Entrevue avec Monsieur Alain M. Bergeron, auteur jeunesse, réalisée par Daphnée Caron et Mathys Boucher du Comité 12-18 de Laurierville.

1- Pourquoi choisir le métier d’écrivain ?

J’étais journaliste dans une vie antérieure. Il y a plus de 30 ans. Puis, j’aimais beaucoup écrire. J’ai eu des enfants et je leur lisais des histoires. Je trouvais que les histoires étaient un peu « poches » à la limite. Je me disais : « Il me semble que je serais capable de faire ça. » Moi, je ne suis pas très, très bricoleur. Je suis pourri pour effectuer des travaux manuels. S’il fallait que je construise une cabane dans un arbre, ce serait dangereux pour l’arbre, pour les enfants et pour moi en premier. Donc, je me suis dit : « Eh bien, je vais écrire des histoires à mes enfants et on va voir ce que ça va faire. » Donc, j’ai écrit une première histoire et j’ai gagné un prix. Je vais en écrire une deuxième. Eh bien, j’ai encore gagné un prix. Je ne suis pas très vite, mais je me disais : « Ah, peut-être qu’il y a quelque chose à faire de ce côté-là. » Donc, j’ai continué d’écrire des histoires pour les enfants, pour les jeunes, tout en étant journaliste. À l’automne 2005, donc il y a bientôt 17 ans, j’ai laissé mon poste de journaliste pour devenir auteur à temps plein. Puis là, la production a explosé. Tous les jours, j’ai hâte de me lever pour aller travailler dans mon bureau qui est à huit pas de ma chambre à coucher. J’ai un très beau job, un très beau job. Daphnée et Mathis, si je peux vous souhaiter quelque chose, c’est d’effectuer un travail que vous allez aimer. C’est une bénédiction sérieusement. Alors voilà, je suis un des écrivains jeunesse qui gagne sa vie en faisant sa passion. On n’est pas une tonne non plus à pouvoir faire ça. Donc, c’est un privilège et une reconnaissance pour moi.

2- Quelles études avez-vous faites pour devenir écrivain?

Il n’y a pas d’études pour devenir écrivain, pas officiellement, à mon avis. Tu deviens écrivain en écrivant. En lisant beaucoup, d’abord, et en écrivant. C’est à force d’écrire que tu vas voir tes erreurs, que tu vas trouver ton style, que tu vas trouver le genre dans lequel tu es le plus à l’aise. Est-ce que tu es plus à l’aise d’écrire des romans historiques, des romans rigolos, des documentaires, des biographies ? Une fois que tu as trouvé ce dans quoi tu es à l’aise, ça peut être la poésie aussi, eh bien, tu fonces et tu écris, tu écris, tu écris. Je suis rendu à 324 livres publiés. Ça a pris beaucoup de temps avant que mon premier livre soit publié. Calculez environ dix ans entre le moment où j’ai commencé à écrire pour les jeunes et le moment où le premier livre a été publié. Mais j’adorais ça faire ça, faire de l’écriture pour les jeunes. Alors, je racontais toutes sortes d’histoires. Puis un jour, une des histoires est devenue un livre et puis, j’ai embarqué dans l’espèce de créneau de publication. Voilà, alors c’est ça. Dans mon cas, il n’y a pas eu d’études. Il y a des études en littérature qui peuvent te permettre de décortiquer une œuvre ou d’apprendre comment on peut écrire. Mais tu as beau l’apprendre, il n’y a rien comme le faire. C’est comme un joueur d’hockey ou une gymnaste où tu as beau apprendre dans les livres, mais c’est sur la patinoire ou dans les gymnases que ça va fonctionner. C’est la même chose pour un écrivain ou une écrivaine. Tu écris. Il faut que tu écrives beaucoup. On parle de 10 000 heures de pratique, eh bien, je les ai eues mes 10 000 heures de pratiques. Ça se fait par du monde ordinaire. Regardez le gars qui vous parle. Ça se fait par du monde. Il n’y a pas de machines. Il n’y a pas d’extraterrestres qui font ça.

3- Pouvez-vous nous parler de votre parcours en tant qu’écrivain ?

Le premier livre que j’ai écrit s’appelle Cendrillé, comme dans Cendrillon. Il a été publié en 1997. Vous n’étiez pas au monde en 1997, hein ? Par la suite, j’ai publié un ou deux romans jeunesses par année. À un moment donné, on a fait les Savais-tu ?. On a fait les Savais-tu ? en 2001. La production a explosé. Je suis passé de deux livres par années à huit, dix, quinze, vingt livres par année. Là, j’ai ralenti un petit peu depuis trois ans. Je suis à 12 ou 13 livres par année. Mais c’est ça, il y a eu une constante qui a fait qu’il y a eu beaucoup de livres dans les 15 dernières années ce qui me permet de gagner ma vie. Je vous parlais tantôt que ça a été très long. Je me suis acoquiné avec un illustrateur qui s’appelle SamPar, Samuel Parent. C’est lui qui fait, entre autres, les Savais-tu ? les Billy Stuart, Capitaine static. Il a fait la bande dessinée Guiby aussi. Samuel et moi avons commencé ensemble en 1990-1991. Il avait peut-être 21-22 ans. Ni lui, ni moi avions de l’expérience dans le domaine, donc on essayait plein de choses. Ça ne fonctionnait pas, mais on continuait. On travaillait vraiment fort. À un moment donné, on s’est retrouvé dans la revue Safarir avec des blagues sur le Père Noël et sur les animaux, ce qui a donné naissance aux Savais-tu ? Puis on a continué comme ça. Avec la parution des Savais-tu ? en 2001, on a trouvé notre créneau en documentaires rigolos. Le reste appartient à la petite histoire de la littérature jeunesse. On est rendu à plus d’un million de Savais-tu ? vendu. Dans le monde, ils ont été traduits dans une dizaine de langues, dont entre autres le japonais, le chinois, le vietnamien, l’anglais, l’espagnol, le néerlandais et j’en oublie quelques-unes. Tout ça se fait à partir de ma maison et de chez moi. On travaille à partir de chez moi. Je suis mon propre patron.

4- D’où vient votre inspiration pour vos livres ?

Eh bien, ça vient de partout ça. Ça peut être beaucoup de souvenirs de mon enfance parce que j’ai huit ans d’âge mental. C’est très facile pour moi de me replonger dans mon passé et de me souvenir de comment je me sentais quand j’avais huit ans. Me mettre dans la peau d’un garçon de huit ans, c’est très facile pour moi. Mes enfants, j’ai eu deux enfants, aujourd’hui, ils sont rendus à 33 et 22 ans. Quand ils grandissaient, j’écrivais aussi, donc c’est beaucoup de matériel. Ça peut être des élèves que je rencontre, des noms que j’entends, des films que je vais voir. J’étais allé voir le film Pirates des Caraïbes avec Johnny Depp. Je ne sais pas trop ce qu’il a de plus que moi Johnny Depp… Finalement, je ne veux pas le savoir non plus. Après avoir vu ce film-là, je me disais que ce serait intéressant d’écrire une histoire sur les pirates et j’ai fait une série de 14 livres. Il y a un petit livre qui s’appelle Zzzut. C’est l’histoire d’un garçon qui doit faire une communication orale devant sa classe. Il a un problème de fermeture éclair. Sa fermeture éclair est baissée et il doit parler devant les élèves. Alors ça, c’est inspiré de ce qui est arrivé à mon fils quand il était en deuxième année. On a eu une alerte de poux à la maison quand ma fille est allée à la garderie. Ça a servi de livre. Dans les Billy Stuart, il y a un chien qui s’appelle Froufrou qui est mon caniche royal que j’aimais beaucoup, beaucoup, beaucoup. Il était l’inspiration pour le chien Froufrou. Donc, tout m’inspire, des livres que je vais lire, des séries télévisées que je regarde. Ça peut être une simple rencontre. L’amie de ma fille, un jour, s’en allait avec elle à l’école et je les accompagnais. Ma fille disait : « Si tu perdais ton chat, qu’est-ce que tu ferais ? » et l’amie de ma fille a dit : « Je mettrais une récompense d’un million de dollars. » Ma fille lui dit qu’elle n’avait pas ça un million de dollars pour se faire répondre : « Non, mais mon père dit que mes bisous valent un million de dollars. » Donc, c’est devenu une histoire aussi Récompense promise : un million de dollars. Alors, tout, tout, tout m’inspire. Ça peut être un « flash » aussi niaiseux que je me promène en auto (et ça, je me souviens, c’est très clair dans ma tête) et j’ai un « flash » d’un géant qui sent les petits pieds. Ça air de quoi ? J’ai écrit une histoire avec ça. J’ai gagné un prix en Europe avec cette histoire-là. Tout, tout m’inspire. Je suis en mode inspiration, je vous dirais, à l’année longue. C’est pour ça que je dis que j’ai un beau job.

6- Excusez-moi, si je peux me permettre, autrement dit, l’écriture c’est comme une échappatoire. C’est partir dans un autre monde, quitter ce monde ci et se laisser aller l’imagination et tout ? Peut-on dire ça comme ça ?

Oui, je suis Dieu le père, moi. Je suis le maître de mon univers. Je peux faire ce que je veux. Sauf quand ce sont des ouvrages historiques, là il faut que je me colle à la réalité, mais pour le reste, je peux faire ce que je veux.

Tu peux faire prendre n’importe quel tournant sans trop de conséquences. Une fermeture éclair, c’est moins gênant écrit dans un livre qu’en réalité. Si c’est arrivé malheureusement à quelqu’un et à surement plein de gens aussi, ça arrive des péripéties comme celle-là.

Oui, ça arrive encore assez régulièrement. J’ai des messages de professeurs qui me disent que c’est arrivé à un de leurs élèves. Dans l’histoire, ils vont faire la communication orale dans la salle de bain. Parce que le garçon, en se rendant compte que sa fermeture éclair ne veut pas remonter, ne veut pas aller en classe. Donc, le professeur descend avec tous ses élèves pour faire la communication orale en arrière de la porte de la salle de bain. Eh bien, il y a des professeurs qui font ça comme activité dans leurs écoles. Mon monde à moi se transpose dans plusieurs écoles. Inspirées par le livre L’arbre de joie que j’ai écrit et qui parle d’enfants moins favorisés qui ont des cadeaux à Noël, eh bien, il y a plein d’écoles qui ont fait leur propre version de l’arbre de joie. Alors, mon petit monde à moi, dans ma tête, parfois se répercute dans la réalité. C’est vraiment « le fun ».

7- Vraiment. Ça a l’air vraiment intéressant. Moi, je suis plus manuelle. Je suis complètement le contraire de vous. Je trouve ça assez intéressant quelqu’un qui est capable de construire une histoire grosse comme cela avec un papier et un crayon.

C’est juste ça que ça me prend. Tu vois, en parlant de papier et de crayon, ça, c’est un brouillon. J’écris très bien. Vous remarquerez que j’écris très bien.

8- Tous les écrivains écrivent comme ça ?

Il paraitrait que oui. Un peu pour la question que Mathis me posait tantôt, moi, j’écris d’abord à la main une fois que mes idées sont trouvées et que je me fais un plan. Que l’histoire ait 12 pages ou qu’elle en ait 400, je me fais toujours un plan. Quand, ça s’est fait, que mes personnages sont trouvés, quand je sais à peu près ce qui va se passer dans mon histoire, là j’écris toute ma première version à la main. Ensuite je la transpose à l’ordinateur. Je peux faire de 15 à 20 versions différentes corrigées avant de l’envoyer à l’éditeur. Là ça va me revenir et ça va être plein de corrections à faire aussi. C’est un match de ping-pong. Alors, les livres sur lesquels je travaille présentement vont sortir peut-être dans un an et demi ou deux ans. Quand ça va sortir dans deux ans, c’est bien rare que j’éprouve du plaisir à lire le livre parce que j’ai vraiment travaillé fort dessus. Souvent, je suis tellement plus rendu là, je suis rendu ailleurs, dans d’autres univers, dans d’autres mondes avec d’autres personnages que je dois me rappeler que j’ai fait ça et je le tasse après. Je ne le faisais pas pour mes premiers, mais là, à 300 et quelques, ça devient plus…

9- Au moins, c’est réconfortant de savoir. Vous dites que ça sort deux ans après l’écriture, mais les gens, quand même, l’apprécie. Quand bien même que vous, vous savez que cette histoire-là a été écrite deux ans auparavant, les gens qui l’achètent et qui la lisent, pour eux, c’est tout nouveau. Eux, ça vient les distraire. Ce n’est pas perdu le temps, vous n’éprouvez simplement pas de plaisir à le relire.

Non, je n’éprouve plus de plaisir à le relire. Ça c’est certain, mais je sais que le plaisir est là. Je parlais de Zzzut tout à l’heure. Il est sorti en 2001. Ça fait 20 ans et c’est un de mes livres qui se vend vraiment régulièrement année après année. Les enfants le redécouvrent. C’est ça qui est « fun » aussi. C’est que quand tu écris pour un public jeunesse, d’une année à l’autre, le public se renouvelle, contrairement aux adultes. Eux-autres, c’est plus difficile. Alors que jeunesse, notre public se renouvelle sans cesse.

10 -Pouvez-vous nous parler de votre style d’écriture?

Mon style d’écriture, c’est surtout humoristique. J’aime ça faire rigoler le monde. J’aime ça que les enfants rient ou s’amusent en lisant mes histoires. En très, très forte majorité, mes livres sont, du moins je l’espère, rigolos. Le monde n’est pas facile aujourd’hui. Tu n’es pas obligé de mettre le nez des enfants dans encore plus de trucs qui sont difficiles. Parfois, les faire sortir de leur traintrain quotidien, de leur vie qui n’est pas toujours agréable… Il y a des enfants qui vivent des choses assez abominables. Alors de savoir qu’en lisant mes livres, ils passent un petit moment de bonheur, que ça dure 15 minutes, une heure ou une journée, pour moi, je pense que j’ai effectué mon travail. Je trouve que c’est une belle vocation de semer un petit peu de bonheur dans le cœur des enfants, des jeunes, des adolescents, des professeurs et des parents. J’ai beaucoup aussi de témoignages des parents qui m’écrivent, soit qu’ils m’interpellent dans la rue pour me dire que leurs enfants aiment beaucoup mes livres, qu’ils n’aimaient pas lire avant, mais que maintenant ils aiment beaucoup ça. Le fait que ce soit rigolo, parfois ça permet aux enfants de plonger plus facilement. Alors que lorsque c’est lourd, c’est plus difficile. Il y a des gens qui sont très bons là-dedans. Des auteurs, des amis auteurs qui sont super bons là-dedans, dans toutes sortes de genres. Dans l’horreur, il y en a qui sont des maîtres. Je suis beaucoup trop peureux pour écrire de l’horreur. J’aurais peur. Je dormirais la lumière allumée tout le temps que j’écrirais parce que j’ai beaucoup d’imagination. Je peux aisément m’imaginer des scènes qui se passent et qui vont me hanter toute la nuit. J’avais juste vu la bande annonce de The Blair Witch Project et j’en avais été traumatisé pour trois nuits. C’est une bande annonce qui durait 30 secondes. Il faut que je choisisse mon genre. Quand tu écris quelque chose qui est amusant, qui est rigolo, c’est beaucoup de travail par exemple. Ça prend un rythme pour écrire. Mais quand tu écris pour l’humour, quand tu écris pour amuser les jeunes, leurs parents, les professeurs et tout ça, en même temps tu te plonges dans cet atmosphère-là. C’est très agréable. Présentement, je suis en train d’écrire quelque chose qui n’est pas très agréable et j’ai hâte d’en sortir. J’en ai encore pour six mois, mais j’ai hâte d’en sortir.

11- À quel moment de votre vie devenir écrivain est-il devenu une possibilité de travail ?

Quelle bonne question, c’est la première fois que je l’entends. Comme je disais tantôt, je faisais les deux, auteur et journaliste. On est peut-être une vingtaine d’auteurs, 20-25 auteurs au Québec à bien gagner notre vie avec ça. J’avais deux enfants qui n’étaient pas très vieux non plus dans les années 1990-2000. J’essayais de voir combien ça pouvait me rapporter d’écrire. Je vais vous faire une petite leçon de mathématique très simple. Quand tu vends un livre au Québec, si tu en vends 3 000, c’est beaucoup. Alors les auteurs reçoivent 10% du prix du livre vendu. Si le livre se vend 10$, ça veut dire que tu as 1$ par livre vendu, ce qui fait 3000$ pour 3000 livres. 3000$, quand tu as mis six mois à écrire, ça ne revient pas cher de l’heure. Pour les Savais-tu ? nous sommes trois à travailler dessus donc le 10% est divisé en trois. Les Billy Stuart, nous sommes deux à travailler dessus, donc le 10% est divisé en deux. Donc, je me disais ça va prendre beaucoup de livres pour être capable de gagner ma vie avec ça. Je me souviens, en 2004, non en 2005, à l’hiver 2005, j’étais allé faire du ski et, une nuit d’insomnie parce que je dors super mal en plus, je me suis mis à calculer. Je me suis dit, je serais capable de gagner ma vie juste à écrire en augmentant le nombre de livres publiés, en faisant des animations et je laisse mon travail de journaliste. À l’été, je me suis assis et je me suis mis à calculer. Parce que, oui, tu veux vivre de ta passion, mais tu ne veux pas mettre qui que ce soit dans le trouble à cause de toi. Je ne voulais pas que mes enfants souffrent, que ma femme souffre, parce que, moi, j’avais décidé que j’étais un auteur avec un grand « A ». Donc je voulais m’assurer que personne ne serait dans le trouble. J’ai calculé et sur papier, c’était comme évident que, si tout allait bien, je pouvais gagner ma vie. Puis, à l’automne 2005, j’ai laissé mon travail de journaliste pour être auteur à temps plein et je n’ai jamais, jamais, jamais regretté ma décision. Ça a été un des bons grands gestes de ma vie ça. Mais je n’aurais pas pu faire ça juste pour compléter. Je n’aurais pas pu faire ça à 30 ans et à 35 ans parce que, comme je disais tantôt, si tu vends 3000 livres et que ça te rapporte 3000$, tu ne vas pas loin avec 3000$. Va faire l’épicerie avec 3000$ sur une année, ce n’est pas simple. Alors ce n’est pas facile. Ce n’est pas facile.

12- Qu’est-ce que le métier d’écrivain vous apporte au quotidien ?

Du bonheur avec un grand B ! Non, vraiment, je suis très, très reconnaissant envers tous les gens qui ont publié mes livres. Là, je travaille avec une vingtaine d’éditeurs. Envers les enfants qui les lisent, les professeurs qui recommandent mes livres, les parents qui les achètent, aussi. On ne vit pas que d’amour et d’eau fraîche. Puis c’est du bonheur au quotidien. Je suis allé faire l’épicerie l’année passée. J’y vais plus souvent que ça, mais je suis allé faire l’épicerie l’année passée. Un monsieur m’avait arrêté pour me dire que son fils était dyslexique et qu’il avait lu un Savais-tu ? C’était le premier livre qu’il lisait au complet. Le monsieur avait commencé à pleurer dans mes bras. Quand même ! C’est au quotidien. Je peux aller marcher avec mon chien et puis… Avant, c’était avec mes chiens. Je vais marcher avec mes chiens et c’est bien rare qu’il n’y ait pas quelqu’un qui m’arrête pour me parler de ça. Les enfants me reconnaissent. Ils connaissent plus mes livres qu’ils ne me connaissent, mais ce n’est pas grave. On me reconnait parfois. Je reçois des messages régulièrement, à tous les jours, à propos des livres. C’est du bonheur. C’est aussi de l’inspiration. Comme on disait tantôt, de pouvoir créer des univers, de pouvoir imaginer des histoires, d’entrevoir que des enfants vont lire mes histoires et qu’ils vont rire. Le rire d’un enfant, il n’y a pas plus belle musique que ça à mes yeux. Ça participe à ce sentiment de bonheur-là. Donc, oui, c’est ça. Bonheur, ça résume exactement mon état d’esprit quand je pense à mon travail. Je suis chanceux, mon fils est monteur vidéo. Il a travaillé sur Défense d’entrer, entre autres. Il est comme ça lui aussi. Ce n’est pas simple aujourd’hui de savoir vers quoi s’en aller. Les jeunes ont tellement de talents et il y a tellement de possibilités qu’à un moment donné, tu ne sais plus trop vers quoi tu peux te diriger. Lui, à un moment donné, après avoir essayé deux ou trois affaires, il a trouvé ce qu’il voulait faire et il est heureux. Il est heureux, lui aussi, au quotidien. Il travaille de chez lui aussi, comme son père et il est heureux. C’est un garçon heureux. Ça fait un papa qui est heureux aussi.

13- Si vous deviez changer quelque chose dans votre travail, qu’est-ce que cela serait ?

Si je pouvais sauter les fichues corrections, ça ferait mon bonheur. Tu penses que ton manuscrit, après 20 versions, c’est parfait. Puis tu l’envoie à l’éditeur et tu te rends compte que ce n’est pas parfait du tout et tu as plein de corrections à faire. Ça, c’est l’étape que je déteste le plus. Recopier aussi les manuscrits. Tu vois, là, je m’enligne sur un manuscrit d’à peu près 500 pages. Je suis en train de le recopier et c’est long et c’est long. Ça c’est fastidieux de ce côté-là. Alors ça, si j’avais une machine qui pouvait le faire à ma place, je serais bien, bien heureux. Mais encore là, en le faisant, je fais déjà des corrections. Donc c’est très utile. Mais à part ça, non. J’allais dire que je commencerais plus tôt. J’aurais commencé plus tôt à écrire parce que là, j’ai commencé à écrire, j’avais 32 ans, quand j’ai eu mon fils. Mais si c’était à refaire, j’aurais commencé bien avant. Comme je disais tantôt, plus tu écris et plus tu deviens « bon », plus tu deviens à l’aise dans tes choses. J’aurais peut-être commencé ça avant, mais je n’étais visiblement pas prêt à sauter là-dedans. Alors voilà.

14-Selon vous, quel est l’un des messages important à faire circuler auprès des jeunes ?

Wow ! Vous avez des bonnes questions. Mathis et Daphnée, vous avez fait vos classes. Un message important… Être bien dans sa peau, évidemment, ce qui n’est pas évident quand on est un adolescent. Je me souviens, quand j’étais un adolescent, seigneur… Ah je ne voudrais pas retourner là. Je ne voudrais pas retourner là. Je ne savais pas ce que je voulais faire. Mon père était très malade aussi. Ça n’aidait pas à la joie, disons. C’est pour ça que je suis capable de tout mettre en perspective, aujourd’hui, et de savourer les moments de bonheur que me procure ma famille, mon travail. Pour les jeunes, s’il y a un problème, d’en parler, de ne pas garder ça pour soi. Je vous dirais que, l’adolescence, ça ne dure pas tout le temps. Parfois, la vie n’est pas facile et, ce qui parait comme une montagne, une fois que tu as pris du recul, une fois que tu es rendu plus vieux, c’est comme une petite colline. On a tendance, parfois quand on est adolescent, à dramatiser des trucs qui ne se justifient peut-être pas. Il y en a qui se justifient aussi… Je suis en train de m’enfoncer carrément… Ça ne dure pas tout le temps l’adolescence. Même s’il y a des « adulescents » qui ne sortent jamais de leur adolescence, j’en connais plein. Ça ne dure pas tout le temps. D’essayer de mettre les choses en perspective quand arrivent des trucs qui ne sont pas rigolos. Profitez de votre jeunesse aussi. Quand les responsabilités vont arriver avec la famille, les enfants, le travail, la maison et tout ça, la pelouse à faire, ça sera toujours le temps de prendre ça plus au sérieux. Mais ah non, profitez de la vie. Je vous dirais, essayez, si ça vous tente, de vous nourrir culturellement. Allez voir des films. Allez voir des spectacles. Allez voir des pièces de théâtre. Lisez des livres. Sortez. Le classique, lâchez votre cellulaire, mais ça c’est… Si j’avais été élevé avec un cellulaire, j’aurais peut-être tout le temps le nez dessus. Les adultes ne sont pas mieux. L’autre soir, je suis allé au restaurant et il y avait deux adultes qui mangeaient à côté de nous autres. Les deux adultes, des adultes dans la trentaine, ils avaient le nez sur leur téléphone et ils ne se sont pas parlé de la soirée. C’était très édifiant, une très belle sortie de couple. C’est ça, de se nourrir culturellement, on va y aller là-dessus. Lâchez-vous lousse, allez voir, ouvrez vos horizons. Essayez plein de choses. Parfois, tu vas voir des films ou tu lis un livre et ça t’allume. Tu te dis : « Oh mon Dieu ! Oui j’aimerais peut-être faire ça ! » Ça peut vous aider dans vos choix de carrière, vos choix pour étudier ou simplement pour vous divertir. La vie n’est pas facile. Je le répète, la vie n’est pas facile. Ça peut vous changer les idées. Ça peut vous faire du bien. Ça peut vous sortir de votre quotidien. Ça peut vous montrer que vous n’êtes pas seuls. Alors, oui, « let’s go », nourrissez-vous culturellement. Lâchez-vous lousse.

15- Quels conseils pouvez-vous donner à un jeune qui aspire à devenir écrivain ?

Ça, c’est facile ! Lis beaucoup, lis beaucoup, lis beaucoup et écris beaucoup. Il n’y a pas d’autres conseils à ça. Tu lis et tu écris. Tu essayes et tu arrêtes. Tu trouves que ce n’est pas bon et tu recommences. Mais essayes le. Si quelqu’un a envie d’être un écrivain, d’abord ça ne se fait pas en criant ciseau. Ça ne se fait pas du jour au lendemain. Il faut que tu t’assoies. Il faut que tu commences à écrire. Là, tu remplis tes cahiers, tu remplis ton ordinateur et tu écris. Tu fais un plan et tu essayes de trouver quelque chose. Se faire un plan, ce n’est pas banal. Il y a des auteurs qui écrivent sans plan. Je ne sais comment ils y arrivent. Mais moi, ne pas faire de plan, c’est comme dire aller faire un tour à Lyster et je passe par Trois-Rivières. Je risque d’avoir un problème, surtout si je continue vers Québec. En ayant un plan, tu sais exactement où tu t’en vas. Donc d’écrire beaucoup, de lire beaucoup et de faire des essais, de commettre des erreurs, de vivre des échecs. J’ai vécu des échecs pendant plusieurs années avant qu’il ne se passe quelque chose. Surtout de s’amuser, d’éprouver du plaisir à écrire. C’est super agréable, c’est vraiment une belle activité d’éprouver du plaisir à écrire. Quand tu éprouves du plaisir à écrire, le lecteur ou la lectrice va s’en ressentir et va se dire que l’auteur a éprouvé du plaisir à écrire ça. Même si ce sont des sujets qui ne sont pas agréables, en le lisant, tu vas le sentir que l’auteur s’est vraiment investi là-dedans. Donc de s’investir et de s’amuser, moi je pense que c’est un bon mélange des deux. Voilà, c’est à peu près ça. Et puis de ne pas hésiter. Faire lire les histoires à d’autres, oui, mais de se méfier de tous les gens qui vont trouver ça génial parce que, normalement, ce n’est pas tout le temps génial. Aussi, de se méfier de tous ceux qui vont dire que c’est pourri à l’os. En fait, on n’est pas aussi bon et on n’est pas aussi mauvais qu’on le pense. Ça, quelqu’un m’avait dit ça et je m’étais dit : « Ouin… » J’avais tendance à être très dur envers moi-même et je me suis rendu compte que je suis correct. Je fais mon possible, je travaille fort en « titi » et ça a un écho quelque part visiblement. Alors de ne pas être trop dur envers soi-même et de l’être un petit peu aussi, entre les deux. Le juste milieu, c’est une bonne chose. Est-ce que ça aide un peu ?

Oui.

Merci de me rassurer !

16- Pour vous, la persévérance scolaire, ça serait quoi ?

Je ne suis pas un exemple de ça. J’aurais aimé ça continuer. Ma fille est un bon exemple de persévérance scolaire. Elle est rendue à l’université. Ça a toujours été facile. Ça a été un parcours facile pour elle, mais elle a travaillé fort. La persévérance scolaire, c’est un classique. C’est de travailler fort, de donner tout ce qu’on a. Je fais quasiment un coach de hockey : « On travaille fort les gars ! 110% » Oui, c’est ça la persévérance scolaire… Mathis, tu me poses des questions. Je vais avoir une très bonne réponse cette nuit à deux heures du matin, ça j’en suis convaincu Mathis. Je ne t’appellerai pas à deux heures du matin pour te dire que j’ai une bonne réponse. La persévérance scolaire, c’est de trouver ce que l’on veut faire. Si tu trouves ce que tu veux faire, tu vas travailler fort parce que tu aimes ça. Mais quand tu ne sais pas trop ce que tu veux faire, quand tu ne sais pas trop quels sont tes sujets d’intérêt, parfois c’est dur de foncer et de performer à l’école. Pour donner un exemple bien précis, quand j’étais au secondaire et au cégep, je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire. Je m’en allais comme une poule pas de tête. J’avais beaucoup de difficulté à me trouver de l’intérêt. Quand je suis devenu journaliste, là j’ai trouvé vraiment de l’intérêt pour l’écriture. Quand je suis devenu auteur, ça a donné ce que ça a donné. C’est devenu une passion. Alors quand tu trouves des passions, quand tu trouves des intérêts, ça se reflète dans ton parcours scolaire et puis tu as envie de pousser jusqu’au bout. En poussant jusqu’au bout, tu fais preuve de persévérance. La persévérance scolaire peut se conjuguer de cette façon-là je dirais. Je ne pense pas que je vais trouver une meilleure réponse à deux heures du matin finalement.

17- Quel message voulez-vous lancer aux jeunes de notre région ?

Ah vous autres, vous autres, question difficile… Ce que je peux dire c’est que, d’abord, d’être fier d’habiter la région parce qu’on a une fichue de belle région. Si vous êtes appelés à aller étudier à l’extérieur, parce que ça peut arriver que vous alliez à l’extérieur, ne soyez pas gênés de dire d’où vous venez. Ne soyez pas gênés de revenir aussi dans la région que vous habitiez, dans une plus grande ville comme Victoriaville ou un petit village de rien du tout comme Ste-Françoise. Donc, il ne faut pas être gêné d’où l’on vient et de revenir. Dans notre région à nous, le Centre-du-Québec, c’est une belle région. Il y a plein de ressources, il y a plein de bon monde. Ce qui est « le fun » ici, c’est qu’on est proche de tout, tout en étant loin. On est proche de Québec. On est proche de Trois-Rivières. On est proche de Sherbrooke. On est proche de Laval où demeure mon fils. On est proche de Montréal, tout en étant éloigné. On a accès à plein de choses. On a une vie culturelle qui est très, très vivante aussi. On n’a pas à être gêné de ça. On a une vie sportive également. Il y a plein d’attraits touristiques. Donc moi, je ne suis pas gêné du tout de dire que je vis ici. La région, ma ville et mon quartier meublent toutes mes histoires. Quand je conte mes histoires, sauf quand ce sont des ouvrages historiques, tout se passe ici ou presque. Si vous lisez les livres, vous allez retrouver plein de petits bouts de mon Victoriaville, de mon quartier aussi, de mon Plessisville aussi. Il ne faut pas être gêné parce qu’on vient d’une région qui n’est pas métropolitaine, qui n’a pas des gros centres urbains comme Québec ou Montréal. On n’a pas à être gêné de ça. Soyons fiers de notre région. Moi je suis très, très fier de notre région. Heille ! J’ai une salle à mon nom à la bibliothèque de Plessisville, la salle Alain M. Bergeron. Que veux-tu qu’un gars demande de plus ? Donc fierté pour la région.

18- Que pensez-vous des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité ?

J’ai tellement d’admiration pour vous autres. Non mais c’est vrai. C’est quelque chose que je ne faisais même pas et que je ne fais pas du tout présentement parce que j’ai vraiment beaucoup trop de travail. J’aurais aimé ça donner du temps. En donnant du temps, d’abord tu connais plus de monde. C’est « le fun ». Tu connais des causes qui peuvent te nourrir dans ta vie, qui peuvent t’enrichir intérieurement. Côtoyer d’autres personnes, je pense que c’est beaucoup ça aussi de donner du temps bénévolement pour la municipalité. C’est de côtoyer d’autres personnes. Quand j’étais journaliste, c’est ça que j’aimais beaucoup, c’était de rencontrer le monde. Je rencontrais beaucoup de monde et puis, j’adorais ça. Avec la pandémie, ça ne se passe pas comme ça. Merci d’ailleurs de m’accueillir virtuellement. Je suis désolé, mais je suis une personne à risque et je ne pouvais pas me permettre d’aller vous voir en personne. Là, je ne vois pas grand monde depuis deux ans. C’est assez limité. Donc c’est ça, le bénévolat ce n’est tellement pas du temps perdu. Ce n’est tellement pas du temps perdu. Puis vous êtes la relève. Si vous n’êtes pas là, les bénévoles avec les cheveux gris comme moi, à un moment donné, on va passer. Donc ça prend du monde pour ça. Puis s’engager pour sa municipalité, pour sa région, pour sa province, c’est tout sauf banal. Ça se glisse bien dans un CV aussi. Un employeur qui voit que tu as été bénévole quelque part se dit qu’il pourrait faire quelque chose avec ça. Et je ne le payerai pas, il va être bénévole ! Ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai, ce n’est pas vrai. Je suis désolé, je cabotine beaucoup ! C’est une seconde nature.

19- Que pensez-vous de la relation entre les jeunes et la cigarette ou la vapoteuse ?

Ark! Ark! Ark! C’est juste ça que j’ai envie de faire, sérieusement. J’ai une très, très, très, très, très mauvaise relation avec la cigarette. Je vous disais que mon père avait été malade. Moi, j’ai vu mon père malade. J’ai grandi avec un père qui était malade. Il faisait une allergie au tabac. Ça s’appelle la maladie de Buerger, mais ce n’est pas « burger » comme hamburger. C’est B-U-E-R-G-E-R et c’est une maladie qui affecte les artères. Alors le sang ne coule plus dans les artères pour les extrémités. Donc la seule façon d’arrêter la douleur, c’est de couper. Alors ils ont commencé par couper les orteils. Ils lui ont coupé les jambes et, quand il est décédé, il ne lui restait que trois doigts dans ses mains. J’ai grandi en voyant ça et c’était à cause de la cigarette. Alors je n’ai pas une bonne relation avec la cigarette. Quand je vois des jeunes qui fument la cigarette, qui vapotent, je peux juste penser à… Parce que mon père et sa génération ont commencé à fumer, justement, à 14-15-16 ans et, après, ils n’étaient plus capables d’arrêter. La nicotine était trop présente dans leur système. Ma mère a arrêté de fumer au décès de mon père, mais elle fumait deux paquets par jour. Nous autres, on a grandi dans un environnement de cigarettes. Tout le monde fumait, à part moi. Puis j’ai eu des problèmes pulmonaires qui m’affectent encore aujourd’hui. Donc quand je vois des jeunes, pas les jeunes, mais bien des jeunes, qui fument ou qui vapotent, je me dis que ce n’est pas un investissement dans le futur du tout. Comme je disais tantôt, on ne reste pas un adolescent toute notre vie. Quand on sort de là, on va exercer des responsabilités, on va avoir des enfants. Si tu veux rester longtemps, longtemps avec tes enfants, donne-toi des chances et ne commence pas. C’est un cliché à dire, mais la meilleure façon d’arrêter, c’est de ne pas commencer. Mais effectivement, ça m’horripile. C’est d’une tristesse infinie. Ça m’a marqué à vie. Tous les gens dans notre famille ont été marqués à vie. Alors voilà.

20- Quelle importance doit-on accorder à l’activité physique ?

On ne fume pas et on bouge. Ça par exemple, ça devrait être dans les priorités. La nourriture culturelle, la nourriture physique, les activités physiques, ça devrait être dans les priorités, surtout quand on est jeune et qu’on a un corps d’athlète. Quand on n’est pas une vielle personne comme moi, qui aussitôt qu’il bouge, ça craque un petit peu. Quand j’étais jeune, je jouais à la balle, je jouais au hockey et je courais. Je faisais du ski. Je faisais plein, plein, plein de choses et j’ai continué pendant plusieurs années après. C’est tellement important. C’est bon pour la tête. Ce n’est pas juste bon pour le cœur. Ce n’est pas juste bon pour les poumons. C’est bon pour la tête d’aérer. Ça te fait penser à autre chose aussi quand tu fais de l’activité physique. Tu n’es pas en train de penser à l’école : « Ah, j’ai de la misère à l’école, j’ai de la misère au travail. » Tu es dans ton activité physique au complet et tu as besoin d’être attentif. S’il y a un ballon de basket qui s’en vient vers ta face et que tu es en train de penser à ton travail, ta face va avoir un bon travail d’esthétique. C’est important, c’est tellement important l’activité physique. C’est essentiel. C’est essentiel dans la vie, autant que le bonheur, autant que l’amour, autant que la culture. L’activité physique, c’est primordial.

21- Quels sont les impacts positifs de la légalisation du cannabis et en contrepartie, les effets négatifs de la légalisation de cette substance ?

Daphnée, je suis désolé, mais je ne suis pas un spécialiste de ça. Je n’en ai jamais pris. Je n’ai jamais vu l’intérêt de prendre ça. C’est déjà assez « fucké » dans ma tête, s’il fallait en plus que je consomme du pot, ça serait un peu troublant merci. Je ne suis pas pour ça. J’ai beaucoup de difficulté à voir des côtés positifs à ça. Les côtés négatifs, j’ai côtoyé des personnes qui ont eu des sérieux problèmes avec ça. Des gens qui sont devenus schizophrènes après avoir commencé à consommer. Il y en a d’autres qui n’ont jamais eu de problèmes. Disons que je n’ai pas d’affinités avec le sujet. Oui c’est légal. Je comprends qu’on ne met pas quelqu’un en prison parce qu’il fume du pot. Ça n’aurait aucun sens d’ailleurs. Mais, je ne le recommande pas et si des gens viennent chez nous et qu’ils veulent s’adonner à ça, ils vont le faire dehors. C’est la même chose pour la cigarette. Il n’y a personne qui va fumer du pot chez nous parce que je ne veux pas. Je suis très sévère là-dessus. Mes enfants, je ne sais pas s’ils en ont pris. Ça, c’est leur vie. Ça leur appartient. C’est ça, ça leur appartient. Ils savent ce que je pense. Puis je ne fermerai pas les yeux. Je sais que c’est rendu commun, mais, moi, ça ne m’attire pas, vraiment pas. Comme je disais, c’est tellement le chaos dans ma tête parfois, si en plus je tombe là-dedans… De la même façon que les brosses à l’alcool, jamais, jamais. Je n’ai aucun intérêt pour ça. Je prends un verre de vin à tous les jours. Ça l’air que c’est bon pour les artères, mais ça n’ira jamais au-delà de ça. J’aime avoir le contrôle. J’aime être en contrôle de ce qui se passe dans ma tête. Est-ce que ça vous aide un peu ce que je dis ?

Oui.

22- On serait rendu à la capsule de trente secondes avec la question que vous avez choisie au début. Selon-vous, quelles précautions doit-on prendre avec les réseaux sociaux ?

Alors les précautions qu’on doit prendre avec les réseaux sociaux, ça vaut pour les jeunes, ça vaut pour les adultes. Ça vaut pour tout le monde. Méfiance, méfiance et puis il ne faut pas tout aller voir. Moi, je suis auteur jeunesse. J’ai 5 000 amis. Je vois passer des choses à mon égard que, moi, ça ne m’achale plus. Ça ne m’achale pas du tout. Mais quand on est plus jeune, quand on est en train de se forger une personnalité, ça peut être très déstabilisant. Ça peut être dérangeant. Ça peut être troublant. Ça peut être déchirant. Ça peut faire mal. Vous n’êtes pas obligés d’aller voir ça. C’est facile à dire pour un sexagénaire. N’allez pas voir ça. Vous avez grandi avec les réseaux sociaux. Votre vie est beaucoup là-dedans aussi, les contacts avec les gens. Mais seigneur, il faut être méfiant. Il faut être méfiant. Tu ne sais jamais si la personne qui te parle, c’est vraiment la personne que tu connais ou si ce n’est pas quelqu’un qui a volé son identité. Je reçois parfois des demandes d’amitié d’amis que je pense que ce sont des amis, mais que ce ne sont pas du tout des amis. C’est quelqu’un qui est en Côte d’Ivoire qui a pris l’identité d’un de mes amis. « Là, ça ne va pas bien, j’ai besoin d’argent. Peux-tu m’aider ? » Bien oui, certainement. Les pédophiles, tous ces sympathiques gens-là qui sont une plaie pour les réseaux sociaux. Les intimidateurs, les trolls qui ne veulent que faire mal pour leur plaisir. Oui, il faut être prudent là-dessus. Évidemment, on se garde une petite part d’intimité. On ne veut pas que tout le monde saute dans nos affaires. On aime ça avoir notre petit jardin secret, aussi, je peux présumer. Quand on a 14-15-16 ans, on ne veut peut-être pas nécessairement que nos parents mettent le nez là-dedans. Mais s’il y a un souci, peu importe le souci, il ne faut pas hésiter à le dire et à partager. Quand vous êtes victimes d’intimidation, quand vous êtes victimes de harcèlement sexuel, quand on vous fait chanter, de ne pas hésiter. On a une amie dans notre famille que son fils de 14 ou de 15 ans s’est retrouvé sur des sites pas très recommandables et il a posé des actes qui ont été filmés. Ces gens-là l’ont rançonné. Il travaillait dans une épicerie les fins de semaine. Puis il a été obligé de payer 13 000 $. Il a vidé son compte. Il a vidé son compte pour ne pas être dénoncé sur le web. S’il en avait parlé à ses parents, c’est sûr qu’ils n’auraient peut-être pas été contents, mais au moins, ils auraient pu stopper rapidement. Ou un adulte de confiance aussi, la « gang » de 12-18, vous en avez plein d’adultes de confiance, à qui vous pouvez vous confier aussi. Ne pas hésiter à en parler. Il ne faut pas être gêné d’en parler. Il y a des précautions à prendre. Il y a tellement de précautions à prendre sur le web. Je fais toujours, toujours attention. Quand je lis quelque chose qui a l’air trop beau pour être vrai, je le sais que ce n’est pas vrai. Je suis très, très méfiant. C’est de ça que je me suis rendu compte. C’est qu’au fil des ans, je suis devenu très, très méfiant envers les réseaux sociaux. Quand quelqu’un m’écrit, je m’assure toujours que c’est une vraie personne, que c’est quelqu’un que je connais. Quand quelqu’un m’envoie un message, je veux m’assurer que ce n’est pas quelqu’un qui a volé l’identité d’un autre et qui essaie d’avoir accès à mes données. Donc méfiance, oui. De ne pas accepter n’importe qui comme ami Facebook, d’aller voir… Si cette personne-là a deux amis et c’est une super de belle « pitoune », je vais me poser des questions. Si c’est un célibataire veuf en France qui a l’air d’avoir beaucoup d’argent, je ne suis pas sûr. Je ne suis pas sûr. On voit les pédophiles, ils n’ont aucune gêne. Ils s’en vont sur des forums, des 8 à 12 ans. Ils se font passer pour des enfants et après, ils demandent toutes sortes de trucs infâmes. Donc c’est ça, méfiance. Plaisir oui, mais méfiance également. Oui c’est ça, méfiance. Ah oui, méfiance. Ça ne donne rien de s’obstiner avec le monde, sérieusement. Les gens qui ne croient pas à la Covid-19, tu auras beau leur dire n’importe quoi, ils n’y croient pas. Ne perds pas de temps à t’obstiner avec eux. Moi, je les bloque. Je n’ai pas de temps à perdre avec ça. Les gens qui pensent que la Terre est plate, il y a des millions d’Américains qui pensent que la Terre est plate. Qu’est-ce que tu veux leur dire ? Comment peux-tu leur expliquer ça ? La Terre n’est pas plate. La Terre est ronde comme partout dans l’univers. Eux-autres, non, la Terre est plate. À partir de là, choisis tes combats. Puis si quelqu’un veut s’obstiner avec toi, c’est « bye, bye ! » Je donne des leçons et, si j’avais 16 ans, je ne suis pas sûr que ce soit le genre de leçons que j’aimerais entendre. Mais moi, je suis comme un papa et un grand-papa.

On vous remercie d’avoir pris le temps, M. Bergeron, d’avoir répondu à nos questions et d’avoir donné vos opinions. C’est beaucoup apprécié !

Merci Mathis, merci Daphnée, ça a été très, très agréable à faire. J’espère que mes niaiseries ne vous auront pas trop perturbés.

Vous saluerez la belle « gang » de 12-18 pour moi ! Et merci beaucoup d’avoir pensé à moi. C’est bien fin. Vous savez que vous êtes, en passant, la seule entrevue que j’ai fait ce printemps. Je ne pouvais pas faire les autres parce que j’avais trop de travail. Donc, vous êtes les seuls que j’ai faits.

Merci !

Merci à vous et bonne soirée.