Cette entrevue a été réalisée par Marélya Grenier, Alyson Doucet et Éloyse Marcotte des Comités 12-18 de Ste-Élizabeth-de-Warwick, Lyster et L’Avenir.
As-tu déjà été inscrit dans un programme « sport-études »?
Oui, 2 ans. En fait, moi, j’ai fait toute mon école primaire dans une école publique normale à l’Ancienne-Lorette, près de Québec. Puis après, en secondaire 1, j’ai fait le « sport-études » à l’école Cardinal-Roy, pas loin du centre-ville de Québec. Après ça, j’ai déménagé à Montréal. J’ai fait mon secondaire 2 à l’école Antoine-de-St-Exupéry à Saint-Léonard. J’ai donc fait deux ans de mon secondaire dans deux programmes de « sport-études » différents.
À quel âge as-tu su que tu allais devenir un des meilleurs joueurs?
Tant que tu n’y arrives pas, tu n’es pas sûr. Il n’y a rien qui est garanti, il n’y a rien qui est certain. J’ai toujours voulu, j’ai toujours cru en mon rêve, en mon potentiel, en mes moyens, mais vraiment la certitude est arrivée quand j’y suis arrivé. Quand j’ai gagné mon premier tournoi professionnel, je me suis dit que j’avais vraiment des chances d’être parmi les meilleurs joueurs du monde.
Quand tu avais mon âge, soit 15 ans, étais-tu plus le genre de personne qui était découragée ou la personne qui était en colère lors d’une défaite?
Plutôt en colère, surtout envers moi-même je dirais. En fait, lors de tous mes entraînements, tous mes matchs, c’est rare que j’avais des frustrations envers quelque chose d’extérieur, comme un entraineur ou le public. C’était toujours envers moi. J’étais assez difficile avec moi-même, mais jamais j’avais envie de me décourager, de baisser les bras par rapport à la difficulté.
Quel coup t’a donné le plus de difficulté?
Je dirais mon service. Le service, c’est quand même un coup compliqué. C’est quand même un coup qui demande beaucoup de choses, beaucoup de coordination. Donc, même moi, mon service m’a joué des tours à certains moments de ma saison, à certains moments de ma carrière. Des fois, je connais de très bonnes périodes où je suis un des meilleurs serveurs sur le circuit, et des fois, c’est plus difficile. Ça me donne parfois du fil à retordre.
Quel coup préfères-tu faire?
Mon coup droit. Ça a toujours été un coup naturel pour moi. En fait, quand j’étais enfant, je voulais juste jouer en coup droit, tellement que mon père faisait des entrainements où il fallait juste que je joue en revers pour m’améliorer. C’étaient les pires journées parce que j’avais l’impression que j’étais pourri.
Pendant un match, quand tu te parles mentalement, le fais-tu en anglais ou en français?
En français, tout le temps. En fait, mes entraineurs sont francophones aussi, donc tous mes entrainements se font juste en français. Mes mots clés, mes repères sont en français. Et puis, ça reste que le français, c’est ma première langue aussi. En fait, je me parle toujours en français dans ma tête.
D’où vient cette passion pour le piano?
Elle vient du côté de ma mère. Mon père, c’était plus le côté sportif. Ma mère, c’était plus le côté artistique. Elle m’a introduit au piano quand j’avais sept ans. J’ai pris des cours une fois ou deux par semaine pendant deux ans, Donc j’ai appris à lire la musique et à jouer du piano. Après ça, j’ai continué à en jouer comme passe-temps. Ça vient strictement du côté de ma mère.
Quel joueur t’inspire le plus?
Beaucoup de joueurs m’ont inspiré. J’aurais du mal à en nommer un. Nadal, Federer, tous les grands joueurs de ce monde m’ont inspiré quand j’étais plus jeune et même aujourd’hui encore. Le joueur français Tsonga, qui est métissé tout comme moi, me donnait un bel exemple de quelqu’un qui me ressemblait physiquement. Donc c’était bien de voir ça aussi quand j’étais enfant. J’ai eu plusieurs inspirations dans le tennis.
Quelle est ta plus grande peur reliée au tennis?
Ça serait d’avoir des regrets à la fin de ma carrière. Ça serait, quand j’accrocherai ma raquette, de me dire que je n’ai pas fait tout ce que j’aurais pu faire, que j’ai un peu abandonné ou que je me suis découragé trop vite. Je voudrais avoir le sentiment qu’à la fin de ma carrière, peu importe ce que j’ai fait, peu importe quels tournois j’ai gagné, j’ai maximisé ce que j’avais. Donc ça serait ma peur d’avoir des regrets à la fin de ma carrière.
Comment te prépares-tu physiquement et mentalement avant un match?
C’est sûr que je joue beaucoup sur mes qualités physiques. Donc j’aime bien sentir que je suis prêt physiquement quand j’arrive au match en terme de déplacement et de cardio. C’est sûr qu’il y a de la préparation qui se fait des mois avant le tournoi, mais, juste avant le match, je m’assure d’être bien échauffé. Même que des fois ça va durer trente minutes à une heure avant les matchs. Je vais commencer à m’activer physiquement pour que je sente que, dès que j’arrive sur le terrain, je suis actif, je rebondis et je suis explosif. Mentalement, j’essaie de penser à des choses plutôt positives. J’essaie de mettre de côté tout ce qui est à travailler, tout ce qui est moins bon, tout ce que je n’aime pas de mon jeu ou quoi que ce soit. J’essaie de penser vraiment à ce que je fais bien parce que c’est ça qui va me faire gagner. Des pensées positives et une longue activité, ce sont deux clés.
Quel genre de musique écoutes-tu avant un match?
Je n’écoute pas trop de musique avant un match parce que ça me reste un peu dans la tête. Je préfère être plus dans le calme. Je parle avec mes entraineurs. Quand on arrive trente minutes avant le match, on parle un peu du plan de match. Je n’ai pas trop l’habitude d’écouter de la musique avant un match, même si j’écoute toutes sortes de musique dans la vie de tous les jours.
Quels comportements de tes fans te dérangent le plus?
C’est sûr que, quand il y a un bruit agaçant ou désagréable juste avant de servir, quand c’est vraiment un moment de concentration, c’est dérangeant. Après, une fois que le point est parti, des fois il peut y avoir un bruit que je n’entends pas. Quelqu’un peut s’exclamer dans le public et je ne vais pas trop l’entendre parce que je suis un peu coupé de tout une fois que le point est commencé. Quand tu as vraiment le 5 secondes juste avant de servir où c’est le silence complet, ça j’aime ça. Donc, si quelqu’un fait du bruit en plein service, ça va me déranger, mais je n’ai pas de mauvais souvenir au de mauvaise expérience avec le public en général.
Quels sont les conseils que tu donnerais aux jeunes qui veulent réussir?
Je dirais d’apprendre à se connaitre, d’apprendre ses forces, ses faiblesses, ce qu’il aime. Parce que c’est toujours plus facile selon moi de réussir dans quelque chose qu’on aime vraiment, qui nous passionne, peu importe ce que c’est. Je pense que c’est plus facile de se lever chaque jour et de travailler là-dessus si tu aimes ça. Après, une fois que tu as choisi et que tu es bien, c’est de la persévérance, du travail, de la discipline. Tout le monde va avoir des moments difficiles, des échecs, des défaites, mais si tu persévères et que tu es résilient, ça va te sourire un jour.
Si tu avais à choisir un stade où tu devrais jouer tous tes prochains tournois, lequel prendrais-tu et pour quelles raisons?
S’il y a un public, je dirais Montréal. C’est la seule fois de l’année où j’ai vraiment tout le public avec moi. Je dirais Montréal avec un public. Avec les circonstances, sans public, ça serait un peu différent, mais ça serait vraiment un rêve pour moi de jouer plusieurs tournois durant l’année à Montréal.
Pour vous, la persévérance scolaire, c’est… ?
C’est d’aller au bout de soi-même, peu importe d’où on est parti, peu importe nos difficultés, peu importe nos points forts et nos points faibles. C’est vraiment de maximiser ce qu’on a. Quand tu finis ton parcours scolaire, tu dois te dire “Je ne peux pas me comparer à tout le monde parce que tout le monde a eu son chemin. Moi, je suis content du chemin que j’ai parcouru parce que je suis allé au bout de moi-même.” C’est ça pour moi la persévérance scolaire.
Quel message voulez-vous lancer aux jeunes de notre région ?
Croyez en vos rêves. Moi j’ai grandi à Québec. C’est sûr qu’on connaît tous un peu Montréal: il y a beaucoup de monde, beaucoup d’opportunités, etc. À Québec, des fois le discours c’était “Ouais, mais ça n’arrive pas aux gens de la région”. Même là encore, Québec c’est pas vraiment une région, mais je dirais que tout le monde peut y arriver. La réussite, ce n’est pas seulement pour les gens des villes, c’est pour les gens de toute la province, de tout le pays. Donc, croyez en vos rêves et abandonnez pas.
Que pensez-vous des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité ?
Je trouve que c’est une très belle chose. Je pense que tout le monde peut le faire un peu à sa façon, à son propre degré. J’ai un peu cette philosophie de dire que, si tu redonnes à quelqu’un, que ce soit un ami, un collègue ou quelqu’un dans ta famille, tu l’aides un peu dans sa vie. Un jour cette personne-là va redonner à quelqu’un d’autre. Donc, c’est un beau cycle de redonner aux gens de sa communauté, d’élever un peu le niveau de tout le monde pour que tout le monde soit de mieux en mieux autour de soi. En plus c’est une belle énergie, donc je suis très content à chaque fois que je vois des gens qui aident bénévolement.
Quelle importance doit-on accorder à l’activité physique ?
Moi, c’est ma profession. Mon corps, c’est un peu mon outil de travail. Si je me blesse un poignet, je suis dans le trouble, donc il faut que je fasse attention. Par contre, je pense qu’on sous-estime l’activité physique pour tous. Il faut penser à long terme pour se sauver une opération ou un problème de santé plus tard. L’activité physique, ça doit faire partie de notre quotidien, chacun à son rythme, chacun à sa façon. Je pense qu’on a tous les moyens de faire une petite activité physique et que c’est une belle habitude de vie. Il y a beaucoup de bonnes choses qui sont mises en place dans les écoles de la province pour ça et les jeunes ne doivent pas lâcher. C’est très sain pour leur corps et pour leur vie.
Que pensez-vous de la relation entre les jeunes et la cigarette/la vapoteuse ?
Je n’ai jamais été un grand fan de ça… je pense que vous l’avez peut-être deviné. On connaît les dangers, on sait ce que ça fait. C’est sûr que des fois, ça peut donner envie parce que c’est un peu un style et parce que d’autres le font. Je pense qu’au final, c’est peut-être ceux qui ne le font pas qui sont les gagnants parce qu’ils protègent leur santé future, leurs poumons, leurs organes. Donc, je pense que les vrais gagnants sont ceux qui ne se laissent pas influencer par les autres.