait en sorte que l’assurance va payer l’impôt et l’ensemble de l’actif va s’en aller à ses héritiers. C’est tous des conseils fiscaux, mais c’est pour ça que je disais qu’au départ, la fiscalité est importante, comme de connaître toutes les approches fiscales pour économiser de l’impôt. C’est là qu’on réussit à souscrire des gros dossiers.
Mais en dehors de ça, c’est sûr que le marché familial (Papa, Maman, enfants), oui ça fait partie d’une base de la business. Mais quand tu veux courir après des gros dossiers, il faut que tu te diriges du côté commercial, où souvent les entrepreneurs ont déjà des grosses entreprises. Il faut pas que tu sois trop impressionné et il faut que tu sois assez formé pour les approcher et dire : « Ton comptable t’a parlé de ça ? Et ton fiscaliste ? » Il faut que t’ouvres des portes, comme on dit. (rires) Ça prend des livres, c’est comme aller à la pêche, si t’as pas de ligne à pêche, ça ira pas bien.
Comment se passe une journée de travail pour vous ?
C’est très varié. Un, répondre aux services à la clientèle. Le nombre d’appels qu’on peut recevoir par jour, c’est l’un des aspects. Marylou répond, mais comme elle n’a pas de permis, elle n’a pas le droit de donner de conseils. Elle peut juste donner de l’information par rapport à ce que le client détient déjà, mais elle n’a aucun droit de donner des conseils. Donc, il faut qu’elle me réfère le dossier. Si je suis disponible, je vais prendre l’appel et à partir de là, je vais déterminer si c’est déjà un client. Si je n’ai pas besoin d’ouvrir un nouveau contrat et que je travaille déjà sur quelque chose d’existant, je vais lui donner des conseils et on va régler le dossier en tant que tel. Mais souvent, j’ai un appel ou même aujourd’hui, des courriels. J’ai une cliente tantôt, elle m’envoie un courriel en me disant qu’elle s’excuse, qu’elle n’a pas eu le temps de m’appeler, elle a un 100 000 $ à placer, elle veut que je m’occupe de ça. Son dossier est déjà ouvert, je n’ai pas besoin de faire toute la paperasse pour ouvrir un nouveau dossier, mais je vais m’occuper d’investir son placement qu’elle veut faire.
Dans une journée de travail, il y a de la préparation de dossiers, parce que si je sais que demain j’ai 2 rendez-vous, il faut que je sois préparé avant ma rencontre. Je vais ressortir et mettre à jour la valeur des contrats, les montants d’assurance, les valeurs des placements, puis quand j’arrive à ma rencontre, je suis déjà tout préparé pour donner l’information au client . Est-ce qu’il a besoin de souscrire à un REER ? Est-ce qu’il a besoin de souscrire à du CELI ? Je vais arriver déjà « mindé » chez mon client, peu importe ce qu’il va me poser comme questions. J’ai tout son dossier et j’ai déjà entrepris la prochaine étape de lui offrir quelque chose. « Tu te rappelles, on a parlé de telle affaire, finalement t’avais pas souscrit ça, veux-tu en entendre parler ? » T’as toujours ta carte de vendeur un peu à quelque part, dans ta poche. C’est ça, ta business : recommander et vendre les produits.
Et puis, vient tout le côté administration. L’administration, malheureusement, nous gruge beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps. L’administration, ce sont des renouvellements de placements, des renouvellements d’assurances, tout ce qui est légal. L’ANF, le renouvellement des permis et celui des assurances responsabilité, parce qu’on doit se couvrir en cas de poursuite d’une assurance. Produire des paies, ça c’est dans l’aspect comptable. Payer les factures. Les téléphones. Renouveler les abonnements de cellulaire, de téléphone, de qui va ouvrir la cour l’hiver. Il y a tout le temps, tout le temps de l’administration. J’ai des factures qui arrivent sur mon bureau à chaque jour. (rires) Il faut tout le temps régler un paquet de choses. Ça gruge du temps dans le quotidien et le peu de temps qui me reste, il faut que je me concentre et que je me dise « OK, là il faut que je monte un dossier, mais si j’ai quelqu’un à rencontrer, comment je vais l’approcher ? » Souvent, j’ai déjà fait au préalable une cueillette de données suite à ce qu’ils m’ont donné. J’analyse ça, je me fais une idée sur la meilleure offre de conseil que je peux lui faire. Après ça, je suis prêt à le rencontrer.
C’est très varié. Des fois, tu le sais pas. Il y a des journées, je commence et je me dis : « Je vais faire ça aujourd’hui » et finalement à la fin de la journée, j’ai pas eu trop, trop le temps de le faire, parce qu’il y a eu 3 clients qui se sont présentés et qui n’ont pas pris rendez-vous. Tu les laisses pas sur le carreau, si je suis capable de les prendre, je les prends. Mais pendant ce temps-là, je fais pas mon travail que je pensais faire. Il faut jamais, à quelque part, que ça paraisse, je suis toujours content de les voir. Ce que j’ai à faire, c’est là. Le client est là, c’est ma priorité, c’est de le servir. C’est ça qui va faire en sorte qu’un client va être fidèle, il va rester chez vous et même s’il est approché par la compétition, il se dit qu’il travaille avec Martin, c’est beau. C’est d’acquérir ça au fil du temps. J’ai un client qui aujourd’hui est décédé à 73 ans environ et quelques années avant, il me disait : « Une chose que je peux te dire, Martin, si on t’avait pas eu dans notre vie, on n’aurait pas la qualité de retraite qu’on a eue. Si on a tout ça, c’est en grande partie à cause de toi, avec ton aide. » Je le prends comme une fleur, je suis content, parce qu’on a eu assez de temps de relation d’affaires ensemble pour qu’il voit le résultat concret de mes conseils. Des fois, ils achètent du vent comme idée, parce que je leur dis qu’on « s’en va là ». Mais tant qu’ils ne l’ont pas réalisé, c’est pas évident. Je leur vends des conseils, mais c’est dans le temps qu’ils vont porter fruit. C’est très, très particulier comme domaine. Il n’y a pas un autre emploi qui va te donner le même aspect nécessairement. C’est ça qui est très spécial.
Quelle est la partie de votre travail que vous préférez?
C’est sûr que c’est la rencontre client. C’est là que tout ce que j’ai acquis comme connaissances va entrer en ligne de compte. L’aspect client, il peut m’amener sur plusieurs chemins. Ça m’amène à me dépasser, à trouver le bon conseil, etc. C’est le client qui me fait vivre, si j’ai pas de clients, je serais pas là. En même temps, c’est lui qui m’apporte la reconnaissance et l’objectif de l’aider. C’est pas mal l’aspect prioritaire, mais c’est aussi mon préféré, c’est sûr que c’est ça. Parce que faire de la paperasse, payer des factures… C’est pas le côté qui m’apporte une joie énorme… En tout cas, pas équivalente à l’autre. (rires) Avoir le sentiment de lui avoir servi, que le client, quand il quitte mon bureau, il est content. Ça, c’est la récompense.
Jusqu’où rêvez-vous d’amener votre entreprise ?
L’entreprise, je l’ai amenée où est-ce qu’elle est, en partant de rien. Là, je suis rendu à 60 ans, 40 ans presque de carrière. Ça fait un bon moment que je pense à la relève. Mais la relève, comme dans tous les métiers, les gens disponibles sont rares, très rares. J’ai eu une association que j’ai faite en 2016, j’avais un partenaire que j’avais avec moi depuis 2011 et qui est devenu actionnaire de mon entreprise en 2016. Par contre, je l’ai perdu en 2017. Il a été atteint d’un cancer et est décédé à 48 ans. Ça a été plate, parce que j’avais un planning avec lui, c’était lui qui prenait tranquillement ma relève. On avait un premier objectif de 5 ans, soit 2016-2021. Pendant 5 ans, il payait son acquisition de 40 % des parts à l’époque et normalement en 2021, je lui aurais revendu probablement la balance de l’entreprise. Peut-être que je serais resté avec lui pareil, mais pour moi, mon transfert d’entreprise aurait été fait.
L’objectif est encore là. Je vous cacherai pas que j’ai des pourparlers avec différents intervenants, mais là, en tout cas, il y a une vague présentement qui est en train de se faire où ce que je deviendrais régional. Dans le sens que mon bureau resterait tel quel, mais je rattacherais des représentants du Centre-du-Québec, Trois-Rivières, Drummondville, Sherbrooke et Victoriaville. Ce serait à peu près ça. À partir de là, il y a des actionnaires qui s’ajouteraient. On deviendrait un méga bureau régional avec plusieurs représentants, mais en allant chercher de la force du regroupement de tout ça. Moi, à travers ça, tranquillement pas vite, je céderais des parts du bureau pour avoir un bureau qui se continue. Parce que demain matin, je pourrais mettre une pancarte qui annonce que je suis à vendre, j’aurais des acheteurs, de même. Sauf que, à regret, eux prendraient mes affaires, emmèneraient ça dans leur bureau et mon cabinet viendrait de disparaître. Moi, ça fait 40 ans que je bâtis ça et mon objectif, c’est que ça se continue, même si je suis pas là.
Quand je me suis incorporé la première fois, j’ai appelé mon cabinet Assurances Martin Lajeunesse et au fil du temps, je l’ai changé aujourd’hui pour que ça s’appelle AG Gestion Financière. Pourquoi ? Parce que un, Assurances Martin, le monde voyait juste « assurances » et « Martin ». Les clients ont commencé à me poser la question : « Si tantôt t’es plus là, c’est qui qui est là pour nous servir ? » J’ai un cabinet, je vais avoir d’autres personnes. Mais les gens commencent à te poser la question, ils voient que tu rajeunis pas non plus. Alors, j’ai décidé de mettre AG, qui est le symbole de l’argent en chimie. Je n’étais pas pour mettre un signe de piastre sous gestion financière, mais en mettant AG comme ça, c’est le représentant de l’argent.
Car, qu’est-ce qu’on fait? On gère des placements, on gère de l’assurance. Tantôt, je disais que j’amène un chèque. Un chèque, ça se transforme en argent. C’est tout le temps de l’argent. On est tout le temps lié à quelque part à de l’argent. Je te vends une assurance salaire, tu tombes invalide, je t’amène de l’argent. T’es malade, t’as besoin d’argent pour payer tes médicaments ? C’est moi qui paie. C’est tout le temps lié à l’argent. Il n’y avait rien de mieux que le symbole de l’argent. C’est de là que ça vient. Pour la gestion financière, je fais quoi ? Je gère de la gestion, tout ce qui est financier. Ton hypothèque, tes assurances, tes placements, nomme-les toutes. On touche à tout. Et ça peut être n’importe qui en arrière ça, tu viens d’enlever un argument des clients qui disent que c’est plus juste Martin. Il faut après ça que j’en mette d’autres derrière, c’est ça le défi.
Avec ce que je vous parle, l’idée qui est en train de se faire, j’ai bon espoir qu’en 2023, on va arriver à ce genre de regroupements-là qui va faire un méga bureau Centre-du-Québec où on va être 7, 8 ou 10 représentants et qu’on va réunir nos forces. Je ne sais pas la clientèle, elle sera rendue à combien, mais je prends mes 600 500, je les mets dans le pot, si les autres amènent chacun 1000 clients, on va peut-être se ramasser à 15 000 clients pour un cabinet, avec plus qu’une adjointe évidemment et plusieurs représentants. Ce serait, je dirais, la prochaine étape de développement au niveau de l’entreprise qui germe tranquillement pas vite, mais qui se précise.
Pour quelles raisons devrait-on travailler pour votre entreprise ?
À peu près toutes les raisons déjà que j’ai dites. Marylou est une employée, mais les personnes aux ventes, je ne les considère pas comme des employés, mais comme des gens autonomes. Tout ce qu’ils viennent chercher ici, c’est les services d’adjoints, se partager de l’information et moi, partager mes connaissances avec eux. « Martin, j’ai un dossier, qu’est-ce que tu ferais, toi, dans ça ? » Je ferais telle ou telle affaire, donne-moi du jus et je vais te dire ce que moi, je recommanderais. Mais ça, si on est plusieurs à mettre notre expérience en commun, je pense qu’on va être très fort dans les recommandations qu’on va faire.
Pour travailler chez nous, comme je l’ai dit, « plaisir et affaires ». Je veux pas que personne travaille chez nous avec l’impression d’avoir un boss dans le dos et qui serre la vis tout le temps. C’est pas ma façon de voir les choses. Un, j’ai déjà essayé de travailler pour une institution financière et j’ai été pendant 2 ans à m’obstiner avec la direction, ça a pas d’allure, c’est pas de même qu’il faut que vous fassiez ça. Mais quand c’est une grande entreprise avec une banque en haut, tu fais ce qu’ils te disent et ton opinion… On en tient pas compte trop, trop. (rires) Cet aspect-là, quelqu’un qui vient travailler chez nous, oui, ça prend un peu d’autonomie pour qu’évidemment, il puisse lui-même travailler. Mais le fait qu’il y ait des collègues et d’autres personnes expérimentées, ça va aider. Il faut aider à partir des jeunes recrues pour pas avoir le défi aussi fort comme je disais tantôt de recruter eux-mêmes client par client. Si on a un bassin de X milliers de clients, c’est pas vrai que je suis capable physiquement de rencontrer 600 500 clients par année, c’est impossible. Oui, il y a une base active, mais je te dirais ma grosse base active, c’est peut-être 1000. Les autres, ce sont des clients à qui j’ai vendu de quoi il y a 10 ans et qui m’ont jamais redemandé quoi que ce soit. Mais si j’ai du monde, je pourrais leur dire : « Prends donc ce dossier-là, appelle donc Monsieur Untel ou Madame Untelle. Ça pourrait être le fun qu’on aille lui faire une visite. »
Mon associé qui est décédé, il est venu ici, je le connaissais pas. Il m’a appelé un matin : « Monsieur Lajeunesse ? Je voudrais vous rencontrer. Vous me connaissez pas, mais moi je vous connais pas mal plus que vous le pensez et je veux vous rencontrer. » La première chose qu’il m’a dit au restaurant, c’est : « Je suis dans le domaine de gestion de placements d’un million et plus depuis plusieurs années. Ce que je trouve remarquable chez vous, c’est qu’à chaque fois, je suis tombé sur l’un de tes clients, j’ai jamais été capable de rien faire. Toi, c’est pas compliqué, tu rentres chez un client, tu passes la gratte et tu fermes la porte, c’est fini. Ça, j’en reviens pas. J’ai jamais été capable de rien faire chez tes clients. Je trouve ça remarquable. C’est l’une des raisons pour laquelle je veux travailler avec toi, être associé et partager le même bureau. Deuxièmement, à chaque fois que je passe devant la porte, je me vois dans ton bureau. T’es au centre-ville, t’es bien placé, t’es bien installé, c’est très important pour moi. » C’était le fun d’entendre ça en même temps, ça fait partie des raisons pour travailler chez nous.
C’est presque illimité comme développement potentiel. Dans un travail qui est routinier, tu vas atteindre une espèce de routine qui fait en sorte que oui, tu fais ton travail, mais que ce soit lundi, mardi, mercredi, jeudi ou vendredi, tu vas avoir fait la même affaire à chaque jour. Alors que moi, il y a pas une journée dans la vie qui est pareil comme la veille. Il y a tout le temps quelque chose de nouveau, il y a tout le temps un nouvel événement, il y a tout le temps une nouvelle personne. Tu rencontres Pierre, Jean, Jacques, tu fais des découvertes. Je suis allé cette semaine à Montréal, je rencontre un gars, j’ai passé la soirée avec eux autres, j’ai appris toutes sortes d’affaires. En même temps, tu te dis : « Ah, je viens de pogner un contact pour telle affaire, parce que lui était là, moi j’étais pas là. Parfait, je vais me servir de lui pour entrer là ». Il faut tout le temps que tu restes aux aguets, de toutes les rencontres que tu peux faire et tu peux pas dénier ou mettre quelqu’un de côté. Il y a toujours quelque chose à apprendre. Cette curiosité-là, il faut que tu l’aies, tout le temps. Il faut que tu dises : « OK, lui, cette personne-là, je la rencontre pas pour rien, il y a quelque chose dans sa vie, si c’est pas pour m’apporter de la business, c’est pour m’apporter quelque chose au personnel de son expérience ».
T’as pas ça dans tous les travails. Quand t’es devant ta machine, tu parles juste à ta machine… C’est correct, ça en prend, je serais pas capable de faire ça, pas après avoir connu ce que j’ai fait. À quelque part, je dirais presque que c’est le meilleur métier du monde, c’est peut-être exagéré, mais c’est l’un des très beaux métiers pour quelqu’un qui veut tout le temps prospérer et mentalement et dans son travail et ses relations. Ça vaut de l’or.
Je pense qu’il y a un mot, que souvent les clients me disent : c’est la passion. C’est pas plus compliqué que ça. Si t’as pas la passion dans le travail que tu fais, change de travail. C’est le plus important.
Pour vous, la persévérance c’est quoi ?
La persévérance, c’est très important. Je dirais, dans mes études, dès le secondaire dans les années 70, il y avait 3 types de classe : les 110, les 220 et les 330. Je me suis toujours classé dans le 330. C’est sûr que quand le professeur rencontrait les 330, il pesait fort, t’avais toujours un peu plus d’ouvrage, mais t’avais un niveau de compétition à travers la classe de peut-être 30 élèves. C’était de haut niveau, tout le temps. Donc, oui, ça prend de la persévérance dans les études, ça prend de la persévérance dans ton travail, mais à partir de là, t’évoluais beaucoup plus rapidement.
Juste pour vous donner une idée, en secondaire 1, on commençait les cours d’anglais. La professeure, après 2 semaines, elle dit : « Toi, je sais pas ce que tu fais ici. T’avanceras pas, t’en sais plus de ce que je vais donner dans l’année. Ta place, c’est pas ici, c’est en secondaire 3. » Elle me passe de 1, elle me transfère en 3. Elle me dit : « Oublie ça, tu vas perdre ton temps. T’as pas d’affaire ici. Je t’envoie tout de suite en 3. » Ça, ça été comme ça pendant tous les secondaires, un après l’autre, de 1 à 5, toujours dans les groupes de 330. L’équipe qui était là aujourd’hui, c’est des notaires, des propriétaires d’entreprises, des avocats. C’est tous des gens qui je dirais ont un niveau professionnel important. Entre autres, il y en a un, que plusieurs peut-être connaissent à Victoriaville : l’entreprise Sani Marc. C’est Pierre Goudreault qui est aujourd’hui président-directeur et propriétaire, c’est son père qui a parti ça, mais Pierre, on était dans les mêmes classes et on s’est suivis tout le temps. Ça vous donne une idée. Monsieur Labé des restaurants St-Hubert à Victoriaville, c’était dans ma classe. Après ça, des notaires, des médecins, des gens en haut niveau informatique.
Si notre cohorte avait pas eu la persévérance de ça, de se dire oui c’est difficile, oui ça demandait plus d’heures, mais par contre, ça nous a amenés à un niveau je dirais très important. La persévérance scolaire, il faut pas lâcher. Par contre, il y en a qui vont dire : « Moi, le secondaire 5, j’en ai assez », mais bon, je pense que dans le milieu, aujourd’hui, ça prend un peu plus que ça.
Quel message voulez-vous lancer aux jeunes de notre région ?
Les jeunes, c’est notre relève. Vous avez comme on dit la vie devant vous. Tout ça, si je remonte à l’époque… Je sais pas à tous vos âges, mais à quelque part entre 12 et 18. (rires) Ce qui est difficile, un, on est jeune, on le sait pas encore notre intérêt, vers quoi on veut s’en aller, quel métier on aimerait faire. Des fois, ça, c’est difficile.
Je vous dirais que moi jusqu’à mes 18 ou 19 ans, encore là j’étais pas sûr, je savais pas. Quand je suis arrivé au cégep, je savais pas encore. J’ai pris un cégep en sciences pures, j’ai finalisé mes 2 ans et là j’ai dit : « Ouais, pas sûr encore, je vais faire sciences santé ». J’ai rajouté 1 an. Donc j’avais autant de sciences pures que sciences santé. Si avec ça, j’ai pas de bagage pour faire de quoi, je suis aussi bien de retourner sur les bancs d’école encore. Je me suis inscrit à l’université et j’ai fait 3 demandes : l’Université de Montréal en pharmacie, Université Laval en génie électrique et Université du Québec à Trois-Rivières en administration (sciences comptables). J’ai « spreadé » ça en trois domaines. Après quelques semaines, on reçoit les retours de nos demandes. Montréal ? Refus, programme contingenté. Laval ? Accepté. Trois-Rivières ? Accepté. La conclusion, c’est que je suis allé en sciences comptables, mais je vous dirais qu’il n’y a pas une journée que ce cours-là m’apporte pas dans ma carrière des outils.
Les sciences comptables, il y a la fiscalité en arrière de ça et tout ce qui est l’aspect financier (les placements, par exemple). C’est une base très importante pour le travail que je fais aujourd’hui. Ça m’a aidé à progresser encore plus rapidement dans ce domaine-là à cause de ça, parce que je pouvais me démarquer d’autres confrères qui sont dans l’assurance, mais qui n’ont peut-être pas autant d’études. Moi j’arrivais : « Hop, moi je l’ai, ta solution » ou encore « Moi, je suis en fiscalité, tu devrais faire ça, ça, ça, tu vas sauver de l’impôt ». Toutes ces petites affaires-là, j’étais plus vite que plusieurs autres.
Le conseil que j’aurais à donner, c’est de ne pas lâcher vos études. Allez chercher au moins une certification quelconque pour pouvoir après ça vous orienter. Encore là, ça ne veut pas dire que c’est exactement ce que vous allez préférer faire, mais vous avez encore le temps de changer d’idée par après, c’est pas trop un problème. (rires)
Que pensez-vous des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité ?
Je trouve ça le fun. C’est l’aspect implication qui vous amène à rencontrer du monde, à donner des services. Oui, c’est du bénévolat, mais j’en fais, moi aussi, du bénévolat entre autres dans 2 organismes. Même que j’ai été sur un conseil d’administration d’une maison dans le coin de Joliette. J’ai été plusieurs années sur le conseil d’administration. C’est une maison de ressourcement qui permet entre autres aux femmes violentées d’avoir refuge, etc. C’était du bénévolat. Là, je suis sur un conseil d’administration de la Société sylvicole, dédiée à la forêt. Ça existe depuis au-delà de 40 ans. Je siège au conseil d’administration depuis 15 ans et j’en suis le président depuis 6 ans. La fierté que j’ai, c’est que de par mon implication, j’ai fait évoluer cette entreprise-là pour quadrupler en dedans de 5 ans son chiffre d’affaires. Du 1,2 million du chiffre d’affaires, on est passé à 6,2 l’an passé.
Oui, avec l’expérience personnelle, parce que oui, j’ai amené 7 personnes sur le conseil d’administration, mais ça prend un leader dans la gang et ça faisait longtemps que j’étais là et ça bouge pas. À un moment donné, il fallait donner un coup de barre et dire : « C’est fini, il faut prendre une autre direction ». À partir de là, c’est correct, on veut pas refaire les erreurs du passé, mais cette entreprise, il faut qu’elle s’en aille là. Qu’est-ce qu’on va faire ? On va changer le mode d’opération. C’est de l’implication bénévole, ça me donne pas plus d’argent dans mes poches, sauf que j’ai 15 employés là-bas, on a une masse salariale de 500 000 par année. Je fais quand même vivre des familles et je sécurise leurs emplois, parce qu’eux autres, ils en ont besoin de leurs emplois et pour ça, il faut que l’entreprise soit là. Je veux l’amener encore plus haut, mais comme on dit, à un moment donné, il faut respirer un peu. C’est allé vite, parce qu’en dedans de 5 ans, j’ai doublé le chiffre d’affaires, année après année.
Je fais aussi du bénévolat dans un club d’ébénisterie à l’École nationale du meuble et de l’ébénisterie à Victoriaville. Je suis le trésorier. Encore là, on a fondé ça, on l’a parti de zéro. Aujourd’hui, il y a 80 membres qui viennent passer du temps à s’amuser, à faire leurs projets. Cette année, on va donner autour de 150 jouets à des organismes de charité qui ont tous été fabriqués par des membres du club. On redonne socialement, on divertit des gens, on leur donne l’opportunité de travailler le bois. Le groupe qui est là s’entraide. Vous venez travailler à l’atelier, vous avez envie de faire telle affaire sans savoir comment le faire ? Quelqu’un en a déjà fait, il va t’aider, te donner quelques instructions pour t’aider à bâtir le meuble ou l’objet que tu veux fabriquer en bois. C’est le fun, parce qu’on retrouve des connaissances : l’un est fort en sculpture, l’un est fort pour tourner du bois, l’un a fait des armoires, l’un a fait des escaliers, etc. Il y a un partage de connaissances qui se fait à travers ça.
Le bénévolat, c’est un peu tout ça. À quelque part, t’obtiens une joie, une reconnaissance face à ce que t’apportes dans ton bénévolat, mais nécessairement tu vas avoir aidé des gens autour de toi.
Quelle importance doit-on accorder à l’activité physique?
Il faut trouver le temps. (rires) Quand on est jeune, des fois on se garde du temps, on pratique une activité. J’ai joué au hockey quelques années, mais au fil des années, ça s’est estompé. J’ai fait du ski alpin. Mais l’activité physique, oui, il faut se garder en forme. Étant jeune, on se n’en aperçoit pas, mais quand on prend de l’âge, les bobos vont finir par sortir. C’est important de dire : « OK, il faut que je garde une certaine activité ». Malheureusement, nous autres, on a un travail qui est plus assis, plus de bureau, mais quand même. En dehors de ça, j’ai une terre à bois, une érablière. Je manque de temps pour y aller, mais bon. À un moment donné, je courrais un peu toutes sortes d’affaires pour essayer de me dépenser, mais oui, c’est très important de se garder en forme.
Que pensez-vous de la relation entre les jeunes et la cigarette ?
C’est pas une bonne idée à mon avis. J’ai jamais fumé, je peux pas vous dire que je connais ça. J’ai vu des fumeurs en masse. Mais à toutes les fois, j’ai vu des gens qui ont fumé et plusieurs en sont décédés en plus ou moins bas âge. Je suis rendu à 60 ans, mais quelqu’un qui décède à 65 ans, il a été fumeur toute sa vie, ça n’a probablement pas aidé. C’est peut-être un des aspects qui fait qu’il finit avec un cancer de la gorge ou un cancer des poumons. Je peux pas vous dire que je suis très enclin à recommander que quelqu’un fume ou vapote. C’est plus un défaut qu’une qualité à mon avis.
Quels sont les impacts positifs de la légalisation du cannabis et en contrepartie, les effets négatifs de la légalisation de cette substance ?
Le seul aspect positif à la légalisation que je peux donner, c’est d’essayer de contrer le crime, tous ceux qui font ça de façon criminelle d’une certaine façon. Il y a les groupes de motards, on le sait, où tout le monde peut avoir de la drogue sur la rue, etc. Le gouvernement, en légalisant ça, a essayé de faire diminuer ça. Je dis pas que ça l’a fait disparaître, mais ça peut aider. Par contre, ça donne accès à tout le monde. Je peux croire que ça peut être bénéfique pour certains en thérapeutique, mais en dehors de ça, si ça pouvait ne pas exister… Ça serait plus ma façon de penser. C’est très, très mauvais en tant que tel que ce soit dans notre vie, mais bon.
Il y en a d’autres affaires comme ça, l’alcool par exemple qui n’est pas bien mieux. (rires) Une autre forme de dépendance. Manger trop, c’est pas mieux non plus. Des fois, les jeunes nous disent : « Mourir de ça ou mourir d’autre chose… » Oui, mais ce serait peut-être le fun que tu vives en santé le plus longtemps possible. Parce que ceux qui ont arrêté de fumer, qu’est-ce qui est arrivé ? Prise de poids, souvent. Plein de problématiques qui se continuent même si t’as décidé d’arrêter de fumer, parce que ton organisme réagit mal. Tu vas te garrocher dans la nourriture ou dans d’autre chose.