Entrevue avec Roxane Bruneau, auteure, compositrice et interprète, réalisée par Émy Roy, Kim et Bianca Pontbriand-Pellerin et Cloé Girard des Comités 12-18 de Tingwick, Notre-Dame-de-Lourdes et L’Avenir.

À quel âge as-tu commencé à chanter ?

À l’âge de 12 ans, j’ai écrit ma première chanson, alors je te dirais que c’est dans ces eaux-là. Je chantais sous la douche et c’est pour ça que mon studio est maintenant dans une douche.

J’ai entendu dire que tu faisais toutes tes vidéos par toi-même. Pourquoi ne pas partager ce travail ?

Au début, j’ai commencé seule parce que je n’avais pas les moyens d’engager une équipe. Ça coûte des sous, les gens font ça de leur vie. Caméraman, preneur de son, éclairagiste, je n’avais pas les moyens de payer tout ce monde-là, alors je me filmais avec mon téléphone. Quand tu fais cela, tu développes une technique. Moi j’aime tout gérer. Alors la seule personne qui m’aide, c’est André, mon caméraman que nous appelons Youtube. Quand je me promène et que je fais des « vlogs », ce qui arrive moins depuis la pandémie, c’est arrivé certaines fois, il était là. Alors c’est la seule personne qui m’aide vraiment. J’aime ça faire le montage, gérer tout ça toute seule.

Du jour au lendemain tu as connu un succès immense qui ne cesse d’augmenter. Crois-tu que tout est allé trop vite ? Si oui, est-ce que tu changerais quelque chose à ta carrière ?

Moi je ne changerais rien. Je pense que chaque truc arrive pour une raison, même si des fois c’est une « bad luck ». Ces «  bad luck » là m’ont emmenée sur des chemins qui m’ont permis de rencontrer certaines personnes, certains événements. Je ne changerais rien. Oui c’est arrivé vite, ça l’air d’être arrivé plus vite que ça l’est en réalité. Ça fait quand même 7 ans que je fais de l’Internet de mon côté. Ça fait 4 ans que je fais de la musique professionnellement. 7 ans c’est un bon bout pareil ! Oui c’est sûr qu’à première vue, si tu m’as connue la semaine passée à la télé, tu peux avoir l’impression que c’est allé vite. Ceux qui me suivent depuis le premier jour où je me déguisais en Tinky Winky sur ma chaîne YouTube, ils savent que ça fait vraiment longtemps.

Si tu avais le choix de faire n’importe quel autre métier, que ferais-tu ?

C’est sûr que ça serait dans le domaine des arts parce que je pense que je ne suis pas bonne dans rien d’autres. Ça serait surement caméraman ou monteuse vidéo, recherchiste sur un plateau de télé. Ce serait en lien avec les arts de la scène et des médias.

Pourquoi as-tu commencé à composer des chansons?

Je n’ai aucune idée ! Je n’avais même pas l’impression que j’écrivais des chansons. J’avais des cours de guitare et je me suis mise à écrire des paroles là-dessus. Je ne me suis jamais levée un matin en disant moi je veux être chanteuse, je vais écrire des chansons. Ça s’est vraiment fait de façon naturelle.

Tu appelles tes fans tes cocos. Pourquoi ce surnom ?

Je trouve qu’appeler le monde des fans, ça fait comme si j’étais plus cool qu’eux autres, alors qu’au contraire. Si ça n’était pas de ces gens-là, aujourd’hui je ne serais pas assis avec vous et je ne ferais pas de spectacles. Je n’ai pas le type de carrière normal. Exemple, une téléréalité t’amène dans le salon des gens. Moi j’ai commencé dans le salon des gens et je suis rendue à la télé grâce aux gens. Je voulais avoir un petit surnom « cute » et « coco » c’est arrivé du jour au lendemain, sans mi attendre. Depuis ce temps ça n’a pas arrêté.

Je sais que tu es très impliquée dans la cause LGBTQ+. Quel est ton principal message pour toutes les personnes pour qui tu es un modèle important ?

Mon message serait de ne pas te stresser pas à trouver ta lettre ou ta couleur sur le drapeau. Tu n’es pas obligé de te mettre une étiquette. Souvent, je vais parler à des jeunes qui me disent moi ça me stresse, je ne sais pas, je me pose des questions… Fais juste vivre. Si demain matin tu es une fille qui tripe sur une fille, tu n’es même pas obligée de dire que tu es lesbienne. Moi ma blonde à 40 ans. Elle n’a jamais sorti avec des filles de sa vie et ça va faire 4 ans que nous sommes ensemble. Elle ne dit pas nécessairement au monde qu’elle est lesbienne, elle sort juste avec une fille. Peut-être qu’après moi, s’il y a un après moi, elle sera avec un gars ou une autre fille. Nous ne sommes pas obligés de nous stresser avec l’étiquette et la couleur qui nous appartiennent sur le drapeau. Si c’est important pour toi, je ne te juge pas non plus. Tu fais les choses comme toi ça te tente, car moi quand je vais me coucher ce soir, ça ne m’empêchera pas de dormir. Alors c’est vraiment de s’écouter et de ne pas se stresser avec ça.

Est-ce que tu veux des enfants ? Si oui, combien ?

Je ne veux pas d’enfants. Ma blonde en a déjà 3 et en avoir d’autres, ce n’est pas dans ses plans. Moi ça n’a jamais vraiment été dans mes plans parce que je suis très carriériste, très travaillante. Avoir des enfants, c’est vraiment un truc de société. Je pense que rendu en 2021, tu peux t’écouter. Moi j’ai peur de « scrapper » mes enfants. J’ai peur de faire des enfants et de ne pas être assez là pour eux, de ne pas leur montrer les bonnes choses et d’engendrer des enfants qui n’ont pas de bons sens. J’aime mieux ne pas me mettre ce stress-là sur les épaules.

Est-ce que tu as des animaux chez toi ?

Il en avait un qui pleurait tantôt et qu’il est en train de mastiquer je ne sais pas quoi. J’ai un chien et un chat.

Félicitation pour tes 100 000 albums vendus ! Avec la musique numérique de nos jours, comment vois-tu la vente d’albums dans le futur ?

C’est une bonne question ! En ce moment, je ne suis pas une experte, en ce moment je touche du bois parce que ça se passe bien. Si l’on revient 20 ans en arrière, les ventes physiques étaient un fiasco. Avant, le monde n’achetait que des albums et ce ne sont des chiffres qui ne faisaient pas de bons sens. 100 000 en 2021 ça n’a pas de sens, c’est complètement fou ! Je me compte vraiment chanceuse. Je pense vraiment que c’est appelé à disparaitre malheureusement, à moins qu’il y aille un revirement de situation, que la mode change. Comme là les vinyles sont très à la mode et tout le monde veut une machine a vinyle. À moins qu’il y ait une tournure dans les événements, je pense vraiment que nous allons vers le numérique.  Ce qui est « cool » aussi, c’est que ma musique voyage en France en ce moment et je ne suis jamais allée en France ! il y a des pour et des contres de chaque côté.

Récemment tu as fait part de ton expérience face à la violence conjugale avec ta chanson « Secret ». Que penses-tu de la situation actuelle et quel serait ton message pour toutes les personnes qui se retrouvent dans cette situation ?

C’est une grosse question qui mériterait une discussion de 3 heures, alors répondre comme ça risque d’être difficile. Ce que j’ai envie de dire aux victimes, c’est que l’on peut s’en sortir, il y a des numéros de téléphone, il y a des endroits où vous pouvez aller. Par contre, c’est dur de dire ça au monde présentement avec le confinement et tout ce qui sort dans les médias. Je peux comprendre les victimes de ne pas avoir envie deparler présentement, parce qu’on dirait que le système n’est pas assez derrière les victimes. C’est sûr que le message d’espoir que j’ai envie de donner, c’est il y a vraiment des numéros de téléphone et je vous le jure que nous pouvons nous en sortir.

Qu’est-ce qui te rend la plus heureuse en ce moment?

Mon Dieu, c’est une grosse question ! Je vais être franche avec vous, je suis le genre d’être humain qui voit le verre tout le temps à moitié vide. Je me lève le matin et je suis déjà marabout. Les petites choses de la vie comme boire mon café froid quand il fait soleil, être relaxe avec ma blonde et le chien, faire des spectacles. Juste une petite vie relaxe me rend heureuse.

Quel a été ton endroit préféré pour chanter ?

Je pense que c’est le spectacle de la St-Jean à Montréal. Il y avait du monde à perte de vue, je n’avais jamais chanté devant autant de monde. Je ne sais pas si ça été mon spectacle préféré, mais c’est le spectacle que je suis sortie de scène la plus fière. Je pensais mourir avant, pendant et un peu après. D’avoir survécu à ce spectacle-là, je suis vraiment, vraiment heureuse.

Comment arrives-tu à gérer ton stress avant un spectacle ?

Je ne gère pas mon stress avant un spectacle… si vous avez des trucs pour m’aider, juste me le dire, ça serait plaisant. Je suis toujours près de la mort. Mon dernier spectacle que j’ai fait c’est à Gatineau, un spectacle acoustique, et juste avant d’embarquer sur scène, j’avais l’impression d’avoir un énorme poil dans le fond de la gorge. J’étais avec mon guitariste en coulisse, il faut embarquer sur scène dans 30 secondes et je dis « Mat j’ai un poil dans le fond de la gorge ». Mat me demande d’où il vient le poil ? Là je suis comme ce n’est pas important d’où il vient le poil, c’est juste que là je vais chanter avec un poil dans la gorge ! Ce sont toutes de petites angoisses qui n’existent pas, comme ça, que je me crée comme une grande fille.

Comment vis-tu la situation actuelle (covid-19) sachant que tu es hyperactive et qu’il t’est très difficile de ne rien faire ? Quelles sont tes occupations et tes projets pour t’occuper un peu ?

D’emblée, je ne peux pas me plaindre. Je sais qu’il y a des artistes qui ont dû retourner travailler. Il y a des infirmières en ce moment qui se battent contre la mort. Moi, je continue à faire des vidéos sur Internet, à faire un peu de télé, un peu de spectacles.  Je te dirais que pour moi, oui c’est ennuyant, mais je ne peux pas me plaindre. Je suis une de celles qui ont été épargnées quand même. Près de moi, personne n’a été malade, tout le monde est en santé.

Comment as-tu trouvé que le chant était une passion pour toi ?

Je l’ai découvert quand un producteur m’a dit on va faire un disque. J’étais tellement gênée de chanter devant le monde que ça ne me passionnait pas. Je le faisais seule chez moi, j’avais du fun, mais je n’étais pas passionnée. J’étais terrorisée de le faire devant des gens. Présenter une chanson, c’est un peu se mettre l’âme à nu devant le monde et dire « aimes-tu ça ? » Je l’ai découvert quand les gens ont commencé à aimer ça. Je pense qu’ils m’ont donné le petit coup que ça prenait pour aimer ça.

Comme tu as dit tantôt, tu fais de l’anxiété et cela fait partie de ta vie. Quel serait ton message pour toutes ces personnes qui en souffrent au quotidien ?

Tu ne vas pas mourir. Je pense que c’est ce que je leur dirais parce que parfois, c’est tellement intense. Tu as l’impression que tu vas mourir. Au début de la covid, quand nous avons été confinés pour la première fois, ça a été long avant les assouplissements. Moi je suis vraiment la fille qui respecte les règles. Je n’ai pas vu personne. J’étais enfermée dans mon sous-sol. À un moment, je me suis dit que peut-être que l’anxiété, tranquillement pas vite, allait prendre de plus en plus de place dans mon cerveau et que je ne serais plus capable de sortir de chez moi. Il y a des gens pour qui l’anxiété n’est pas juste des poils dans le fond de la gorge et des sueurs froides avant d’embarquer sur scène. Ce sont du monde qui ne peuvent même pas sortir pour aller au restaurant. Il y a des degrés d’anxiété et si tu ne prends pas le temps de réaliser que tu en fais, ça peut prendre beaucoup de place. N’hésite pas à aller chercher de l’aide. Souvent, nous allons être gênés, nous allons avoir honte, mais il n’y a aucune raison d’avoir honte. Je pense que tous les êtres humains sur terre font un degré d’anxiété.

Pour toi, la persévérance scolaire c’est quoi ?

C’est dur. Je vous lève mon chapeau ! D’un parce que moi à l’école je trouvais ça vraiment difficile. Si on m’avait envoyée une journée sur deux ou complètement à la maison pour faire l’école, probablement que j’aurais décroché avant. J’ai décroché en secondaire 3 parce que je l’ai redoublé 3 fois. Je pense que c’est parce que je ne voulais pas. J’ai doublé une fois et j’ai décroché à partir de ce moment-là. Je restais parce que mes parents me forçaient à rester et pour vrai, ne faites pas ça. C’est la pire chose à faire ! Je sais que c’est difficile, je sais que c’est poche. Tu es fatigué et des fois tu ne comprends rien, tes parents t’énervent. Au secondaire, c’est le moment où vous avez le plus de questionnements. Vous recevez des formations, vous apprenez à devenir des adultes et là, vous le faites de façon confinée, alors bravo ! Il ne faut vraiment pas lâcher parce que si tu n’as pas de secondaire 5, il n’y a pas grand-chose après que tu peux faire. Ce qui est triste à dire, c’est que quand tu es une fille, c’est pire. Un gars qui a un secondaire 4 peut aller chercher ses cartes de construction. Physiquement oui, certaines filles peuvent le faire, mais moi en secondaire 3, je pesais 110 livres toutes trempées. Alors faire de la construction, ce n’était pas vraiment une option pour moi. De la musique, je suis chanceuse, c’est tombé sur moi comme par magie. Si je n’avais pas eu ça, je serais probablement encore en train de faire de la pizza, au salaire minimum, à devoir choisir si je fais une épicerie ou si je fais le plein de ma voiture. Si je peux vous traumatiser un peu, ne lâchez pas l’école.

Quel message veux-tu lancer aux jeunes de notre région du Centre-du-Québec ?

Je pense que j’ai répondu à deux questions importantes dans la question précédente. C’est vraiment ça mon message. Il ne faut pas lâcher. J’en ai deux ados à la maison et je sais que ce n’est pas facile, même pour la plus jeune qui est super bonne à l’école. C’est plus difficile avec la Covid, les masques. C’est compliqué, mais pour vrai, si je peux vous envoyer un peu d’ondes positives, ne lâchez pas.

Que penses-tu des jeunes qui s’impliquent bénévolement dans leur municipalité ?

Je trouve ça « cute ».

Que penses-tu de la relation entre les jeunes et la cigarette/vapoteuse ?

Je pense que pour vous, la cigarette c’est moins « hot ». Dans le temps de mes parents, il y avait des publicités à la télé qui disaient que la cigarette c’était bon. Il y avait des pharmacies et des médecins qui disaient que la cigarette c’était « cool » et que ça réduisait le stress. Après ils ont fait des recherches et ils se sont rendu compte que la cigarette tuait le monde à grands coups de cancer des poumons. Ils se sont retournés et dit que ce n’était pas « cool » et que ce n’était pas bon. La vapoteuse n’a pas tant de règlementation. Le monde fume beaucoup avec ça. J’ai l’impression que dans 20 ans, des chercheurs vont sortir que la vapoteuse fait pousser des yeux dans le front. Oui tu as l’air « cool de puffer » sur ta clé USB, mais ça va probablement causer des problèmes dans le futur. Si tu as le goût d’arrêter, c’est le temps !

Quelle importance doit-on accorder à l’activité physique?

Je n’y accordais pas beaucoup d’importance lorsque j’étais ado. Quand j’ai eu 25 ans, j’avais de la difficulté à monter les marches. J’étais étourdie et le cœur me battait dans la tête. J’ai alors décidé de commencer à m’entraîner, faire du tapis, faire du sport dans mon garage. Je ne suis pas très bonne, mais je le fais quand même. Je pense que c’est quelque chose qui est assez important. En même temps, si au secondaire j’avais eu autant de réseaux sociaux et de trucs à faire assis, probablement que j’aurais continué. C’est sûr que c’est important, mais entre ne pas faire de sport et vapoter, reste assis et arrête de vapoter.

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