Cette entrevue a été réalisée par Alyson Doucet et Anabelle Comtois du Comité 12-18 de Lyster.
Étais-tu bon à l’école?
Oui, je n’ai jamais vraiment éprouvé de difficulté sur le plan académique.
Le mot intimidation te rappelle quoi?
Une époque où j’avais peur d’aller à l’école… Pour vous donner une idée, en quatrième année, j’étudiais la possibilité de faire l’école à la maison à l’insu de mes parents avec la matière disponible sur « Allo prof ». D’ailleurs, un des aspects qui m’as intéressé du CQFA, l’école de pilotage publique, c’est une visite en Secondaire 3. L’école n’était pas bâtie comme une école standard. Les casiers sont à l’écart et les hangars sont des lieux de travail. Je ne m’y suis pas senti comme à l’école et ça été un soulagement pour moi. L’intimidation est un enfer qui fait en sorte que chaque journée est une épreuve à traverser. Pour moi, c’était surtout psychosocial. Je n’ai pas été visé physiquement. C’est une torture à petits feux. Je ne sais pas avec précision pourquoi c’est aussi répandu. Ce n’est pas nouveau, même ma grand-mère, lorsqu’elle était institutrice, devait gérer des cas d’intimidation. J’imagine que le développement émotionnel à l’adolescence y est pour une grande part. J’ai aussi remarqué que même entre adultes, il y en a. Seulement, plusieurs d’entre eux sont mieux équipés pour y faire face. Ils font comprendre rapidement à l’intimidateur que ce n’est pas correct ou ils s’éloignent efficacement de la situation.
À quel point la famille est importante pour toi ?
Très importante! C’est eux qui me supportaient pour passer au travers l’intimidation. C’est une équipe formidable et un atout important. Je me considère chanceux et privilégié d’en faire partie.
La musique a-t-elle une signification pour toi ?
C’est une échappatoire. Je l’utilise pour m’aider à gérer mes émotions. C’est devenu de plus en plus facile avec les services de diffusion en ligne. On choisit le type et la musique est classée automatiquement. De plus, certaines chansons ont des significations particulières c’est certain. Cependant, je suis certain que pour d’autres que moi, elle est encore plus importante
Quelle est l’activité ou moment qui a confirmé ton envie de devenir pilote ?
Devenir pilote s’est imposé de lui-même en entrant dans les Cadets de l’air. Cependant, c’était à l’époque pour le défi personnel. Je ne pensais pas en faire ma carrière. C’est lorsque j’ai commencé la formation en vol, à ma toute première prise de contrôle en planeur le 1er juillet 2014, que c’est devenu clair que je devais en faire mon métier.
T’inspires-tu de quelqu’un? Si oui qui?
Plusieurs personnes m’inspirent. J’essaie de distinguer le pourquoi et d’en retenir le meilleur. Une de celles qui m’inspirent le plus est Jimmy Crawford (St-Pierre-Baptiste). Il était mon moniteur de ski lorsque j’étais enfant. Il a atteint les plus hauts sommets (Niveau 4) de cette profession. Grâce à sa persévérance, il est aujourd’hui pilote pour WestJet, sur le même avion que moi. Je ne savais même pas que c’était son objectif lorsque je suivais des cours de ski! Aujourd’hui, je commence mon Bac en administration pour profiter du temps de confinement imposé par la situation actuelle. C’est la formation qu’il suivait en même temps que ses cours d’aviation.
Qu’as-tu ressenti la première fois que tu as piloté un avion ?
Je parlerais ici du premier vol solo, car c’est la première fois qu’il n’y a pas d’instructeur pour rattraper la balle. C’est semblable à la liberté et à la responsabilité qu’on ressent la première fois qu’on monte à vélo ou qu’on conduit une voiture, mais multiplié par 10! Comme j’étais en planeur, je n’avais même pas de moteur pour me sortir du pétrin. Il fallait que je le pose quelque part et c’était mieux d’être sur la piste. Je ne me serais pas blessé, mais j’aurais brisé le planeur si ça avait été ailleurs. Sauf qu’on nous avait bien enseigné comment, alors je savais quoi faire pour y arriver sans problèmes.
C’est aussi un accomplissement très important. J’étais très fier de moi sur le coup. Je dirais même plus là qu’à chacune des autres petites victoires du parcours, comme ma qualification Q400 par exemple.
Quelle sorte d’avion pilotes-tu (grosseur, nombre de passagers, etc.)?
Je suis sur le Q400 de Bombardier. C’est un avion régional. On peut amener jusqu’à 78 personnes vers leur destination.
Comment te sens-tu en pilotant ?
Très heureux! J’ai toujours hâte d’aller travailler. Mon bureau étant à 18000 pieds d’altitude en moyenne, je n’ai pas à me plaindre de la vue! Les tâches que j’y accomplis ont un sens pour moi. J’ai le sentiment de rendre un service important au gens. Ayant déménagé de Vancouver pour revenir au Québec récemment, je sais aussi que les vols ont une signification pour les passagers, que ce soit pour un voyage personnel ou des raisons professionnelles.
Qu’aimes-tu le plus de ton métier ?
Me promener dans les aéroports! Ça peut sembler étrange, mais même si on ne fait pas de fraudes par chèques comme l’acteur Leonardo DiCaprio dans le film « Attrape-moi si tu peux », les passagers qui nous regardent passer ont tous des réactions uniques. Je me souviens entre autres d’un enfant qui étais très impressionné par ma valise à la file d’attente d’un contrôle de sécurité. C’était tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Je me suis baissé pour lui dire bonjour et lui ai fait mettre mon chapeau de pilote. J’ai fait sa journée! Une autre fois, une dame était certaine que j’étais agent de bord et qu’il était impossible d’être pilote à mon âge. Son « They let kid fly planes! » (ils laissent des enfants piloter des avions!) étonné valait au moins 1000$ quand je lui ai montré ma licence.
Quels sont les défis que tu as rencontrés dans ce métier ?
C’est énormément d’adaptation. Chaque vol est différent. Il faut non seulement s’adapter aux changements d’horaires, de porte de départ, de météo, de procédures, de routes, de contrôle aérien, mais aussi de ne jamais ou presque dormir dans le même lit. Par exemple, même si on reste 2 soirs dans le même hôtel, on n’y laisse pas nos valises, au cas où notre destination venait à changer. De plus, comme Premier Officier (Copilote), il faut s’adapter aux diverses personnalités des Commandants pour que le travail d’équipe soit bien maintenu à bord.
Quel est ton passe-temps favori quand tu n’es pas en train de piloter un avion de Jazz?
J’aime beaucoup le graphisme. Je réalisais des affiches pour les télévisions, des casiers lorsque j’étais à la Polyvalente. L’hiver, c’est le ski qui a ma préférence.
Es-tu fier de ce que tu es devenu ?
Oui et plus encore de ce que je vais devenir. « Watchez moi bien aller ! » Ma maxime dans l’album des finissants était que « l’important ce n’est pas d’arriver, mais d’aller vers » par Antoine de St-Exupéry. Alors je continue d’aller vers!