Entrevue avec Gabrielle Monfette, directrice générale de la Société Protectrice des Animaux Arthabaska (SPAA), réalisée par Bianka Pontbriand-Pellerin et Laury Laliberté du Comité 12-18 de Notre-Dame-de-Lourdes.
Depuis combien d’années est-ce que l’Astrolab existe?
L’Astrolab, dédié au public, a été construit en 1996, ça fait 25 ans cette année que l’Astrolab existe. L’Observatoire pour la recherche est au sommet du Mont-Mégantic, il est aussi ouvert au public et il a mené à la construction de l’Astrolab.
Qu’est-ce qui vous a mené à devenir responsable de l’éducation de l’Astrolab?
C’est une belle histoire! En fait, j’ai souhaité venir animer ici un été, à ce moment-là, je cherchais un poste d’enseignant au cégep. Au départ je me suis dit : « Je vais aller animer un été pour acquérir de l’expérience d’enseignement puisque j’ai fait une maitrise sur un sujet qui touche les étoiles et l’astronomie » Finalement, il y a eu un concours de circonstances, un poste de six mois s’est ouvert. Après ça, on m’a gardé ici. Ça fait en sorte que ça fait 20 étés que je suis ici. J’ai fini par y faire ma vie et m’établir dans le coin. Je me considère bien privilégié. Donc, ce sont à la fois des études jusqu’au niveau de la maîtrise et aussi des opportunités qui se sont présentées.
Quelle est la distance entre la terre et l’étoile la plus proche?
La distance entre la Terre et le Soleil, l’étoile la plus rapprochée qui est Proxima du Centaure, c’est à peu près 4,3 années-lumière d’ici. Il faut se rappeler ce qu’est une année-lumière parce que c’est assez abstrait. Dans notre langage, une année, c’est une unité de temps, mais en réalité, une année-lumière c’est une unité de distance. C’est la distance que parcourt la lumière pendant une année à la vitesse de la lumière qui est de dix mille milliards de kilomètres. La vitesse de la lumière, c’est 300 000 kilomètres par seconde. Donc, la vitesse de la lumière, c’est 7 fois le tour de la Terre en une seconde. Imaginez, si ça c’est une seconde, la distance que la lumière va parcourir en un an. Et ça, c’est l’étoile la plus proche, on s’entend. La galaxie, c’est encore plus fou que ça.
L’astronomie vous intéresse pour quelles raisons?
C’est une bonne question, pour beaucoup de raisons. D’abord, je pense que l’astronomie représente le monde qui nous dépasse comme les étoiles et l’univers. Aussi, je suis fasciné envers le mystère de nos origines : Ce qui fait qu’on est ici, que nous sommes huit milliards d’êtres humains, suspendus au milieu des étoiles sur une petite planète bleue, à tourner autour de notre étoile. C’est quand même le plus grand « show » de tous les temps. Puis, à l’intérieur de ces grandes questions-là : « Qui est-on ? D’où vient-on ? Etc. », il y a tous les sujets fascinants de l’astronomie en soit : Les étoiles, les trous noirs, l’évolution de la matière dans l’univers par exemple. Il y a plein de grands mystères au cœur de l’astronomie. Je pense que quand on s’intéresse à l’astronomie et qu’on prend conscience de l’univers, de sa grandeur, du miracle de notre planète dans l’univers, on réalise encore plus le miracle, la fragilité et l’importance de notre planète que lorsqu’on a toujours les yeux dedans et qu’on n’est jamais sorti. Quand tu regardes l’univers et que tu te dis qu’il n’y a pas de biodiversité ailleurs que sur la terre et que nous sommes en train de mettre en péril ce qu’on a chez nous, qui a mis des centaines de millions d’années à se développer, ça fait encore plus mal au cœur. Je dirais que le regard astronomique transforme aussi notre regard sur la Terre, sur la vie.
Pourquoi est-on plus léger sur la lune que sur la terre?
C’est à cause de la gravitation, ce qui fait le poids c’est notre masse en fonction de l’astre sur lequel on se trouve. Plus on se trouve sur un astre qui est massif, plus on va devenir pesant. Comme la lune est moins massive que la Terre, eh bien ça fait en sorte qu’on est plus léger et qu’on peut sauter plus haut sur la Lune que sur la Terre. Si un jour il y a des astronautes qui vont explorer les astéroïdes, c’est tellement petit un astéroïde qu’il faudrait qu’il fasse attention pour ne pas s’envoler dans l’espace, ça va ressembler quasiment plus à de la plongée sous-marine.
Qu’avez-vous observé de plus impressionnant dans le ciel à travers le télescope?
C’est sûr que les anneaux de Saturne, c’est un grand coup de cœur universel, pour tout le monde, que le télescope soit petit ou grand. La première fois que j’ai vu les anneaux de Saturne dans un télescope, c’était une toute petite lunette astronomique et c’est la fois la plus spectaculaire, dont je me rappelle. Je dirais aussi que de voir une nébuleuse comme la nébuleuse d’Orion, qui est un grand nuage de gaz dans lequel les étoiles naissent. De regarder ça dans un télescope, de voir le nuage et de comprendre que des étoiles sont en train de naitre là-dedans et qu’il y a des planètes en train de naitre autour de ces étoiles-là pendant que je suis en train de regarder ça, je trouve ça vraiment fascinant et marquant aussi. C’est un peu comme voir le soleil et la Terre en train de se former il y a quatre milliards d’années. Il y a peut-être des destins, il y a peut-être de la vie qui vont apparaître là-bas un jour. Observer des nébuleuses où les étoiles naissent c’est quand même vraiment spécial aussi. Il y a beaucoup de spectacles à l’œil nu qui sont vraiment incroyables aussi, mais disons que dans un télescope, ce sont peut-être les deux qui m’interpellent le plus.
Est-ce que vous croyez qu’il y aurait d’autres planètes habitables?
C’est une très bonne question puisque c’est une des grandes questions au cœur de l’astronomie. Même si les astrophysiciens n’en parlent pas toujours, c’est la grande fascination. Jusqu’en 1995, on ne savait pas s’il y avait de la vie sur les autres planètes, les seules planètes qu’on connaissait dans l’univers c’étaient les planètes autour de notre soleil, notre système solaire. Depuis 1995, il y a vraiment une révolution en astronomie, la révolution des exoplanètes. « Exo », ça veut dire « à l’extérieur », donc des planètes qui existent, mais qui tournent autour d’autres étoiles que le soleil. Il y aurait au-dessus de 4000 exoplanètes. On détecte leur présence parce qu’elles font vibrer leur étoile, par exemple, ou parce qu’elles forment une éclipse devant leur étoile. Quand on imagine la galaxie qui a plus de 200 milliards d’étoiles, on peut imaginer qu’il y a au moins autant de planètes. On a détecté un certain nombre de planètes qui sont « Habitables », ce qui veut dire à la bonne distance de leur étoile pour que l’eau puisse exister à l’état liquide, entre 0 et 100 degrés. Avec la technologie d’aujourd’hui comme le télescope spatial James Webb, qui est en préparation depuis 20 ans, va remplacer le télescope spatial Hubble actuel. Il est capable de voir « encore plus loin », puisqu’il va capter plus de lumière. C’est un projet international. Il est sous la responsabilité du directeur de l’observatoire du Mont-Mégantic, René Doyon, qui est aussi chercheur principal pour l’Agence spatiale canadienne. Il a le potentiel d’observer et de détecter directement la lumière d’exoplanètes et des empreintes digitales chimiques. Il faut aussi faire la différence entre détecter de la vie unicellulaire, de la vie simple, et de la vie intelligente. Ça a pris environ à peu près 700 millions d’années pour que la vie apparaisse sur la terre, mais pendant 2 500 000 d’années, il y a eu de la vie unicellulaire.
Est-ce que vous avez fait des études dans ce domaine-là?
Je suis un cas un peu particulier, je ne suis pas un astrophysicien qui a fait de la science d’astrophysique. Je suis un philosophe des sciences, j’ai fait une maitrise en philosophie des sciences. Je n’irai pas aussi loin que les scientifiques dans les calculs mathématiques et tout ça. Cependant, j’ai étudié l’histoire de la science, la méthode scientifique, comment elle est née, comment elle a évolué avec les années, comment elle évolue ou comment elle s’adapte dans différents domaines comme en physique, en biologie ou en psychologie. Quand on devient un scientifique, il faut choisir un domaine et en devenir spécialiste, moi, j’avais le goût de m’intéresser à la science au complet, c’est ce qui m’a amené en philosophie des sciences. Une citation explique bien ma situation: « Quelle est la différence entre un scientifique et un philosophe ? Le scientifique, c’est celui qui sait tout, sur rien et le philosophe, c’est celui qui ne sait rien, sur tout ».
Comment est-ce que les étoiles tiennent dans le ciel?
Eh bien, est-ce qu’elles tiennent ? En fait, la notion de haut et de bas auquel réfère la notion de « tenir », encore une fois, c’est lié à la gravité. Dans l’hémisphère Nord, on tient sur la Terre parce qu’on est attiré vers le centre. Si les gens dans l’hémisphère Sud, en ce moment, qui ont « la tête en bas », eh bien ils ont le même haut et bas, parce qu’ils sont attirés par le centre de la Terre aussi. Mais une étoile c’est attiré par le centre de sa galaxie, une immense ville d’étoiles, qui tourne autour d’un centre. Comme elles circulent à grande vitesse autour du centre de la galaxie, elles ne tombent pas dessus. Elles ne sont pas immobiles, elles sont aussi soumises aux lois de la gravitation.
Pourquoi est-ce que le Mont-Mégantic est un emplacement de choix pour observer le ciel?
En raison de la qualité du ciel étoilé, en effet, quand le site a été choisi pour construire un observatoire dans les années 1970, il y a des gens qui s’étaient promenés partout au Québec avec un instrument pour mesurer la luminosité naturelle du ciel quand il n’y a pas de lune pour découvrir l’endroit où il ferait le plus noir. À part la qualité du ciel, il y a aussi une notion d’accessibilité, comme le télescope a été bâti pour les universités de Montréal et de Laval, pour les étudiants ou les chercheurs, il ne fallait pas que ça coûte une fortune pour s’y rendre. Le Mont-Mégantic, c’est un endroit où la qualité du ciel est excellente et c’est aussi un endroit qui est à peu près à la même distance de Montréal et de Québec. C’est pour ça aussi qu’on a créé la première Réserve Internationale de ciel étoilé pour préserver cette qualité-là du ciel, dont dépend l’observatoire pour la qualité de ces observations.
L’univers est grand comment?
On n’a pas la réponse à cette question-là. Pour l’instant, on ne sait pas si l’univers est fini ou infini. Un univers infini, c’est assez difficile à imaginer, mais un univers qui serait fini, il finirait où et qu’est-ce qu’il y a de l’autre côté ? On est capable de détecter la lumière de galaxies qui sont à disons12 milliards d’années-lumière d’ici, donc, la lumière qu’on a détectée, qui est rentrée dans nos télescopes, ça veut dire que ça fait 12 milliards d’années qu’elle voyage. L’univers est plus grand que ce qu’on en perçoit. C’est pour ça qu’il y a ce qu’on appelle l’univers observable. Ça c’est celui avec lequel on a reçu de l’information, de la lumière, des particules, sur lequel on est capable de faire une enquête, de l’explorer, mais au-delà de ça, on ne le sait pas.
Si vous en aviez la chance, feriez-vous un voyage dans l’espace?
Ah, c’est drôle. Si tu m’avais posé la question il y a 15 ans j’aurais dit oui. Aujourd’hui, quand on a une famille, des enfants, c’est sûr que ça change un peu. Je veux dire, est-ce que ça vaut vraiment la peine ? Ça dépend du niveau de risque mais c’est sûr que j’aurais vraiment eu le goût d’aller voir la Terre vue de l’espace. Tous les astronautes qui sont allés dans l’espace, qui ont vu la Terre, ça les a vraiment marqués à vie. C’est presqu’une expérience semi-mystique, même pour des scientifiques, ils réalisent à quel point la Terre est fragile.
Qu’est-ce qu’il y aura lorsque le monde ou l’univers sera mort?
On peut imaginer, qu’un jour, il n’y aura plus de nouvelles étoiles qui vont naître. Là, il y a encore beaucoup de gaz comme carburant pour faire naître des nouvelles étoiles. Mais dans des milliards de milliards de milliards de milliards d’années, même les particules vont se désintégrer. Les étoiles vont s’éteindre. Il n’en naîtra plus de nouvelles. Un jour, il va ne rester que des trous noirs, donc c’est un peu ça la mort de l’univers, la mort thermique.
Quel aspect de votre travail vous plaît-il le plus?
De voir les gens s’émerveiller devant la nature et le ciel étoilé. C’est vraiment ma passion et ma mission. Ici, au Mont-Mégantic, c’est ça qu’on fait, connecter les gens avec la nature avec les histoires qu’on raconte au niveau de l’astronomie. Quand ils viennent faire des soirées astronomie, ils voient le ciel étoilé comme il ne l’ont jamais vu. Pour moi, c’est vraiment l’aspect qui est le plus important de voir les gens qui font « wow » devant le ciel étoilé. Avec toutes les menaces qu’on a sur les épaules actuellement, si on veut que le monde change et qu’on fasse plus attention à la Terre et à la vie, eh bien normalement, comme on le dit souvent, on va faire attention à ce que l’on aime. Il faut donc aller créer ce lien-là avec les gens, parce que quand on grandit en ville, si on ne vit jamais d’expériences d’émerveillement ou de connexion avec la nature, c’est beaucoup plus difficile de comprendre et de vouloir la protéger.
Comment les anneaux de Saturne restent-ils en place?
Les anneaux de Saturne, c’est un peu comme des mini-lunes, si on veut, ils sont faits avec des blocs de roche et de glace et on les voit parce qu’ils réfléchissent la lumière du soleil. Ils vont rester autour de Sature pour la même raison que la Lune continue à tourner autour de la Terre ou que la Terre continue à tourner autour du Soleil. Ça veut dire qu’ils sont en équilibre, ils ont exactement la bonne vitesse qui les maintient en équilibre toujours à presque la même distance.
De quelle manière ont été découvertes les planètes et les étoiles?
C’est sûr que les étoiles et les planètes, au sens premier, on les voyait à l’œil nu, donc ça a toujours fait partie de la vie, de l’humanité. La grande aventure a été d’essayer de comprendre ce qu’étaient les étoiles et les planètes. À l’origine, les planètes ont été découvertes parce qu’elles ne se déplaçaient pas comme les autres étoiles et à l’époque, ils ne savaient pas pourquoi. C’est ça que veut dire le mot « planète » en grec « astre errant », parce qu’elles se déplaçaient par rapport aux autres étoiles. Les étoiles, elles ont toujours été là.
Pour vous, qu’est-ce que la persévérance scolaire?
Dans la notion de persévérance, il y a la notion de défi. Quand c’est facile, quand tout va bien, ce n’est pas encore de la persévérance, quand on affronte des défis ou des difficultés un peu plus grandes que ce à quoi on est habitué, je crois que c’est ici que l’on parle de persévérance scolaire. C’est la capacité à ne pas abandonner, à se motiver, à se remotiver quand on a des moments creux ou la capacité d’aller demander de l’aide autour de soi pour rester motivé, pour passer à travers les embuches.
Quel message voulez-vous lancer aux jeunes de notre région, les municipalités du Centre-du-Québec?
Wow ! Ce n’est pas souvent qu’on se fait donner cette opportunité-là. Je dirais que, moi, mon message serait de s’émerveiller, de regarder la nature, les gens autour de nous et la vie, de développer et d’entretenir notre capacité d’émerveillement devant le monde, devant la nature en particulier. La capacité d’émerveillement, je pense que c’est quelque chose qui est très nourrissant pour un être humain, parce que ça nous rend heureux, même avec les petites choses du quotidien, qui nous font sourire, qui nous font « tripper », mais c’est aussi cette capacité d’émerveillement-là qui est un peu à la base de la science. Quand on est petit, on s’émerveille devant toutes les petites affaires. Plus on grandit, plus le monde devient une habitude, les choses deviennent ordinaires et on peut facilement oublier que chaque petite chose qu’on fait, chaque respiration qu’on prend, chaque journée qu’on vit, chaque arbre, chaque feuille, chaque insecte, chaque ciel étoilé, c’est un miracle perpétuel qu’on soit en vie.
Que pensez-vous des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité?
J’ai une très, très grande admiration et un très grand respect pour les gens qui s’impliquent dans leur communauté, les jeunes en particulier. Je suis fier des jeunes qui font ça. J’aimerais ça faire plus de bénévolat, c’est dans mes valeurs et je n’en fais pas autant que je voudrais. Il faut dire que je travaille trop. Je pense que les jeunes qui font du bénévolat dans leur communauté sont vraiment des exemples pour tout le monde autour d’eux et on en a de besoin. Au-delà des métiers, c’est ce qui fait la force d’une société, ce sentiment communautaire-là. On le sait que dans les sociétés plus individualistes dans lesquelles on vit aujourd’hui, ça devient encore plus important d’avoir des gens qui nous inspirent à donner du temps dans leur communauté, dans leur collectivité. Bravo.
Que pensez-vous de la relation avec les jeunes et la cigarette ou la vapoteuse?
Quand on a des habitudes qui sont nocives pour la santé, c’est sûr qu’on est porté à trouver ça triste, ce sont des habitudes qui ne sont pas bonnes pour notre corps. En même temps, je suis quand même sensible au fait que quand on est adolescent et un peu toute notre vie, on est en quête d’identité et c’est normal, selon les influences qu’on a. Je pense qu’il faut aider les jeunes à développer de meilleures habitudes de vie sans les juger, les mépriser ou les ridiculiser. Ce que l’on doit faire comme « jeunesse », c’est d’apprendre à résister aux mauvaises influences de tout le domaine de la publicité, du marketing et des grandes entreprises. Elles dépensent des fortunes pour nous faire prendre des mauvaises habitudes, que ce soit du gras, du sucre, de la cigarette ou autre chose.
Quelle importance doit-on accorder à l’activité physique?
Majeure, c’est super important. C’est sûr, les anciens Grecs le disaient déjà : « Un esprit sain dans un corps sain ». Moi, je suis quelqu’un qui fait la promotion d’avoir un mode de vie équilibré, autant au niveau de l’intelligence, de nos connaissances, autant au niveau de notre corps et du physique, qu’au niveau de nos émotions. Dans la société dans laquelle on vit, l’enjeu de la santé physique est quand même important. L’importance du sport, c’est pour la santé mentale aussi, d’être capable d’exprimer et de sortir le stress.